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cessants à la révolte parmi le clergé, on a vu s'organiser des démonstrations anarchiques des simples prêtres, de curés et de chanoines contre leurs évêques. On a entendu des chapitres se déclarer, sans l'évêque et contre l'évêque, les témoins de la foi dans leur diocèse.

Dès que l'opposition des cent trente-sept évêques se fut déclarée, et que le nom des évêques français signataires du postulatum de la minorité fut connu, on fit fonctionner avec un redoublement d'activité, dans les diocèses des évêques opposés à la définition, cette machine de guerre des adresses. Des articles de journaux soi-disant religieux exaltant le clergé, et arborant hautement le drapeau d'un nouveau presbytérianisme, stimulaient par des paroles blessantes ceux qui restaient fidèles aux lois de la hiérarchie.

Ce qu'on voulait par là, evidemment, c'était de dompter, par la peur, par la crainte fondée d'embarras graves, les libres résistances. Quand est-ce,, nous le demandons, que spectacle pareil s'est produit dans l'Église, et par des voies plus illégitimes? Cependant, les évêques qui ne sont pas favorables à la définition, avaient donné ici un autre exemple. En France, dès l'origine, Mgr l'évêque d'Orléans s'est opposé publiquement à toute manifestation en faveur des idées qu'il représente. Les évêques d'Allemagne ont écrit également pour prier qu'on s'abstint de leur envoyer des adresses.

Et pendant que les évêques dits de l'opposition donnent ces exemples de modération et de convenance, les journaux anarchiques continuent, et l'agitation grandit dans les diocèses. A Dijon, par exemple, des adresses anonymes sont envoyées à tout un clergé, et de bons prêtres les signent, prenant l'auteur inconnu de ces adresses pour ce qu'il se donne, « un intermédiaire entre Pie IX et le clergé; » ailleurs, à Clermont, par exemple, les adresses sont plus hardies; elles arrivent au nom des vicaires généraux, qui les ignorent, et qui sont obligés d'écrire pour désa

vouer ces manœuvres!

Mais quoi! si on désirait opposer la croyance de simples prêtres, qui ne sont pas juges de la foi, à celle des évêques, c'est-à-dire à celle des seuls vrais juges et témoins de la foi par le droit divin, que n'a-t-on pris des voies régulières? que n'a-t-on ordonné aux évêques de consulter leurs clergés? C'eût été nouveau dans l'histoire des conciles; mais du moins ce n'eût pas été anarchique, et aussi attentatoire à la liberté du concile et des évêques.

3° Intervention personelle du Pape. Mais il faut le dire, ce qu'il y a de plus douloureux ici, c'est que toutes ces manifestations ont été encouragées de Rome même. Nous ne parlons

pas de ces incroyables insultes lancées impunément contre les Pères de la minorité du concile, du haut même des chaires de Rome; taisons surtout cet évêque dénonçant, hélas! en termes aussi vulgaires que violents, la conduite d'un de ses collègues au concile, et attentant ainsi, comme l'a si bien dit Mgr l'évêque de Montpellier, à la liberté de tous par cet outrage à la liberté d'un seul.

Mais comment couvrir d'un respectueux silence d'autres faits que tout le monde connaît? Pouvons-nous dissimuler ou apprendre à qui que ce soit l'immense pression morale qui résulte pour les évêques de l'intervention personnelle du Saint-Père dans cette affaire, avant et depuis même que la question est introduite au concile?

Bellarmin, dans une curieuse lettre récemment livrée à la publicité, avertissait autrefois, avec une noble franchise, Clément VIII de ne point faire peser sur les théologiens des fameuses congrégations De auxiliis le poids de son opinion personnelle, de ne pas accorder toutes ses faveurs, les places les plus enviées à ceux qui pensaient comme lui, de les laisser tous, dans ces graves discussions, à leur complète liberté. Certes, le SaintPère, dans l'affaire de l'infaillibilité, aura subi des influences et des conseils bien différents.

Et Bellarmin aura manqué au concile du Vatican.

Chose étonnante! l'attitude officielle du Saint-Père en face de la question soulevée depuis dans la presse, paraissait être la neutralité; et la Civiltà cattolica elle même avait annoncé que << PAR UN SENTIMENT D'AUGUSTE RÉSERVE, Pie IX ne voulait pas prendre ici d'initiative: » et cependant d'autre part, nous l'avons vu, un vaste plan s'organisait et s'exécutait; un travail immense se faisait à Rome et dans l'Église pour agiter les esprits et préparer la définition.

