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dépouiller le prochain du plus précieux de ses biens, de sa réputation? Jésus-Christ vous donne dans cet évangile, l'exemple de ne pas vous laisser retenir par de vaines considérations, par un lâche respect humain, Loin de vous condamner, le monde lui-même applaudira à la généreuse résistance dont vous confondrez lá calomnie. Tout foible qu'il est, il admire le courage qu'il n'ose pas avoir; tout corrompu qu'il est, il respecte la vertu qu'il n'a pas la force de pratiquer, et la probité vous fera un honneur de ce dont la religion vous fait un devoir.

En second lieu, Jésus-Christ attend, pour louer saint Jean, que les deux disciples qui auroient pu le lui rapporter, soient partis, et il nous donne encore en cela une leçon utile. Quel est le motif le plus ordinaire des éloges qui se donnent dans le monde? c'est l'intérêt. Une fade et vile adulation les prodigue en présence de ceux qui en sont l'objet; ou quelquefois une adulation plus adroite les donne devant ceux par qui elle espère qu'ils seront rapportés. En louant les autres, c'est soi-même que l'on considère; on loue pour être loué à son tour, on donne pour recevoir. La louange est devenue un commerce de vanité dont on calcule le profit; c'est une monnoie que l'on échange, monnoie presque toujours fausse, universellement décriée, et qui n'abuse plus que ceux dont le plat amour-propre a la sottise de s'en payer.

Elles sont bien rares dans la société, les louanges désintéressées semblables à celles que donne Jésus-Christ à saint Jean; les louanges qu'inspire la charité, que la vérité dicte, que la justice accorde au mérite, et qui, étant de purs hommages rendus par l'estime à la vertu, n'avilissent pas celui qui les donne, et n'enflent pas celui qui les reçoit. Apprenons du divin Maître ce que nous devons louer, pourquoi nous devons louer, comment nous devons louer; et ne prostituons pas le plus noble tribut qu'un homme puisse recevoir d'un autre, à un sentiment aussi bas que l'intérêt personnel.

Qu'êtes-vous allés voir dans le désert? est-ce un roseau agité par le vent? Le premier éloge que donne Jésus-Christ à saint Jean, est celui de son inébranlable constance. Il montre ce qu'est le saint précurseur, en disant ce qu'il n'est pas. Saint Jean paroît aujourd'hui douter de ce qu'il avoit si positivement affirmé. On pourroit imaginer qu'il varie, et que sa foi chancelle; on pourroit penser que la prison l'a ébranlé; mais Jésus, qui seul pénètre son motif, s'empresse de le justifier, Il étoit en effet bien éloigné de l'inconstance et de la légèreté, ce personnage dont la sainteté avoit été si soutenue: qui depuis son enfance avoit passé ses jours au fond d'un désert dans d'incroyables austérités; qui toujours semblable à lui-même, aussi vertueux, aussi ferme à la cour que dans la soli

tude, ne s'étoit approché du trône que pour reprocher au roi emporté dans ses passions, et terrible dans ses vengeances, sa criminelle foiblesse.

Cet éloge de Jésus ne nous donne-t-il pas beaucoup à penser sur nous-mêmes? N'est-ce pas nous qui sommes ce roseau, jouet continuel des vents, sans cesse fléchi d'un côté ou d'un autre par tous les souffles contraires? La flatterie nous séduit, la contradiction nous aigrit, la louange nous enfle, la médisance nous irrite, la prospérité nous aveugle, l'adversité nous abat, le plaisir nous emporte, la douleur nous accable. Notre vie est une alternative de résolutions et de manquemens, de désirs et de regrets, de péchés et de repentirs. Ayant la connoissance de nos devoirs, n'ayant pas la force de les remplir; souhaitant le bien, et entraînés au mal; ne pouvant nous soutenir dans la vertu, n'osant nous livrer entièrement au vice; passant successivement du plaisir au remords, et de la jouissance du présent à la terreur de l'avenir; toute occasion nous trouve foibles, toute tentation nous rend coupables. Abattus du moindre souffle, si nous nous relevons un moment, c'est pour être renversés de nouveau l'instant d'après. Que l'exemple de saint Jean-Baptiste nous fasse rougir de notre perpétuelle mobilité; prenons enfin cette consistance qui est le caractère de la vraie vertu, et méritons de recevoir de Jésus

Christ, au dernier jour, l'éloge qu'il donne aujourd'hui à son précurseur.

Mais encore, qu'êtes-vous alles voir? est-ce un homme vêtu mollement? C'est dans les palais des rois que se trouvent ceux qui sont vêtus avec mollesse. Après avoir fait l'apologie de la constance de saint Jean, Jésus passe à l'éloge de sa mortification; aucun homme jusque-là ne l'avoit portée aussi loin. Retiré depuis son enfance dans le fond des déserts, il avoit pour tout vêtement du poil de chameau, et pour unique nourriture des sauterelles et du miel sauvage (1). Avant de prêcher la pénitence, cet homme, qui n'avoit jamais eu à se repentir de rien, avoit pratiqué la plus rigoureuse pénitence qui existe dans la mémoire des hommes, et il s'en étoit fait le modèle, pour se donner plus de droit d'en être l'apôtre. C'étoit son incroyable austérité qui avoit attiré auprès de lui les peuples émerveillés d'une si haute perfection; et Jésus-Christ rappelle aux Juifs ce qui les avoit frappés, ce qui leur avoit inspiré et ce qui devoit conserver dans eux la plus grande vénération pour saint JeanBaptiste; mais la manière dont il le loue présente une condamnation de notre luxe et de notre mollesse, et cette double censure est marquée plus

(1) Ipse autem Joannes habebat vestimentum de pilis camelorum, et zonam pelliceam circa lumbos suos : esca autem ejus erat locustæ et mel sylvestre. Matth. 111. 4.

clairement encore dans le texte de saint Luc (1). Entrons dans son esprit, et faisons sur ces deux objets quelques courtes réflexions.

Le luxe, cette peste de la société comme de la religion, n'est pas une chose précise; il ne consiste pas, comme beaucoup d'autres vices, dans un point fixe, et cette observation est nécessaire pour ne pas tomber à ce sujet dans le vague ou dans l'exagération. Ce qui est le luxe d'une condition n'est que la convenance d'une autre; mais il n'y a pas de condition qui ne puisse avoir son luxe, et le point où il commence est celui où l'on aspire à la représentation qui ne convient qu'à l'état supérieur, soit en richesses, soit en considération. Ainsi, un premier vice essentiel du luxe, est la confusion des rangs, et le bouleversement de l'ordre social qui consiste dans leur distinction. Un autre inconvénient, est l'engloutissement de toutes les fortunes; les dangereux besoins que donne le luxe, n'ayant pas de mesure, sont toujours hors de proportion avec les moyens d'y satisfaire, et précipitent dans des dépenses qu'on est dans l'impuissance de soutenir. De là les enfans restent sans éducation, les domestiques sans gages, les ouvriers sans salaire, les créanciers sans paiement, et les plus grandes maisons périssent misérablement, emportant avec elles l'exécration et les

(1) Eccè qui in veste pretiosâ sunt, et in deliciis, in domibus regum sunt. Luc. vii. 25.

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