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Fils soit caché au monde; servez-lui d'un voile sacré, et enveloppezvous avec lui dans l'obscurité qui le couvre, par l'amour de la vie cachée. C'est ce que je me propose de vous expliquer, avec le secours de la grâce.

PREMIER POINT.

Pour comprendre solidement combien Dieu honore le grand saint Joseph, lorsque sa providence dépose en ses mains la virginité de Marie, il importe que nous entendions avant toutes choses combien cette virginité est chérie du ciel, combien elle est utile à la terre; et ainsi nous jugerons aisément, par la qualité du dépôt, de la dignité du dépositaire. Mettons donc cette vérité dans son jour, et faisons voir, par les saintes Lettres, combien la virginité étoit nécessaire pour attirer Jésus-Christ au monde. Vous n'ignorez pas, Chrétiens, que c'étoit un conseil de la Providence, que comme Dieu produit son Fils dans l'éternité par une génération virginale, aussi quand il naîtroit dans le temps il sortit d'une mère vierge. C'est pourquoi les prophètes avoient annoncé qu'une vierge concevroit un fils: nos pères ont vécu dans cette espérance, et l'Evangile nous en a fait voir le bienheureux accomplissement. Mais s'il est permis à des hommes de rechercher les causes d'un si grand mystère, il me semble que j'en découvre une très-considérable; et qu'examinant la nature de la sainte virginité selon la doctrine des Pères, j'y remarque une secrète vertu, qui oblige en quelque sorte le Fils de Dieu à venir au monde par son entremise.

En effet, demandons aux anciens docteurs de quelle sorte ils nous définissent la virginité chrétienne. Ils nous répondront d'un commun accord que c'est une imitation de la vie des anges; qu'elle met les hommes au-dessus du corps, par le mépris de tous ses plaisirs; et qu'elle élève tellement la chair, qu'elle l'égale en quelque façon, si nous l'osons dire, à la pureté des esprits. Expliquez-le-nous, ô grand saint Augustin! et faites-nous entendre en un mot quelle estime vous faites des vierges. Voici une belle parole : « Habent aliquid jam non << carnis in carne. » Ils ont, dit-il, en la chair quelque chose qui n'est pas de la chair, et qui tient de l'ange plutôt que de l'homme : « Habent aliquid jam non carnis in carne. » Vous voyez donc que, selon ce Père, la virginité est comme un milieu entre les esprits et les corps, et qu'elle nous fait approcher des natures spirituelles et de là il est aisé de comprendre combien cette vertu devoit avancer le mystère de l'incarnation. Car qu'est-ce que le mystère de l'incarnation? C'est l'union très-étroite de Dieu et de l'homme, de la Divinité avec la chair. « Le Verbe a été fait chair, » dit l'évangéliste3; » voilà l'union, voilà le mystère.

Mais, Fidèles, ne semble-t-il pas qu'il y a trop de disproportion entre la corruption de nos corps et la beauté immortelle de cet esprit

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pur; et ainsi qu'il n'est pas possible d'unir des natures si éloignées ? C'est aussi pour cette raison que la sainte virginité se met entre deux, pour les approcher par son entremise. Et en effet, nous voyons que la lumière, lorsqu'elle tombe sur les corps opaques, ne les peut jamais pénétrer, parce que leur obscurité la repousse; il semble au contraire qu'elle s'en retire en réfléchissant ses rayons: mais quand elle rencontre un corps transparent, elle y entre, elle s'y unit, parce qu'elle y trouve l'éclat et la transparence qui approche de sa nature, et tient quelque chose de la lumière. Ainsi nous pouvons dire, Fidèles, que la divinité du Verbe éternel, voulant s'unir à un corps mortel, demandoit la bienheureuse entremise de la sainte virginité, qui, ayant quelque chose de spirituel, a pu en quelque sorte préparer la chair à être unie à cet esprit pur.

