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auquel Iesus Christ est grandement blasphemé. Prenons le cas que son intention fust droicte: s'ensuit-il qu'il face bien? Il est vray que nostre Seigneur fera bien quelquefois par sa providence, que sa parolle s'avance par voyes illicites. Comme il est si bon ouvrier, qu'il sait 1) tourner le mal en bien. Mais s'ensuit il pourtant qu'il approuve que cela se face, ou qu'il l'excuse quand il est fait comme si ce n'estoit point peché? 2) De moy ie suis bien aise et remercie Dieu quand l'entens qu'il y a ouverture quelque part à sa parolle, et que quelque prescheur a introduict aucunement le peuple à un petit commencement de droicte intelligence. Si i'entens que quelcun ait encor d'avantage annoncé la verité et le regne de Christ: i'en ay double ioye. Mais ce pendant s'il y a de l'infirmité et imperfection, ie ne laisse pas de la tenir pour vitieuse. Or ie leur demande en conscience si c'est un vice legier, ou à dissimuler qu'un homme qui monte en chaire pour representer la personne de Iesus Christ, et parler en son nom et en son auctorité, comme ambassadeur envoyé de par luy, face semblant de consentir à une abomination, laquelle contrevient plus que directement à la principalle doctrine [fol. 16] de l'Evangile. Ainsi toutes fois et quantes qu'ilz m'allegueront l'intention qui les meine, ie leur respondray promptement qu'il n'est pas loisible de faire mal, à fin que bien en adviene.

Tant moins est digne d'estre ouye la complaincte qu'ilz font tous, 3) tant petis que grans, tant lais que gens d'eglise. Comment? Quitterons nous tout,+) pour nous en fuir ne sachant où? 5) Ou bien nous exposerons nous à la mort? Qu'on reduise en un sommaire tout ce qui se peut dire de cest argument, et tout ce que de faict ilz ont accoustumé d'amener et recueillir: c'est autant comme s'ilz disoyent: Comment? ne pouvons nous servir à Dieu, et suyvre sa parolle, sans souffrir persecution? s'ilz veulent estre bons Chrestiens à ceste condition là: il. faut qu'ilz peignent un Iesus Christ tout nouveau. Quelcun d'entre eux me repliquera, que si le Seigneur envoye les persecutions, il les faut bien porter en patience: mais qu'il est bon de les eviter tant qu'on peut, et surtout se donner garde de ne les susciter par nostre inconsideration. Ie confesse bien tout cela. Mais quand nous cherchons d'avoir ceste paction avec Dieu, de ne rien endurer pour sa parolle: n'est-ce

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pas vouloir transfigurer Iesus Christ, pour l'avoir tel que nostre chair l'appete: Et que font autre chose ceux qui amenent cela pour un grand inconvenient, ') qu'ilz ne peuvent faire ce que ie requiers, sans danger de mort ou sans tout abandonner? Si ie dy rien de ma teste, qu'il soit tenu pour frivole, sans alleguer autre raison. 2) Mais si Dieu nous appelle à susciter la rage des infideles contre nous, pour glorifier [fol. 17] son nom: ou de nous retirer en lieu, auquel nous le puissions adorer purement: quel honeur ) luy faisons nous, d'user de telles repliques? Et quelle folie est-ce à nous, de le penser contenter de telle monnoye? Iesus Christ à prononcé une fois, que quiconque tiendra son ame pretieuse en ce monde, il la perdra. Quand donc ceux cy mettent en avant pour excuse, qu'il se faudroit hazarder à la mort, s'ilz faisoyent ce que ie leur monstre par l'escriture: ne veulent ilz pas contraindre Iesus Christ à retracter sa sentence? Mais nostre nature ne porte point cela, disent ilz. Qui est-ce qui l'ignore? mais où est la vertu de l'esperit de Dieu, laquelle devoit apparoistre en nous? Si les fideles de l'Eglise primitive en eussent autant dict, que seroit devenue la Chrestienté? Ne feust elle pas perie et abolie, devant que iamais venir en estre? 4) Que ie crains bien que la congnoissance que Dieu nous a donnée auiourdhuy si ample de sa verité, ne nous viene en tant plus grieve condamnation. Toute la theologie des martyrs anciens estoit, de savoir qu'il n'y avoit qu'un seul Dieu qu'on deust adorer: et qu'en luy seul on devoit mettre sa fiance entierement: que le vray service qu'il requiert, estoit de l'adorer et invoquer, et en recongnoissant avec louanges et actions de graces que tous biens vienent de luy, le servir selon sa parolle, vivant en bonne conscience. Item qu'il n'y avoit salut et vie ailleurs qu'en Iesus Christ. Et n'avoyent pas une congnoissance tant haute de ces choses, qu'ilz les peussent desduire subtilement, ny par le menu, mais seulement les tenoyent en simplicité. Neantmoins avec cela ilz s'en couroyent [fol. 18] d'un cueur allaigre, au fou ou à autre supplice de mort: voire mesme les femmes y portoyent leurs enfans. Nous qui sommes si grans docteurs au pris, ") et savons tant bien deviser de toutes matieres, ne savons que c'est de rendre tesmoignage à la verité