L'intervention personnelle de Pie IX dans ce travail, puisque nous sommes condamnés par la vérité des choses à en parler, quelle est-elle done?

« Pour contenir les amis de Rome, écrivait l'Univers luimême, la sévérité n'est pas nécessaire; en tout temps un seul mot suffit1. » Ce seul mot, qui depuis longtemps eût calmé une agitation déplorable, et permis aux Pères d'étudier dans le calme nécessaire les vraies raisons de l'opportunité, ou de l'inopportunité de la définition, en dehors du bruit et de la nécessité chimérique qu'on invoque aujourd'hui, ce seul mot n'a pas été dit. Sous les yeux mêmes du Saint-Père, tous les journaux de Rome ont préconisé le fameux vou demandé par des personnes

vœu

1 L'Univers, 10 Mai 1870.

ignorantes de la question. La ligue de l'infaillibilité a reçu ses encouragements, et elle a été propagée ouvertement ou clandestinement dans tous les diocèses de la catholicité; les articles de la Civiltà qui ont causé une si universelle surprise n'ont subi aucun démenti. Les journaux qui ont propagé l'agitation bien avant qu'un seul écrit eût paru, ne l'oublions pas, contre la définition ou contre la doctrine, ont eu ses félicitations.

L'intervention par la parole, où la voyons-nous? Dans cette quantité étonnante de brefs émanés du secrétariat des lettres latines et ayant pour but d'activer et précipiter le mouvement; ces brefs, déjà si nombreux dans les deux années qui ont précédé le concile, se sont multipliés encore depuis même que les Pères ont été saisis de la question, alors que le respect de leur liberté exigeait plus que jamais la neutralité réelle du chef de l'Église, qui lui-même avait remis la question, integra integre, selon le mot de sa constitution Multiplices inter, à leur décision. Les rédacteurs de ces lettres pontificales en on fait de véritables armes de guerre contre les évêques contraires à la définition.

Longtemps avant le concile, l'évêque belge qui, le premier de tous les évêques, dès le mois de juin 1869, écrivit sur la question, et soutint la nécessité d'une définition, était félicité par un bref plein d'effusion. L'abbé Bouix et le P. Weninger, auteurs chacun d'un livre sur l'infaillibilité, l'abbé Belet, reçurent aussi des brefs flatteurs.

Puis, le concile réuni, tandis que toutes les faveurs tombent sur les infaillibilistes, le Pape, qui ne peut pas frapper directement les évêques siégeant au concile, les frappe indirectement, en adressant de pompeux éloges à ceux qui se soulèvent contre eux dans leurs diocèses. Pie IX préjuge ainsi solennellement la question soumise au concile. Un jeune prêtre de Nîmes reçoit une lettre du secrétariat des lettres latines; des collégiens et de jeunes séminaristes sont honorés des mêmes faveurs; deux brefs sont adressés successivement au P. Ramière; un bref à dom Guéranger: l'Univers, après ce bref, s'adressant aux évêques de la minorité, s'écriait: «Maintenant, nous attendons vos rétractations>; un bref au P. Jules-Jacques, Rédemptoriste; un bref à Mgr de Ségur, etc., etc.

Nous avons parlé des manifestations irrégulières et tumultueuses du clergé; le Pape y répond immédiatement de là une nouvelle série de brefs bref pour l'adresse d'Avignon, bref pour l'adresse de Grenoble, bref pour l'adresse de Montpellier. Activés par ces réponses immédiatement publiées dans les diocèses, les adresses et les brefs se multiplient.

Peut-on ne pas voir là une atteinte, et la plus grave,

portée non-seulement à l'ordre hiérarchique, mais à la liberté du concile et des évêques?

Pour en mesurer toute la portée, il faut avoir sous les yeux tous ces brefs; le Saint-Père, qui les signe, mais ne les rédige pas, s'est abandonné ici, évidemment, aux gens de parti les plus passionnés; car non-seulement la question soumise par lui-même au concile, integra integre, et sur laquelle on délibère en ce moment, est tranchée par lui dans ces brefs, mais elle l'est en des termes tels, que nous sommes obligés de citer pour justifier nos paroles.

Dès le 5 janvier, dans le bref à l'auteur d'un recueil de la doctrine de saint Liguori, publié dans le but d'aider à la définition, au Père Jules-Jacques, Rédemptoriste, le Pape ne voit dans les écrits publiés en sens contraire que « raisonnements artificieux, à l'aide desquels on tâche de reproduire des erreurs souvent confondues; et il déclare la publication du Père rédemptoriste «très-opportune, à cause de la récente ouverture du concile oecuménique.»

