Obrazy na stronie
PDF
ePub

nous jouissons de bien plus de lumières que le chantre d'Israël; nous avons des motifs d'adoration, de gratitude et de confiance, qu'il ignorait lui-même ; la grandeur infinie du Dieu de la nature, du Dieu de l'Evangile, nous est apparue avec des clartés qu'il eût à peine soupçonnées. Mais si nous possédons des notions plus exactes, avouons que pour la profondeur et l'intensité de l'émotion religieuse, pour l'énergie du sentiment et les élans de la foi, il est encore notre modèle. Puissions-nous seulement nous mettre à sa hauteur!

Que sommes-nous auprès de Dieu ? Pour nous en donner une idée, faisons comme David; prenons pour mesure, non pas Dieu lui-même, ce qui serait absolument impossible à notre intelligence bornée, mais les ouvrages de ses mains; et comparons-nous à eux, en dressant entre nous et le ciel une sorte d'échelle de Jacob qui, de degré en degré, nous élève jusqu'à l'Auteur de toutes choses, et nous fasse mieux sonder l'abîme qui nous sépare de lui. Notre pays est réputé pour ses hautes montagnes; et sûrement, chers lecteurs, ceux d'entre vous qui les ont vues de près, qui ont essayé de les gravir jusqu'à une altitude suffisante pour les embrasser du regard, ont dû se sentir comme écrasés en face de ces géants de roc et de glace enfantés par la nature. Oh! que nous paraissons petits à côté d'eux! Nous ne sommes devant leur masse immense que des atomes qui ne comptent plus. Toutefois, ces montagnes si imposantes, d'un aspect si grandiose et formidable, que sont-elles

en comparaison de la terre qui les soutient? Des lignes à peine distinctes, des rides insignifiantes qui n'empêchent pas notre planète de tourner dans l'espace comme un globe dont la surface serait unie.

Notre terre, de son côté, qu'est-elle vis-à-vis du soleil qui nous éclaire? L'astronomie nous fournit là-dessus des indications précises, qu'il est intéressant de connaître, pour apprécier dans toute leur magnificence les œuvres du Créateur. Représentez-vous que notre globe soit au centre du soleil : il y aurait encore assez de marge dans l'intérieur de ce même astre lumineux, pour que la lune continuât à graviter autour de la terre en se maintenant vis-à-vis d'elle à la même distance où nous la voyons aujourd'hui. Mais le soleil, à son tour, qu'est-il auprès des horizons incommensurables qui nous enveloppent comme d'un cercle de feu? auprès de ces amas d'étoiles, semées là-haut comme de la menue poussière, et dont plusieurs sont tellement éloignées de nous, qu'il faudrait, à en croire la science, plusieurs siècles à un boulet de canon pour y parvenir? Et tout ce que nous voyons du ciel, enfin, qu'est-ce auprès des espaces infinis qu'on devine par delà les étoiles que notre œil peut distinguer?

Rien est-il plus capable de nous donner une idée de notre petitesse et de notre néant? L'homme est un point auprès de nos montagnes, nos montagnes sont un point auprès de la terre; notre terre, un point auprès du soleil; le soleil, un point auprès de ce que nous voyons du ciel; et tout ce que nous voyons, tout ce que nous découvrons au moyen de nos télescopes, n'est qu'un

point auprès de ce que nous ne voyons pas. Et cet univers sans bornes, dont la grandeur effraie l'imagination la plus hardie, c'est le doigt de Dieu qui le manie et le façonne à son gré, comme le potier fait de l'argile! Ah! que nous comprenons bien l'exclamation du poète sacré :

Quand je regarde tes cieux, ouvrage de tes doigts, La lune et les étoiles que tu as formées : [de lui, Qu'est-ce que l'homme, pour que tu te souviennes Et le fils de l'homme, pour que tu le visites?