Mais de peur que vous ne croyiez que je parle ainsi de moi-même, il faut que vous appreniez cette vérité d'un célèbre évêque d'Orient : c'est le grand Grégoire de Nysse, dont je vous rapporte les propres paroles, tirées fidèlement de son texte. C'est, dit-il, la virginité qui fait que Dieu ne refuse pas de venir vivre avec les hommes: c'est elle qui donne aux hommes des ailes pour prendre leur vol du côté du ciel; et étant le lien sacré de la familiarité de l'homme avec Dieu, elle accorde, par son entremise, des choses si éloignées par nature : « Quæ adeo << natura distant, ipsa intercedens sua virtute conciliat, adducitque in < concordiam 1. »

Peut-on confirmer en termes plus clairs la vérité que je prêche ? Et par là ne voyez-vous pas, et la dignité de Maris, ot calle de Joseph son fidèle Epoux? Vous voyez la dignité de Maria, en c9 que sa virginité bienheureuse a été choisie dès l'éternité pour donner Jésus-Christ au monde; et vous voyez la dignité de Joseph, on ce que cette pureté de Marie, qui a été si utile à notre natura, a té sufise à ses soins, et que c'est lui qui conserve au monde une chéressaire. O Joseph, gardez ce dépôt : « Depositum custour.» chèrement ce

sacré dépôt de la pureté de Marie. Puisqu'il plaît au Père éternel de garder la Virginité de Marie sous le voile du mariage, elle ne se peut plus conserver sans vous; et aussi votre pureté est devenue en quelque sorte nécessaire au monde, par la charge glorieuse qui lui est donnée de garder celle de Marie.

C'est ici qu'il faut vous représenter un spectacle qui étonne toute la nature; je veux dire ce mariage céleste, destiné par la Providence pour protéger la virginité, et donner par ce moyen Jésus-Christ au monde. Mais qui prendrai-je pour mon conducteur dans une entreprise si difficile, sinon l'incomparable Augustin, qui traite si divinement ce mystère? Ecoutez ce savant évêque 2, et suivez exactement sa pensée. Il remarque, avant toutes choses, qu'il y a trois liens dans le mariage. Il y a premièrement le sacré contrat, par lequel ceux que l'on unit se donnent entièrement l'un à l'autre : il y a secondement

1. De virginit., cap. II, tom. III, pag. 116.

De Genes., ad litt., lib. IX, cap. VII, n. 12, t. III, part. 1, col. 247.

l'amour conjugal, par lequel ils se vouent mutuellement un cœur, qui n'est plus capable de se partager, et qui ne peut brûler d'autres flammes il y a enfin les enfants, qui sont un troisième lien; parce que l'amour des parents venant, pour ainsi dire, à se rencontrer dans ces fruits communs de leur mariage, l'amour se lie par un nœud plus ferme.

Saint Augustin trouve ces trois choses dans le mariage de saint Joseph, et il nous montre que tout y concourt à garder la virginité'. Il y trouve premièrement le sacré contrat, par lequel ils se sont donnés l'un à l'autre ; et c'est là qu'il faut admirer le triomphe de la pureté dans la vérité de ce mariage. Car Marie appartient à Joseph, et Joseph à la divine Marie; si bien que leur mariage est très-véritable, parce qu'ils se sont donnés l'un à l'autre. Mais de quelle sorte se sont-ils donnés? Pureté, voici ton triomphe. Ils se donnent réciproquement leur virginité, et sur cette virginité ils se cèdent un droit mutuel. Quel droit? de se la garder l'un à l'autre. Oui, Marie a droit de garder la virginité de Joseph, et Joseph a droit de garder la virginité de Marie. Ni l'un ni l'autre n'en peut disposer, et toute la fidélité de ce mariage consiste à garder la virginité. Voilà les promesses qui les assemblent, voilà le traité qui les lie. Ce sont deux virginités qui s'unissent, pour se conserver éternellement l'une l'autre par une chaste correspondance de désirs pudiques, et il me semble que je vois deux astres, qui n'entrent ensemble en conjonction qu'à cause que leurs lumières s'allient. Tel est le nœud de ce mariage, d'autant plus ferme, dit saint Augustin 2, que les promesses qu'ils se sont données doivent être plus inviolables, en cela même qu'elles sont plus saintes.

