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nétrer le fond. Ainsi l'on ignore la vérité, ou l'on ne la sait qu'à demi; et la savoir à demi, c'est pis que de l'ignorer tout entière, parce que cette connaissance imparfaite fait qu'on pense avoir accompli ce qui souvent n'est pas commencé. C'est ainsi qu'on vit dans le monde; et, manque de s'être affermi dans un amour constant de la vérité, on étale magnifiquement une vertu de parade dans de faibles occasions, qu'on laisse tout à coup tomber dans les occasions importantes.

Jésus donc, étant condamné par cette vertu imparfaite, nous apprend à expier ces défauts et ces faiblesses honteuses. Vous avez vu, ce me semble, toute la malignité de la créature, assez clairement déchaînée contre Jésus-Christ; vous l'avez vu accablé par ses amis, par ses ennemis, par ceux qui, étant en autorité, devaient protection à son innocence, par l'inconstance des uns, par la cruelle fermeté des autres, par la malice consommée, et par la vertu imparfaite. Il n'oppose rien à toutes ces insultes qu'un pardon universel qu'il accorde à tous, et qu'il demande pour tous. «< Père, << dit-il, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils « font1. >> Non content de pardonner à ses ennemis, sa divine bonté les excuse; elle plaint leur ignorance plus qu'elle ne blâme leur malice; et, ne pouvant excuser la malice même, elle donne tout son sang pour l'expier. A la vue d'un tel excès de miséricorde, y aurat-il quelque âme assez dure pour ne vouloir pas excuser tout ce qu'on nous a fait souffrir par faiblesse, pour ne vouloir pas pardonner tout ce qu'on nous a fait souffrir par malice? Ah! pardon, mes frères, pardon, grâce, miséricorde, indulgence en ce jour de rémission; et que personne ne laisse passer ce jour sans avoir donné

I Luc., XXIII, 34.

CHEFS-D'OEUV. DE BOSS. T. II. ·

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à Jésus quelque injure insigne, et pardonné pour mour de lui quelque offense capitale.

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Mais, au sujet de ces haines injustes, je me souviens, chrétiens, que je ne vous ai rien dit, dans tout ce discours, de ce que l'amour déshonnête avait fait souffrir au divin Jésus. Toutefois, je ne crains point de le dire, aucun crime du genre humain n'a plongé son âme innocente dans un plus grand excès de douleurs. Oui, ces passions ignominieuses font souffrir à notre Sauveur une confusion qui l'anéantit. C'est ce qui lui fait dire à son Père: « Vous connaissez les opprobres << dont ils m'ont chargé : » Tu scis improperium meum1. Ce trouble qui agite nos sens émus a causé à sa sainte âme ce trouble fâcheux qui lui a fait dire : « Mon âme <<'est troublée. » Cette intime attache au plaisir sensible qui pénètre la moelle de nos os, a rempli le fond de son cœur de tristesse et de langueur; et cette joie dissolue qui se répand dans les sens, a déchiré sa chair virginale par tant de cruelles blessures qui lui ont ôté la figure humaine, qui lui font dire par le saint Psalmiste : « Je suis un ver, et non pas un homme3. » Donc, ó délices criminelles, de combien d'horribles douleurs avez-vous percé le cœur de Jésus! Mais il faut aujourd'hui, mes frères, satisfaire à tous ces excès en nous plongeant dans le sang et dans les souffrances de JésusChrist : c'est, messieurs, ce qu'il nous ordonne, et c'est la dernière partie de son testament.

TROISIÈME POINT.

Quiconque veut avoir part à la grâce de ses douleurs, il doit en ressentir quelque impression: car ne croyez

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pas qu'il ait tant souffert pour nous faire aller au ciel à notre aise, et sans goûter l'amertume de sa passion. Il est vrai qu'il a soutenu le plus grand effort; mais il nous a laissé de moindres épreuves, et toutefois nécessaires pour entrer en conformité de son Esprit et être honorés de sa ressemblance.