Si l'homme est peu de chose vis-à-vis de l'espace, il n'est pas moins petit visà-vis du temps. Selon les calculs les plus probables, il y a des milliers, non pas d'années, mais de siècles, que la terre se meut dans l'étendue; relativement à ce chiffre, il n'y a qu'un petit nombre d'années qu'elle est habitée par des hommes; et pourtant, pendant cette période si courte qui s'est écoulée depuis Adam jusqu'à nos jours, que de générations se sont succédé sur la scène du monde! Que de fois le théâtre terrestre n'a-t-il pas changé d'acteurs! Que de couches mortuaires superposées! Que de cimetières entassés les uns par-dessus les autres! Que de millions d'êtres humains ont paru sur la terre, dont il ne reste pas la moindre trace, et dont le souvenir demeurera jusqu'à la fin enfoui dans le néant! Qu'est-elle, notre vie, qu'une vapeur éphémère, un songe qui s'évanouit au matin? Voici un homme robuste et actif, dont l'aspect n'éveille d'autre image que celle de la santé et du bonheur : mais qu'un germe imperceptible, un invisible insecte, une goutte de telle liqueur, se trouve en contact avec son corps; qu'un souffle d'air le touche, et voilà sa vaillance

couchée dans le sépulcre! Il n'est plus, plus qu'un amas de poussière, que la postérité foulera aux pieds sans y prendre garde. Et vous aurez beau le chercher, évoquer sa mémoire, l'appeler par son nom... dans dix ans, dans un siècle, dans mille ans : son temps est fini, il a passé pour toujours!

Et le sort de cet homme, chers lecteurs, ce sera le nôtre à tous, demain ! Oui, demain, que ce soit dans un jour ou dans plusieurs années, peu importe; demain notre place sera vide, ou plutôt elle sera si bien comblée que nul ne songera que nous l'avions occupée un instant; et les affaires de ce monde continueront leur train, les hommes leurs travaux, la terre son parcours, comme si nous n'avions jamais existé! Que sommes-nous donc auprès de Dieu, aux yeux duquel « mille ans sont comme un jour, et un jour comme mille ans, >> pour qui le passé et le futur n'existent que si, par un acte de sa volonté absolue, il consent à se limiter lui-même, et dont le regard, s'il lui plait d'évoquer cette vision lointaine, découvre ce qui se passera sur la terre dans des myriades. d'années, aussi distinctement que ce qui s'y passe à cette heure? « Qu'est-ce que l'homme, mon Dieu, pour que tu te souviennes de lui, et le fils de l'homme, pour que tu le visites? >>

Après ce que nous venons de dire, comment ne pas ajouter que, si l'homme est petit dans le temps et dans l'espace, il se montre petit bien plus encore au point de vue moral? Lui, en effet, qui n'est qu'un atome dans l'étendue, un rêve dans l'éternité, il croit pouvoir se passer de Dieu! Il a eu, et il a encore, la prétention de se débarrasser de Celui

qui tient toutes choses dans le creux de sa main; il voudrait rayer son nom du langage, effacer son souvenir de l'histoire; et, après l'avoir banni du ciel et de la terre, il a l'ambition de s'asseoir sur le trône désert de la divinité, au point que de nos jours son impudence a été jusqu'à dire « Dieu, c'est moimême ! » Oh! c'est ici que l'homme est surtout petit, petit jusqu'au ridicule, mesquin jusqu'à l'absurde! Il ose contrôler l'infinie sagesse de Dieu à la mesure de son esprit, qui n'est que passions et ténèbres; et il rejette les révélations magnifiques et salutaires de la divine Parole, parce que ce n'est pas ainsi que lui-même les aurait inventées! Orgueil qui touche à la folie et n'inspire que le dégoût! Misérable ver luisant, qui se flatte d'éteindre le soleil pour éclairer mieux que lui! Pauvre nature humaine, combien tu es déchue et que tu fais pitié à voir! Mon Dieu, qu'est-ce que l'homme, pour que tu te souviennes de lui, et le fils de l'homme, pour que tu le visites? >>

Néanmoins, Dieu se souvient de nous. Grands ou petits, faibles ou forts, rois ou mendiants, il n'est personne d'entre nous qui, déjà avant que les montagnes fussent nées, avant que la terre fût sortie du chaos, n'ait été l'objet de la pensée du Tout-Puissant. A travers le cours des âges, au milieu de la multitude infiniment variée des choses et des êtres qui ont occupé sa sagesse, il ne nous a pas perdus de vue un seul instant, puisque chacun de nous, au jour marqué dans les desseins éternels, a été appelé à l'existence par la Parole du Dieu fort. Il s'est souvenu de nous

durant l'année écoulée, puisqu'à toute heure nous avons eu besoin, pour vivre, de son assistance et de sa miséricorde, et que son secours ne nous a pas fait défaut jusqu'au moment actuel.