A Mgr de Ségur, qui a écrit: «L'infaillibilité du Pape, en se communiquant aux évêques, devient l'infaillibilité du Concile. .. Dans un concile, le Pape est la partie capitale qui définit souverainement au nom de toutes les autres, avec toutes et pour toutes. C'EST LA PARTIE QUI EST LE TOUT»; le Pape répond Rien de plus utile que de présenter une juste notion des choses»; et il montre «les puissances de l'enfer» s'efforçant, au concile, «de traîner les choses en longueur, et de reculer ainsi le coup fatal auquel elles ne sauraient échapper.»><

Si les chanoines d'Avignon sont félicités de leur zèle, c'est parce qu'ils demandent que «le jugement irréformable dans l'exercice du magistère suprême du Pontife romain, successeur du bienheureux Pierre, soit décrété au concile. >>

Le Pape écrit au P. Ramière que ceux qu'il a combattus sont des hommes «qui ne cessent de troubler les cœurs catholiques par l'artifice du sophisme.» Puis le bref parle, indistinctement toujours, de «l'audacieuse éruption de haines que les circonstances viennent de faire éclater.»>

Mais tout se trouve condensé dans le bref à dom Guéranger: les hommes combattus par lui sont déclarés «des hommes qui, tout en se faisant gloire de ce nom de catholique, se montrent complètement imbus de principes corrompus, et qui ne savent plus soumettre leur intelligence au jugement du Saint-Siège quand il leur est contraire . . . Leur folie monte à cet excès, qu'ils entreprennent de refaire la divine constitution de l'Église, afin d'abaisser plus aisément l'autorité du Chef suprême que le Christ lui a préposé, et dont ils redoutent les prérogatives.» II

est parlé de leur audace» et de «leur déraison égale à leur audace.» «Leur but est d'agiter les esprits et d'exciter les gens de leur faction, et le vulgaire ignorant contre le sentiment communément professé Dans leurs écrits règnent l'esprit de haine, la violence et l'artifice; ils ressassent avec impudence des doctrines maintes fois repoussées, etc.»

Telle est l'auguste réserve dans laquelle voulait se renfermer le Pape et dont parlait la Civiltà.

Sont-ce là, oui ou non, les paroles les plus attentatoires à la liberté des évêques, à la libre délibération du concile?

Après de telles paroles, peut-il y avoir sur la question une délibération libre?

Sont-ce là, oui ou non, des jugements anticipés sur la question soumise au concile?

Est-ce là, oui ou non, un Pape dictant au concile sa sentence? Et tandis que le Pape intervenait ainsi par des brefs multipliés et répétés par tous les échos de la presse, dans des entretiens privés immédiatement connus de tous, et jusque dans ses allocutions publiques, reproduites immédiatement par l'Univers et autres journaux, il tenait le même langage. Ainsi, dans une allocution prononcée au Vatican le 9 janvier devant un grand nombre d'évêques, de prêtres et de laïques, le Pape s'élève contre <ces prétendus sages qui voudraient qu'on ménageât certaines questions; mais ce sont, dit-il, des conducteurs d'aveugles.»

Le 29 du même mois, au Collège americain, devant un grand concours d'évêques, au moment où une partie des membres du concile cherchaient des formules conciliatrices, il déclare qu'il ne faut jamais souffrir l'amoindrissement de la vérité, ni les moyens termes, ni les transactions. »

Le 13 mars, devant plus de trois cents personnes, au Vatican, annonçant la mort de M. de Montalembert, qu'il venait d'apprendre, il traite l'éminent champion de l'Église de <catholique libéral, de semi-catholique. >>

Le 24 mars enfin, le Pape, dans une distribution d'ornements aux vicaires apostoliques et aux évêques orientaux qui dépendent dent de la Propagande, prononce un long discours plus significatif que tous les autres; il y disait, entre autres choses: « « Il vous faut défendre la vérité avec le vicaire de Jésus-Christ, et n'avoir pas peur. Mes enfants, ne m'abandonnez pas!»

La vérité, c'était l'infaillibilité: et Mgr Hassoun répondait: «Nous avons pleine confiance que la grande question dont on s'occupe sera bientôt et unanimement définie pour la plus grande gloire du Saint-Siège et de votre personne sacrée.»

La scène était complète, et le succès y répondit : on vit au lendemain dix de ces pauvres évêques orientaux, sur lesquels

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