Qui pourroit maintenant vous dire quel devoit être l'amour conjugal de ces bienheureux mariés? Car, ô sainte virginité, vos flammes sont d'autant plus fortes qu'elles sont plus pures et plus dégagées; et le feu de la convoitise, qui est allumé dans nos corps, ne peut jamais égaler l'ardeur des chastes embrassements des esprits, que l'amour de la pureté lie ensemble. Je ne chercherai pas des raisonnements pour prouver cette vérité; mais je l'établirai par un grand miracle que j'ai lu dans saint Grégoire de Tours 3, au premier livre de son Histoire. Le récit vous en sera agréable, et du moins il relâchera vos attentions, Il dit que deux personnes de condition, et de la première noblesse d'Auvergne, ayant vécu dans le mariage avec une continence parfaite, passèrent à une vie plus heureuse, et que leurs corps furent inhumés en deux places assez éloignées. Mais il arriva une chose étrange : ils ne purent pas demeurer longtemps dans cette dure séparation; et tout le monde fut étonné qu'on trouvât tout à coup leurs tombeaux unis, sans que personne y eût mis la main. Chrétiens, que signifie ce miracle? Ne vous semble-t-il pas que ces chastes morts se plaignent de se voir ainsi éloignés? Ne vous semble-t-il pas qu'ils nous disent (car

1. Contra Julian., lib. V, cap. XII, n. 46, tom. X, col. 652. 2. De nupt. et concup., lib. I, n. 12, tom. X, col. 286.

3. Hist. Franc., lib. I, n. 42, pag. 31 et seq.

permettez-moi de les animer, et de leur prêter une voix, puisque Dieu leur donne le mouvement; ne vous semble-t-il pas qu'ils vous disent: Et pourquoi a-t-on voulu nous séparer? Nous avons été si longtemps ensemble, et nous y avons toujours été comme des morts, parce que nous avons éteint tout le sentiment des plaisirs mortels; et étant accoutumés depuis tant d'années à être ensemble comme des morts, la mort ne nous doit pas désunir. Aussi Dieu permit qu'ils se rapprochèrent, pour nous montrer, par cette merveille, que ce ne sont pas les plus belles flammes que celles où la convoitise se mêle; mais que deux virginités, bien unies par un mariage spirituel, en produisent de bien plus fortes, et qui peuvent, ce semble, se conserver sous les cendres même de la mort. C'est pourquoi saint Grégoire de Tours, qui nous a décrit cette histoire, ajoute que les peuples de cette contrée appeloient ordinairement ces sépulcres, les sépulcres des deux amants; comme si ces peuples eussent voulu dire que c'étoient de véritables amants, parce qu'ils s'aimoient par l'esprit.

Mais où est-ce que cet amour si spirituel s'est jamais trouvé aussi parfait que dans le mariage de saint Joseph? C'est là que l'amour étoit tout céleste, puisque toutes ses flammes et tous ses désirs ne tendoient qu'à conserver la virginitė; et il est aisé de l'entendre. Car dites-nous, ô divin Joseph, qu'est-ce que vous aimez en Marie? Ah! sans doute, ce n'étoit pas la beauté mortelle, mais cette beauté cachée et intérieure, dont la sainte virginité faisoit le principal ornement. C'étoit donc la pureté de Marie qui faisoit le chaste objet de ses feux; et plus il aimoit cette pureté, plus il la vouloit conserver, premièrement en sa sainte Epouse, et secondement en lui-même, par une entière unité de cœur si bien que son amour conjugal, se détournant du cours ordinaire, se donnoit et s'appliquoit tout entier à garder la virginité de Marie. O amour divin et spirituel! Chrétiens, n'admirez-vous pas comme tout concourt dans ce mariage à conserver ce sacré dépôt? Leurs promesses sont toutes pures, leur amour est tout virginal: il reste maintenant à considérer ce qu'il y a de plus admirable; c'est le fruit sacré de ce mariage, je veux dire le Sauveur Jésus.

