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N'est qu'un léger soupçon facile à désarmer.
Je ne te vante point cette foible victoire,

Titus: ah! plût au ciel que, sans blesser ta gloire,
Un rival plus puissant voulût tenter ma foi,

Et pût mettre à mes pieds plus d'empires que toi;
Que de sceptres sans nombre il pût payer ma flamme;
Que ton amour n'eût rien à donner que ton ame!
C'est alors, cher Titus, qu'aimé, victorieux,
Tu verrois de quel prix ton cœur est à mes yeux.
Allons, Phénicc; un mot pourra le satisfaire.
Rassurons-nous, mon cœur, je puis encor lui plaire;
Je me comptois trop tôt au rang des malheureux :
Si Titus est jaloux, Titus est amoureux.

FIN DU DEUXIÈME ACTE.

SCÈNE PREMIÈRE.

TITUS, ANTIOCHUS, ARSACE.

TITUS.

Quoi! prince, vous partiez ! quelle raison subite
Presse votre départ, ou plutôt votre fuite?
Vouliez-vous me cacher jusques à vos adieux?
Est-ce comme ennemi que vous quittez ces lieux?
Que diront avec moi, la cour, Rome, l'empire?
Mais, comme votre ami, que ne puis-je point dire?
De quoi m'accusez-vous? Vous avois-je sans choix
Confondu jusqu'ici dans la foule des rois?

Mon cœur vous fut ouvert tant qu'a vécu mon père;
C'étoit le seul présent que je pouvois vous faire :
Et lorsqu'avec mon cœur ma main peut s'épancher,
Vous fuyez mes bienfaits tout prêts à vous chercher?
Pensez-vous qu'oubliant ma fortune passée

Sur ma seule grandeur j'arrête ma pensée,
Et que tous mes amis s'y présentent de loin

Comme autant d'inconnus dont je n'ai plus besoin?
Vous-même, à mes regards qui vouliez vous soustraire,
Prince, plus que jamais vous m'êtes nécessaire.

Moi, seigneur?

ANTIOCHUS.

Vous.

TITUS.

ANTIOCHUS.

Hélas! d'un prince malheureux

Que pouvez-vous, seigneur, attendre que des vœux ?

TITUS.

Je n'ai pas oublié, prince, que ma victoire
Devoit à vos exploits la moitié de sa gloire;
Que Rome vit passer au nombre des vaincus
Plus d'un captif chargé des fers d'Antiochus ;
Que dans le Capitole elle voit attachées

Les dépouilles des Juifs par vos mains arrachées.
Je n'attends pas de vous de ces sanglants exploits,
Et je veux seulement emprunter votre voix.
Je sais que Bérénice, à vos soins redevable,
Croit posséder en vous un ami véritable:
Elle ne voit dans Rome et n'écoute que vous:
Vous ne faites qu'un cœur et qu'une ame avec nous.
Au nom d'une amitié si constante et si belle,
Employez le pouvoir que vous avez sur elle :
Voyez-la de ma part.

ANTIOCHUS.

Moi, paroître à ses yeux?

La reine pour jamais a reçu mes adieux.

TITUS.

Prince, il faut que pour moi vous lui parliez encore !

ANTIOCHUS.

Ah! parlez-lui, seigneur. La reine vous adore:

Pourquoi vous dérober vous-même en ce moment

Le plaisir de lui faire un aveu si charmant?

Elle l'attend, seigneur, avec impatience.
Je réponds, en partant, de son obéissance;
Et même elle m'a dit que, prêt à l'épouser,
Vous ne la verrez plus que pour l'y disposer.

TITUS.

Ah! qu'un aveu si doux auroit lieu de me plaire!
Que je serois heureux, si j'avois à le faire!

Mes transports aujourd'hui s'attendoient d'éclater;
Cependant aujourd'hui, prince, il faut la quitter.

ANTIOCHUS.

La quitter! Vous, seigneur?

TITUS.

Telle est ma destinée :

Pour elle et pour Titus il n'est plus d'hyménée.
D'un espoir si charmant je me flattois en vain :
Prince, il faut avec vous qu'elle parte demain.

ANTIOCHUS.

Qu'entends-je? Oh ciel!

TITUS.

Plaignez ma grandeur importune:

Maître de l'univers, je règle sa fortune;
Je puis faire les rois, je puis les déposer;
Cependant de mon cœur je ne puis disposer.
Rome, contre les rois de tout temps soulevée,
Dédaigne une beauté dans la pourpre élevée :
L'éclat du diadème, et cent rois pour aïeux,
Déshonorent ma flamme et blessent tous les yeux.
Mon cœur, libre d'ailleurs, sans craindre les murmures,
Peut brûler à son choix dans des flammes obscures:
Et Rome avec plaisir recevroit de ma main

La moins digne beauté qu'elle cache en son sein.
Jules céda lui-même au torrent qui m'entraîne.
Si le peuple demain ne voit partir la reine,
Demain elle entendra ce peuple furieux
Me venir demander son départ à ses yeux.
Sauvons de cet affront mon nom et sa mémoire;
Et puisqu'il faut céder, cédons à notre gloire.
Ma bouche et mes regards, muets depuis huit jours,
L'auront pu préparer à ce triste discours :

Et même en ce moment, inquiète, empressée,
Elle veut qu'à ses yeux j'explique ma pensée.
D'un amant interdit soulagez le tourment;
Épargnez à mon cœur cet éclaircissement.
Allez, expliquez-lui mon trouble et mon silence;
Surtout, qu'elle me laisse éviter sa présence;
Soyez le seul témoin de ses pleurs et des miens,
Portez-lui mes adieux, et recevez les siens.
Fuyons tous deux, fuyons un spectacle funeste
Qui de notre constance accableroit le reste.
Si l'espoir de régner et de vivre en mon cœur
Peut de son infortune adoucir la rigueur,
Ah, prince! jurez-lui que, toujours trop fidèle,'
Gémissant dans ma cour, et plus exilé qu'elle,
Portant jusqu'au tombeau le nom de son amant,
Mon règne ne sera qu'un long bannissement,
Si le ciel, non content de me l'avoir ravie,
Veut encor m'affliger par une longue vie.
Vous, que l'amitié seule attache sur ses pas,
Prince, dans son malheur ne l'abandonnez pas :
Que l'Orient vous voie arriver à sa suite;

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