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Mais je veux bien t'accorder, pécheur, qu'il te reste encore du temps: pourquoi tardes-tu à te convertir? pourquoi ne commences-tu pas aujourd'hui? crains-tu que ta pénitence ne soit trop longue d'un jour? Quoi! non content d'être criminel, tu veux durer longtemps dans le crime! tu veux que ta vie soit longue et mauvaise tu veux faire cette injure à Dieu, toujours demander du temps, et toujours le perdre! car tu rejettes tout au dernier moment. C'est le temps des testaments, dit saint Chrysostome1, et non pas le temps des mystères. Ne sois pas de ceux qui diffèrent à se reconnaître quand ils ont perdu la connaissance, qui attendent presque que les médecins les aient condamnés pour se faire absoudre par les prêtres, qui méprisent si fort leur âme, qu'ils ne pensent à la sauver que lorsque le corps est désespéré.

Faites pénitence, mes frères, tandis que le médecin n'est pas encore à votre côté, vous donnant des heures qui ne sont pas en sa puissance, mesurant les moments de votre vie par des mouvements de tête, et tout prêt à philosopher admirablement sur le cours et la nature de la maladie, après la mort. N'attendez pas, pour vous convertir, qu'il vous faille crier aux oreilles, et vous extorquer par force un oui ou un non : que le prêtre ne dispute pas près de votre lit avec votre avare héritier, ou avec vos pauvres domestiques, pendant que l'un vous presse pour les mystères, et que les autres sollicitent pour leur récompense, ou vous tourmentent pour un testament. Convertissez-vous de bonne heure; n'attendez pas que la maladie vous donne ce conseil salutaire que la pensée en vienne de Dieu et non de la fièvre, de la raison et non de la nécessité, de l'autorité

1 In Act. Apost., homil. I, n° 7.

-2 S. Gregor. Naz., orat. XL.

divine, et non de la force. Donnez-vous à Dieu avec liberté, et non avec angoisse et inquiétude. Si la pénitence est un don de Dieu, célébrez ce mystère dans un temps de joie, et non dans un temps de tristesse. Puisque votre conversion doit réjouir les anges, c'est un fâcheux contre-temps de la commencer quand votre famille est éplorée. Si votre corps est une hostie qu'il faut immoler à Dieu, consacrez-lui une hostie vivante : si c'est un talent précieux qui doit profiter entre ses mains, mettez-le de bonne heure dans le négoce; et n'attendez pas pour le lui donner qu'il faille l'enfouir en terre. Après avoir été le jouet du temps, prenez garde que vous ne soyez le jouet de la pénitence; qu'elle ne fasse semblant de se donner à vous, que cependant elle ne vous joue par des sentiments contrefaits, et que vous ne sortiez de cette vie après avoir fait, non une pénitence chrétienne, mais une amende honorable qui ne vous délivrera pas du supplice. Ecce nunc tempus acceptabile, ecce nunc dies salutis : « Voilà le temps favorable, voici les jours de salut. » [Évitez] l'écueil [où vous conduit] l'impénitence; [cherchez ] le port où la bonté de Dieu vous invite, où vous trouverez la miséricorde éternelle.

II. Cor., vl, 2.

SERMON

PRÊCHÉ DEVANT LE ROI,

SUR L'HONNEUR.

Puérilité de l'honneur qu'on cherche dans les choses vaines. Véritable grandeur de la créature raisonnable. D'où vient que les hommes courent après tant de faux honneurs: combien ils sont peu propres à les élever solidement. Étendue prodigieuse des vanités; leurs funestes effets. Maximes pernicieuses dont le faux honneur se sert pour autoriser le crime. Mépris des louanges naturel à la vertu chrétienne: efforts de la vaine gloire pour la corrompre. Criminel attentat de celui qui s'attribue les dons de Dieu.

Omnia opera sua faciunt ut videantur ab hominibus.

Ils font toutes leurs œuvres dans le dessein d'être vus des hommes.