Mais il me semble vous voir étonnés, de m'entendre prêcher si assurément que Jésus est le fruit de ce mariage. Nous comprenons bien, direz-vous, que l'incomparable Joseph est père de Jésus-Christ par ses soins; mais nous savons qu'il n'a point de part à sa bienheureuse naissance. Comment donc nous assurez-vous que Jésus est le fruit de ce mariage? Cela peut-être paroît impossible: toutefois, si vous rappelez à votre mémoire tant de vérités importantes, que nous avons, ce me semble, si bien établies, j'espère que vous m'accorderez aisément que Jésus, ce bénit Enfant, est sorti, en quelque manière, de l'union virginale de ces deux époux. Car, Fidèles, n'avons-nous pas dit que c'est la virginité de Marie qui a attiré Jésus-Christ du ciel? Jésus n'est-il pas cette fleur sacrée que la virginité a poussée? n'est-il pas le fruit bienheureux que la virginité a produit? Oui, certainement, nous dit saint Fulgence, « il est le fruit, il est l'ornement, il

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est le prix et la récompense de la sainte virginitė : » << Sanctæ virgianitatis fructus, decus et munus 1. » C'est à cause de sa pureté que Marie a plu au Père éternel; et c'est à cause de sa pureté que le SaintEsprit se répand sur elle, recherche ses embrassements, pour la remplir d'un germe céleste. Et par conséquent, ne peut-on pas dire que c'est sa pureté qui la féconde? Que si c'est sa pureté qui la rend féconde, je ne craindrai plus d'assurer que Joseph a part à ce grand miracle. Car si cette pureté angélique est le bien de la divine Marie, elle est le dépôt du juste Joseph.

Mais je passe encore plus loin, Chrétiens; permettez-moi de quitter mon texte et d'enchérir sur mes premières pensées, pour vous dire que la pureté de Marie n'est pas seulement le dépôt, mais encore le bien de son chaste époux. Elle est à lui par son mariage, elle est à lui par les chastes soins par lesquels il l'a conservée. O féconde virginité! si vous êtes le bien de Marie, vous êtes aussi le bien de Joseph. Marie l'a vouée, Joseph la conserve; et tous deux la présentent au Père éternel, comme un bien gardé par leurs soins communs. Comme donc il a tant de part à la sainte virginité de Marie, il en prend aussi au fruit qu'elle porte : c'est pourquoi Jésus est son fils, non pas à la vérité par la chair; mais il est son fils par l'esprit, à cause de l'alliance virginale qui le joint avec sa mère. Et saint Augustin l'a dit en un mot « Propter quod fidele conjugium parentes Christi vocari ambo << meruerunt . » O mystère de pureté! ô paternité bienheureuse! lumières incorruptibles qui brillent de toutes parts dans ce mariage!

Chrétiens, méditons ces choses, appliquons-les-nous à nous-mêmes : tout se fait ici pour l'amour de nous; tirons donc notre instruction de ce qui s'opère pour notre salut. Voyez combien chaste, combien innocente est la doctrine du christianisme. Jamais ne comprendrons-nous quels nous sommes ? Quelle honte, que nous nous souillions tous les jours par toutes sortes d'impuretés, nous qui avons été élevés parmi des mystères si chastes? Et quand est-ce que nous entendrons quelle est la dignité de nos corps, depuis que le Fils de Dieu en a pris un semblable? << Que la chair se soit jouée, dit Tertullien, ou plutôt qu'elle se soit corrompue, avant qu'elle eût été recherchée par son maître; elle n'étoit pas digne du don de salut, ni propre à l'office de la sainteté. Elle étoit encore en Adam, tyrannisée par ses convoitises, suivant les beautés apparentes, et attachant toujours ses yeux à la terre. Elle étoit impure et souillée, parce qu'elle n'étoit pas lavée au baptême. Mais depuis qu'un Dieu, en se faisant homme, n'a pas voulu venir en ce monde, si la sainte virginité ne l'y attiroit; depuis que, trouvant au-dessous de lui-même la sainteté nuptiale, il a voulu avoir une mère vierge, et qu'il n'a pas cru que Joseph fût digne de prendre le soin de sa vie, s'il ne s'y préparoit par la continence; depuis que, pour laver notre chair, son sang a sanctifié une eau salutaire, où elle peut laisser toutes les ordures de sa première nativité;

1. Ad Prob. epist. m, n. 6, p. 165. 2. De nupt. et concup., lib. I, ubi supr. 3. De pudicit., n. 6.

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