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au lecteur le sentiment dont je suis moi-même pénétré, en écrivant ce qui suit. Ces sentimens restent en dehors de mes récits, et ne sont point altérés par eux. Ce sont les faits. d'un autre que je rappelle: je n'y mets rien du mien.

Le peu de considération que la Cour de Rome inspira à Napoléon, fut une des causes du défaut de succès de son voyage. Dès qu'il cessait de considérer, il méprisait; le passage de l'un à l'autre était insensible, et dès qu'il méprisait, il perdait ou rejetait. Avec lui tout consistait à garder sa place d'opinion. Il était évident qu'une cour de cette espèce ne pou vait aller loin avec Napoléon : les classes inférieures étaient bien basses, les supérieures bien loin, et toutes en cérémonies, en protestations, en révérences, aux rares occasions dans lesquelles elles se laissaient apercevoir. Leurs personnes étaient sans dignité, leurs paroles sans éclat, et leurs factum sans les qualités propres à faire impression sur un esprit tel que celui de Napoléon. Il y a plus, car il faut tout dire; le pape, incité sûrement par ses conseils, avait beaucoup insisté sur les lois organiques, sur l'enseignement des quatre

propositions; il avait insisté, la lettre de Louis XIV à la main; plusieurs fois il avait présenté à Napoléon les gros volumes de Bellarmin, sur les droits et l'infaillibilité du pape. Napoléon, toujours railleur, lui répondit un jour: Très-Saint Père, me prenezvous donc pour Charles IV, roi d'Espagne? Ce fait paraît singulier je le tiens de la bouche de Napoléon qui me l'a répété plusieurs fois, et comme la mobilité et l'abondance de son imagination me tenaient en garde contre les ornemens de ses récits, dont cependant le fonds était toujours vrai, car il n'était point menteur (1), j'ai cherché et j'ai trouvé la confirmation de celui-ci chez un homme d'une véracité inaltérable, placé longtemps dans la position la plus favorable pour tout voir et tout connaître, et qui sûrement n'avait pas plus d'intérêt à me tromper, qu'il n'eût été capable d'en avoir l'intention, feu le grand-maréchal du palais, le général Duroc, cet homme que ses excellentes qualités et sa rare modestie avaient, pendant sa vie, rendu

(1) Napoléon brodait, mais ne supposait pas.

l'objet de l'estime publique, et qu'à sa mort déplorable elles rendirent celui des regrets universels.....; il m'a dit souvent avoir été témoin de ce qui vient d'être rapporté.

De tout cela il s'était formé dans l'esprit de Napoléon une disposition moins favorable que celle qui préexistait à l'entrevue et au long rapprochement avec le pape. La considération s'était affaiblie, le sentiment de l'obligation s'était amorti, la fugitive reconnaissance s'était éloignée en redoublant la rapidité de sa fuite ordinaire: on se sépara poliment, mais froidement. Le pape n'aurait jamais dû rester à Paris plus de huit jours. Tout avait été arrangé pour que les relais qui conduisaient Napoléon à Milan servissent au pape. Peut-être la considération d'un grand mouvement dans les postes, ainsi que celle du passage des Alpes au cœur de l'hiver contribua-t-elle à faire prolonger le séjour du pape. Ces grands déplacemens sont toujours pénibles et chers. Enfin toute cette cour partit, et ce fut avec la joie d'exilés qui voient les portes de la patrie se rouvrir. Le pape sortit des Thuileries à travers la foule d'un peuple à genoux. Il arriva à Lyon le jour même

T. II.

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que Napoléon en partait pour se rendre à Turin. Il fut reçu dans Lyon encore plus chaudement que ne l'avait été Napoléon. J'y étais, je l'ai vu. Il arriva à Turin dans le cours même de la journée où Napoléon y fit son entrée. Cette grande cité parut ébranlée jusque dans ses fondemens par la rencontre sans exemple de ces deux astres.

Ce fut là que le pape ordonna à l'archevêque de Turin de remettre son siége à Napoléon. On n'avait encore pu l'obtenir de ce prélat. Il eut beau s'en défendre, le pape l'exigea, et il fallut céder. Napoléon et le pape dinerent ensemble, et se séparèrent. Le pape reprit le sur-lendemain le chemin de Rome. Ils ne sé sont plus revus qu'à Fontainebleau en 1813.

Mais pendant que cette cour déchue de son espoir regagnait tristement ses foyers, une barrière plus forte que les Alpes s'élevait entre le pape et Napoléon, celle du dépit et du regret d'avoir perdu ses pas, et manqué son objet. Le levain fermentait, et portant son aigreur dans toute la masse du sang de la cour de Rome, il préparait la catastrophe qu'il reste à raconter.

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CHAPITRE XXX.

Dispositions personnelles de Pie VII et de Napoléon à • l'égard l'un de l'autre.

Voici deux hommes qui sans se haïr, au contraire en se considérant mutuellement sous beaucoup de rapports, se sont cependant fait tout le mal qu'ils ont pu se faire. Le pape a lancé contre Napoléon jusqu'à `sa dernière arme, il l'a excommmunié; Napoléon a retenu le pape en prison, il l'a dépouillé de ses domaines : des deux côtés on ne pou. vait pas se faire plus de mal que cela. Voici, un singulier contraste dans la conduite respective des combattans. Tant que le pape n'a suivi que son impulsion personnelle, tout a bien été; dès qu'il s'est livré à celle d'autrui, tout a péri. Au contraire, tant que Napoléon a marché seul, il a été de violence en violence, de chute en chute; dès qu'il a pris conseil, tout a été redressé, et remis dans la ligne de la raison, et des vrais intérêts de la religion et de l'Etat.

Les discussions qui ont régné entre le

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