Matth. XXIII, 5%

Je me suis souvent étonné comment les hommes, qui présument tant de la bonté de leurs jugements, se rendent si fort dépendants de l'opinion des autres, qu'ils s'y laissent souvent emporter contre leurs propres pensées. Nous sommes tellement jaloux de l'avantage de bien juger, que nous ne le voulons céder à personne; et cependant, chrétiens, nous donnons tant à l'opinion, et nous avons tant d'égards à ce que pensent les autres, qu'il semble quelquefois que nous ayons honte de suivre notre jugement, auquel nous avons néanmoins tant de confiance. C'est la tyrannie de l'honneur qui nous cause cette servitude. L'honneur nous fait les captifs de ceux dont nous voulons être honorés. C'est pourquoi nous sommes contraints de céder beaucoup de choses à leurs opinions; et souvent de grands politiques et des capitaines expérimentés, touchés de ce faux honneur, et du désir d'éviter un blâme qu'ils n'avaient point

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mérité, ont ruiné malheureusement, par les sentiments d'autrui, des affaires qu'ils auraient sauvées en suivant les leurs. Que s'il est si dangereux de se laisser trop emporter aux considérations de l'honneur, même dans les affaires du monde auxquelles il a tant de part, quel obstacle ne mettra-t-il pas aux affaires du salut? et combien est-il nécessaire que nous sachions prendre ici de véritables mesures! C'est pour cela, chrétiens, que, méditant l'évangile où Jésus-Christ nous représente les pharisiens comme de misérables captifs de l'honneur du monde, j'ai pris la résolution de le combattre aujourd'hui; et pour cela j'appelle à mon aide la plus humble des créatures, en lui disant avec l'ange: Ave, Maria.

L'honneur fait tous les jours et tant de bien et tant de mal dans le monde, qu'il est assez malaisé de définir quelle estime on en doit faire, et quel usage on doit lui laisser dans la vie humaine. S'il nous excite à la vertu, il nous oblige aussi trop souvent à donner plus qu'il ne faut à l'opinion; et quand je considère attentivement les divers événements des choses humaines, il me paraît, chrétiens, que la crainte d'être blâmé n'étouffe guère moins de bons sentiments qu'elle n'en réprime de mauvais. Plus j'enfonce dans cette matière, moins j'y trouve de fondement assuré; et je découvre au contraire tant de bien et tant de mal, et, pour dire tout en un mot, tant de bizarres inégalités dans les opinions établies sur le sujet de l'honneur, que je ne sais plus à quoi m'arrêter.

En effet, entrant au détail de ce sujet important, j'ai remarqué, chrétiens, que nous mettons de l'honneur dans des choses vaines, que nous en mettons souvent dans des choses qui sont mauvaises, et que nous en mettons aussi dans des choses bonnes. Nous mettons

beaucoup d'honneur dans des choses vaines, dans la pompe, dans la parure, dans cet appareil extérieur. Nous en mettons dans des choses mauvaises; il y a des vices que nous honorons; il y a de fausses vaillances qui ont leur couronne, et de fausses libéralités que le monde ne laisse pas d'admirer. Enfin nous mettons de l'honneur dans des choses bonnes; autrement la vertu ne serait pas honorée; par exemple, dans la vertu, dans la force et dans l'adresse d'esprit et de corps. Voilà, messieurs, l'honneur attaché à toutes sortes de choses. Qui ne serait surpris de cette bizarrerie? Mais si nous savons entendre le naturel de l'esprit humain, nous demeurerons convaincus qu'il ne pouvait pas en arriver d'une autre sorte. Car comme l'honneur est un jugement que les hommes portent sur le prix et sur la valeur de certaines choses, parce que notre jugement est faible, il ne faut pas trouver étrange s'il est ébloui par des choses vaines; parce que notre jugement est dépravé, il était absolument impossible qu'il ne s'égarât jusqu'à en approuver beaucoup de mauvaises; et parce qu'il n'est ni tout à fait faible ni tout à fait dépravé, il fallait bien nécessairement qu'il en estimât beaucoup de très-bonnes. Toutefois encore y a-t-il ce vice dans l'estime que nous avons pour les bonnes choses, que cette même dépravation et cette même faiblesse de notre jugement fait que nous ne craignons pas de nous en attribuer tout l'honneur, au lieu de le donner tout entier à Dieu, qui est l'auteur de tout bien. Ainsi, pour rendre à l'honneur son usage véritable, nous devons apprendre, messieurs, à chercher dans les choses que nous estimons: premièrement du prix et de la valeur; et par là les choses vaines seront décriées : secondement la conformité avec la raison; et par là les vices perdront leur crédit : troisièmement l'ordre nécessaire;

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