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un peu, avant toutes choses, sur la nature des joies du monde. Car, mes frères, c'est une erreur de croire qu'il faille indifféremment recevoir la joie, de quelque côté qu'elle naisse, quelque main qui nous la présente. Que m'importe, dit l'épicurien, de quoi je me réjouisse, pourvu que je sois content? soit erreur, soit vérité, c'est toujours être trop chagrin que de refuser la joie, de quelque part qu'elle vienne. Ceux qui le pensent ainsi, ennemis du progrès de leur raison, qui leur fait voir tous les jours la vanité de leurs joies, estiment leur âme trop peu de chose, puisqu'ils croient qu'elle peut être heureuse sans posséder aucun bien solide, et qu'ils mettent son bonheur, et par conséquent sa perfection, dans un songe (remarquez qu'il ne faut pas distinguer le bonheur de l'âme d'avec sa perfection : grand principe). Mais le Saint-Esprit prononce au contraire que celui-là est insensé, qui se réjouit dans les choses vaines; que celui-là est abandonné, maudit de Dieu, qui se réjouit dans les mauvaises; et qu'enfin on est malheureux, quand on n'aime que les plaisirs que la raison condamne ou qu'elle méprise.

Il faut donc avant toutes choses considérer d'où nous vient la joie, et quel en est le sujet. Et premièrement, chrétiens, toutes les joies que vous donnent les biens de la terre sont pleines d'illusions et de vanité. C'est pourquoi, dans les affaires du monde, le plus sage est toujours celui que la joie emporte le moins. Écoutez la belle sentence que prononce l'Ecclésiastique : « Le fou, « dit-il, indiscret, inconsidéré, fait sans cesse éclater « son ris; et le sage à peine rit-il doucement: » Fatuus in risu exaltat vocem suam; vir autem sapiens vix tacite ridebit1. En effet, quand on voit un homme emporté,

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véritable sujet de se réjouir. C'est pourquoi il rit en tremblant, comme disait l'Ecclésiastique; c'est-à-dire qu'il supprime lui-même sa joie indiscrète par une certaine hauteur d'une âme qui désavoue sa faiblesse, et qui, sentant qu'elle est née pour des biens célestes, a honte de se voir si fort transportée par des choses si méprisables.

Après avoir regardé d'où nous vient la joie, il faut encore considérer où elle nous mène. Car, ô plaisirs, où nous menez-vous? à quel oubli de Dieu et de nous-mêmes! à quels malheurs et à quels désordres! Ne sont-ce pas les plaisirs déréglés qui ont conseillé tous les crimes? car quel en est le principe universel, sinon qu'on se plaît où il ne faut pas? Donc la raison nous oblige à nous défier des plaisirs flatteurs pernicieux, conseillers infidèles, qui ruinent tous les jours en nous l'âme, le corps, la gloire, la fortune, la religion, et la conscience.

Enfin il faut méditer combien la joie est durable : car Dieu, qui est la vérité même, ne permet pas à l'illusion de régner longtemps. C'est lui, dit le roi-prophète, qui se plaît, pour punir l'erreur volontaire de ceux qui ont pris plaisir à être trompés, « d'anéantir <«< dans sa cité sainte toutes les félicités imaginaires, <«< comme un songe s'anéantit quand on se réveille, et « qui fait succéder des maux trop réels à la courte im« posture d'une agréable rêverie: » Velut somnium sur

gentium, Domine, in civitate tua imaginem ipsorum ad nihilum rediges1.

Concluons donc, chrétiens, que si la félicité est une joie, c'est une joie fondée sur la vérité : gaudium de veritate, comme la définit saint Augustin. Telle est la joie des bienbeureux, non une joie seulement, mais une joie solide et réelle, dont la vérité est le fond, dont la sainteté est l'effet, dont l'éternité est la durée.

Telle est la joie des bienheureux, dont la plénitude est infinie, dont les transports sont inconcevables et les excès tout divins. Loin de notre idée les joies sensuelles qui troublent la raison, et ne permettent pas à l'âme de se posséder; en sorte qu'on n'ose pas dire qu'elle jouisse d'aucun bien, puisque, sortie d'elle-même, elle semble n'être plus à soi pour en jouir. Ici elle est vivement touchée dans son fond le plus intime, dans la partie la plus délicate et la plus sensible; toute hors d'elle, toute à elle-même; possédant celui qui la possède; la raison toujours attentive et toujours contente.