Et non seulement il s'est souvenu des mortels, mais il s'est abaissé jusqu'à eux en la personne de son Fils bienaimé, et, dans la plénitude de ce mot, il les a « visités. » Le Verbe éternel a habité parmi nous la terre porte encore les marques bénies de son auguste passage. Il a fait à notre pauvre globe un honneur qui est probablement sans exemple dans les annales de l'univers, un honneur qui n'a été, selon toute apparence, le partage d'aucune de ces étoiles, d'aucun de ces milliers d'astres, dont le rayon scintille au firmament. Lui que les cieux, même les cieux des cieux ne peuvent contenir, il nous a aperçus du fond de l'infini, et, quittant la «< lumière inaccessible, il lui a plu de descendre dans l'obscurité de notre vallée de larmes, de se rendre pour un peu de temps « semblable à nous, » pauvre, chétif, assujetti à la loi du devenir, aux conditions du temps et de l'espace; en sorte que, dans sa chair infirme et mortelle, il a été un moment, aussi bien que nous-mêmes, l'un de ces points infiniment petits qui se trouvent comme perdus dans l'immensité. Un tel prodige de bienveillance n'autorise-t-il pas tous les espoirs? « Si Dieu n'a point épargné son propre Fils, mais l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas toutes choses avec lui 1? »

[blocks in formation]

Le Seigneur regarde des cieux, il voit tous les enfants des hommes; il les connaît tous par leur nom, et il n'y en a pas un qui manque à son appel. Et ce n'est pas d'un œil indifférent, impassible ou distrait, qu'il nous regarde. Il nous suit pas à pas, il nous accompagne avec une infatigable vigilance; il est le témoin assidu de nos efforts, de nos faiblesses et de nos fautes; il examine avec attention le fond même de nos cœurs, il lit nos pensées les plus intimes rien ne lui échappe, il note, il remarque tout; mille choses que nous avons oubliées nous-mêmes, il les a enregistrées dans le livre éternel de sa mémoire, et il les garde pour le dernier jour, alors que les choses les plus cachées seront produites à la lumière, et que les secrets des cœurs seront dévoilés. Oh! qu'ils sont insensés, les ouvriers d'iniquité qui commettent le mal dans les ténèbres et croient se soustraire à la surveillance du Dieu très saint!« Où irai-je loin de ton Esprit, où fuirai-je loin de ta face? Si je monte aux cieux, tu y es; si je descends au sépulcre, t'y voilà! Et si, prenant les ailes de l'aurore, je vais me loger à l'autre bout de la mer, là-même ta main me saisira et ta droite me conduira.... >> (Ps. CXXXIX.)

Mais serait-ce seulement pour épier nos moindres fautes, pour nous surprendre dans nos transgressions, que Dieu ne nous quitte pas un instant du regard? Ah! c'est bien plutôt dans sa tendre sollicitude! S'il se tient sans cesse à notre droite et à notre gauche, c'est pour nous mener dans le bon chemin et nous préserver du mal; c'est pour nous aider dans le besoin, pour

nous relever dans nos chutes, pour nous restaurer dans nos défaillances, pour nous soulager dans nos peines, pour nous éclairer dans notre marche. C'est pour nous faire du bien tous les jours de notre vie et, selon l'expression du prophète, « afin de nous donner un avenir et une espérance', » que sa main paternelle nous environne de toutes parts. Qui dira que d'obstacles il a enlevés à notre insu de devant nos pas? que de déboires, que de revers, sa compassion a détournés de notre tête, qui auraient été peut-être les justes conséquences de nos étourderies et de nos péchés? Que d'écueils évités, que de tentations repoussées, parce qu'il était là, invisible, qui travaillait en notre faveur !