C'est dans le sacrement de la pénitence que nous devons entrer en société des souffrances de Jésus-Christ. Le saint concile de Trente dit que les satisfactions que l'on nous impose doivent nous rendre conformes à Jésus-Christ crucifié1. Mon Sauveur, quand je vois votre tête couronnée d'épines, votre corps déchiré de plaies, votre âme percée de tant de douleurs, je dis souvent en moi-même : Quoi donc, une courte prière, ou quelque légère aumône, ou quelque effort médiocre, sont-ils capables de me crucifier avec vous? ne faut-il point d'autres clous pour percer mes pieds, qui tant de fois ont couru aux crimes, et mes mains, qui se sont souillées par tant d'injustices? Que si notre délicatesse ne peut supporter les peines du corps, que l'Église imposait autrefois à ses enfants par une discipline salutaire, récompensons-nous sur les cœurs pour honorer la douleur immense par laquelle le Fils de Dieu déplore nos crimes, brisons nos cœurs endurcis, par l'effort d'une contrition sans mesure. Jésus mourant nous y presse car que signifie ce grand cri avec lequel il expire? Ah! mes frères, il agonisait, il défaillait peu à peu, attirant l'air avec peine d'une bouche toute livide, et traînant lentement les derniers soupirs par une respiration languissante: cependant il fait un dernier effort pour nous inviter à la pénitence; il pousse au ciel un grand cri, qui étonne toute la nature, et que

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' tout l'univers écoute avec un silence respectueux : il nous avertit qu'il va mourir, et en même temps il nous dit qu'il faut mourir avec lui. Quelle est cette mort? C'est qu'il faut arracher son cœur de tout ce qu'il aime désordonnément, et sacrifier à Jésus ce péché régnant, qui empêche que sa grâce ne règne en nos cœurs.

Chrétiens, Jésus va mourir : il baisse la tête, ses yeux se fixent; il passe, il expire : c'en est fait, il a rendu l'âme. Sommes-nous morts avec lui? sommes-nous morts au péché? allons-nous commencer une vie nouvelle' avons-nous brisé notre cœur par une contrition véritable, qui nous fasse entrer aujourd'hui dans la société de ses souffrances? Qui me donnera, chrétiens, que je puisse imprimer dans vos cœurs ce sentiment de componction? Que si mes paroles n'en sont pas capables, arrêtez les yeux sur Jésus, et laissez-vous attendrir par la vue de ses divines blessures. Je ne vous demande pas pour cela, messieurs, que vous contempliez attentivement quelque peinture excellente de JésusChrist crucifié j'ai une autre peinture à vous proposer; peinture vivante et parlante qui porte une expression naturelle de Jésus mourant. Ce sont les pauvres, mes frères, dans lesquels je vous exhorte de contempler aujourd'hui la passion de Jésus. Vous n'en verrez nulle part une image plus naturelle. Jésus souffre dans les pauvres ; il languit, il meurt de faim dans une infinité de pauvres familles. Voilà donc dans les pauvres Jésus-Christ souffrant; et nous y voyons encore, pour notre malheur, Jésus-Christ abandonné, JésusChrist délaissé, Jésus-Christ méprisé. Tous les riches devraient courir pour soulager de telles misères; et on ne songe qu'à vivre à son aise, sans penser à l'amertume et au désespoir où sont abîmés tant de chrétiens! Voilà donc Jésus délaissé; voici quelque chose de plus :

Jésus se plaint par son prophète, de ce que l'on a ajouté à la douleur de ses plaies: Super dolorem vulnerum meorum addiderunt'; de ce que dans sa soif extrême on lui a donné du vinaigre: n'est-ce pas donner du vinaigre aux pauvres que de les rebuter, de les maltraiter, de les accabler dans leur misère et dans leur éxtrémité déplorable? Ah! Jésus, que nous voyons dans ces pauvres peuples une image trop effective de vos peines et de vos douleurs! Sera-ce en vain, chrétiens, que toutes les chaires retentiront des cris et des gémissements de nos misérables frères, et les cœurs ne serontils jamais émus de telles extrémités?

Sire, Votre Majesté les connaît, et votre bonté paternelle témoigne assez qu'elle en est émue. Sire, que Votre Majesté ne se lasse pas puisque les misères s'accroissent, il faut étendre les miséricordes; puisque Dieu redouble ses fléaux, il faut redoubler les secours, et égaler, autant qu'il se peut, le remède à la maladie. Dieu veut qu'on combatte sa justice par un généreux effort de charité, et les nécessités, extrêmes demandent que le cœur s'épanche d'une façon extraordinaire. Sire, c'est Jésus mourant qui vous y exhorte; il vous recommande vos pauvres peuples : et qui sait si ce n'est pas un conseil de Dieu d'accabler, pour ainsi dire, le monde par tant de calamités, afin que Votre Majesté portant promptement la main au secours de tant de misères, elle attire sur tout son règne ces grandes prospérités que le Ciel lui promet si ouvertement? Puisse Votre Majesté avoir bientôt le moyen d'assouvir son cœur de ce plaisir vraiment chrétien et vraiment royal, de rendre ses peuples heureux : ce sera le dernier trait de votre

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