Mais, mes frères, ce n'est pas à moi de publier ces merveilles, pendant que le Saint-Esprit nous représente si vivement la joie triomphante de la céleste Jérusalem, par la bouche du prophète Isaïe. « Je créerai, dit le Sei<«< gneur, un nouveau ciel et une nouvelle terre, et toutes a les angoisses seront oubliées et ne reviendront ja«< mais : » Oblivioni traditæ sunt angustia priores, et non ascendent super cor 3. « Mais vous vous réjouirez, et votre « âme nagera dans la joie durant toute l'éternité dans <«<les choses que je crée pour votre bonheur : » Gaudebitis et exultabitis usque in sempiternum in his quæ ego creo. « Car je ferai que Jérusalem sera toute trans

› Psal. LXXII, 20. - 2 Confess., lib. X, cap. xxIII.

et seq.

3 Is., LXV, 16

« portée d'allégresse, et que son peuple sera dans le << ravissement: » Quia ecce ego creo Jerusalem exultationem, et populum ejus gaudium. « Et moi-même je me « réjouirai en Jérusalem, et je triompherai de joie dans «< la félicité de mon peuple : » Et exultabo in Jerusalem, et gaudebo in populo meo.

Voilà de quelle manière le Saint-Esprit nous représente les joies de ses enfants bienheureux. Puis, se tournant à ceux qui sont sur la terre, à l'Église militante, il les invite en ces termes à prendre part aux transports de la sainte et triomphante Jérusalem : « Réjouissez« vous, dit-il, avec elle, ô vous qui l'aimez; réjouissez<< vous avec elle d'une grande joie, et sucez avec elle << par une foi vive la mamelle de ses consolations di« vines, afin que vous abondiez en délices spirituelles, << parce que le Seigneur a dit: Je ferai couler sur elle «< un fleuve de paix, et ce torrent se débordera avec << abondance : toutes les nations de la terre y auront << part: et avec la même tendresse qu'une mère caresse « son enfant, ainsi je vous consolerai, dit le Seigneur : » Lætamini cum Jerusalem, et exultate in ea, omnes qui diligitis eam gaudete cum ea gaudio.... ut sugatis et repleamini ab ubere consolationis ejus : ut mulgeatis et deliciis affluatis ab omnimoda gloria ejus. Quia hæc dici Dominus: Ecce ego declinabo super eam quasi fluvium pacis, et quasi torrentem inundantem gloriam gentium.... Quomodo si cui mater blandiatur, ita ego consolabor vos 1. Quel cœur serait insensible à ces divines tendresses? Aspirons à ces joies célestes, qui seront d'autant plus touchantes qu'elles seront accompagnées d'un parfait repos; parce que nous ne les pourrons jamais perdre. Quittons, mes frères, tous nos vains plaisirs; c'est la

Is., LXVI, 18 et seq.

! quam pueriliter nos ille decipiendi artifex fallit... on discernamus, gaudendi avidi, unde verius gaudea! Que de désirs différents sentent les malades! La é revient, et tous ces appétits déréglés s'évanouisNe mettons point notre bonheur à contenter ces tits irréguliers que la maladie a fait naître. Qu'a le de de comparable [ à ces ineffables douceurs ]? Mais se vante de donner des joies, il n'ose pas même nettre de vous y donner du repos : c'est l'héritage saints, c'est le partage des bienheureux; et c'est où je m'en vais conclure.

,

TROISIÈME POINT.

e repos éternel des bienheureux nous a été figuré l'origine du monde, lorsque Dieu, ayant tiré du nt ses créatures, et les ayant arrangées dans une să e ordonnance durant six jours, établit et sanctifia ur du repos, dans lequel, comme dit la sainte Écriil « se reposa de tout son ouvrage 2. » Vous savez z, chrétiens, que Dieu, qui fait tout sans peine par olonté, n'a pas besoin de se délasser de son travail; ous n'ignorez pas non plus qu'en consacrant ce jour epos, il n'a pas laissé depuis d'agir sans cesse. « Mon -re, dit le Fils de Dieu, agit sans relâche . » Et s'il ait un moment de soutenir l'univers par la force de uissance, le soleil s'égarerait de sa route, la mer

julian. Pomer. de Vit. Contempl., lib. II, cap. xin, inter Oper.

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