Parfois aussi, il est vrai, Dieu juge à propos de sortir de son silence, et de se manifester à nous d'une manière plus sensible, en faisant retentir à nos oreilles une voix puissante où la sévérité nous semble l'emporter sur l'amour. Quand notre activité est brusquement interrompue par la maladie, et que, couchés sur un lit de douleur, nous sommes forcés à réfléchir; quand, surtout, la messagère de l'autre monde vient appeler l'un des êtres qui nous sont le plus chers et l'inviter à la suivre; alors nous nous sentons comme entraînés après lui dans le royaume invisible; les voiles se déchirent, en même temps que les affections; et, comme les magiciens d'Egypte, nous disons avec respect et crainte : « C'est ici le doigt de Dieu!» Dans ces moments-là les doutes s'évanouissent, nous avons l'intuition de l'au delà, et nous comprenons que Dieu s'est souvenu de nous, qu'il nous a «visités. >> 1 Jér. XXIX, 11.

Or, quelle que soit la forme de ses << visitations,» soit qu'il nous révèle sa présence par des bienfaits ou par des épreuves, n'est-il pas étrange qu'il s'oc cupe de nous avec tant d'intérêt? Et quand nous songeons que ce bienheureux Roi de gloire, qui se suffit éternellement à lui-même, prend garde à nous, infimes créatures, pourrions-nous ne pas nous associer au pieux étonnement du psalmiste? « Qu'est-ce que l'homme, Dieu, pour que tu te souviennes de lui, et le fils de l'homme, pour que tu le visites? » Où trouver la clef de cette énigme? Car c'en est une. Comment se fait-il que, malgré notre petitesse, malgré notre indignité, le TrèsHaut daigne nous honorer de ses attentions et de ses sympathies? Ah! chrétiens, la réponse n'est-elle pas dans vos cœurs? C'est que le Dieu d'amour nous a créés à son image, nous destinant à devenir les frères du Fils unique, à reproduire ses traits dans le domaine du fini, comme il est la splendeur du Père dans l'éternité; c'est qu'en un certain sens, ainsi que l'auteur sacré l'ajoute hardiment, « Dieu nous a faits de peu inférieurs à lui-même, et qu'il nous a couronnés de gloire et d'honneur.» S'il se souvient de nous, c'est que nous sommes la « race de Dieu 1; > c'est qu'il ne peut pas oublier ce qui vient de lui; c'est de lui-même, en quelque sorte, qu'il se souvient en se souvenant de nous. Il ne voit pas en nous de simples grains de poussière disséminés sur un point de l'espace; il ne nous

1 Act. XVII, 29.

mesure pas selon les règles de la quantité, applicables à l'univers matériel; il nous pèse, ô noblesse insigne et redoutable! il nous pèse à la balance de sa propre perfection; il contemple en nous des créatures morales, des êtres libres, capables de l'aimer, de le glorifier, de le servir nuit et jour dans son temple, comme les anges qui se tiennent continuellement devant lui. Si son œil est fixé sur nous, s'il « compte les cheveux de nos têtes, » c'est qu'à travers l'écorce de terre qui nous enveloppe, il voit briller en nous le reflet de son regard; et si parfois il nous visite par les coups de sa verge, s'il nous fait passer par le creuset de l'affliction, s'il nous taille douloureusement au tranchant de son ciseau, c'est qu'il distingue derrière notre argile une perle de grande valeur, qu'il veut épurer et amener au jour; c'est qu'il nous prépare, enfin, dès ici-bas, à «luire un jour comme des étoiles » dans le royaume des cieux.

Voilà, chers lecteurs, et je ne crains pas d'être très affirmatif sur ce point, voilà l'explication de l'énigme de nos destinées. Notre grandeur est en proportion de notre petitesse: tous les contrastes dont la vie est semée se rattachent à celui-là. « A qui regarderai-je ? a dit l'Eternel. A l'esprit humble, au cœur brisé, à celui qui tremble à ma parole. » La seule gloire digne de ce nom, la seule dont nous ayons le droit et le devoir de nous féliciter, c'est d'être unis à Dieu par la foi et l'amour. Ah! ne vous glorifiez pas d'autre chose, vraiment il n'en vaut pas la peine, car « le monde passe avec sa convoitise. » S'il est une vérité qui s'impose, une vé

« PoprzedniaDalej »