1) pro ingenti absurdo.

2) sans alleguer autre raison, manque dans la traduction. 3) quel honeur etc. Au lieu de tout cela le traducteur a mis seulement ces mots: quam irreverenter cum ipso agimus ita responsando?

4) annon inter initia concidisset instar abortus?

5) au pris .. Il parait qu'il y a ici une petite lacune dans le texte. Le latin dit: Nos qui prae illis tam magni sumus magistri.

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de Dieu au besoing, et d'approuver nostre Chrestienté.

Mais encor le pire est qu'il ne suffist point à d'aucuns, de faire telles complainctes, pour s'exempter de la loy commune, que nostre Seigneur impose à tous Chrestiens: mais s'arment de ces parolles, comme de blasphemes, pour se rebequer contre Dieu. l'appelle blasphemes quand suyvant leur prudence humaine, ilz se persuadent que c'est le moyen de bien avancer l'Evangile: de participer à l'idolatrie des papistes, et ne se point mettre en danger pour cela. Si les Apostres eussent eu cette phantasie: ie vous prie où en fussions nous? Ilz alleguent qu'il est expedient d'y proceder petit à petit. le leur confesse. Et leur accorde qu'il faut

commencer par quelque bout, et faire le fondement devant que venir au sommet: semblablement que tout ne se peut faire ensemble: et pourtant qu'il convient У aller par ordre. Mais quel fondement est-ce qu'ilz font, en edifiant par leur exemple une abomination, qui est si contraire à Dieu: assavoir l'idolatrie manifeste? L'autre couverture semblable qu'ilz alleguent, est aussi bien un blaspheme oblique, avec ce qu'il n'y a qu'hypocrisie et mensonge. Nous dissimulons, disent ilz, et faisons beaucoup de choses contre notre cueur, pour gaigner noz prochains 1) et susciter de iour en iour nouvelle semence. Par ce moyen l'Eglise se conserve et augmente. Autrement [fol. 19] elle periroit. Est-ce l'estime qu'ilz ont de Dieu, qu'il ne pourroit confermer 2) son Eglise, s'ilz ne luy aidoyent par leur feintise, laquelle il condamne et reiette si fort? Quel honneur font ilz aux Apostres, de dire que ce seroit gaster tout, et ruiner l'Eglise, d'ensuyvre la hardiesse dont ilz ont usé, en plantant le Regne de Iesus Christ? Et quand ainsi seroit, qu'ilz n'auroient point honte d'accuser les Apostres d'imprudence: que diront ilz de l'issue) que nostre Seigneur a donnée à leur constance et à l'ardeur de leur zele? Se peuvent ilz vanter, d'avoir iamais dressé une Eglise de dix personnes en un village, 4) avec leur si grand discretion, et sagesse tant circonspecte: au lieu que tout le monde a esté gaigné par la simple predication de l'Evangile? Et puis, ie m'en rapporte à leur conscience, si c'est cela qui les meine: et non plus tost la crainte qu'ilz ont de leur peau. Il est plus que certain, que ce qu'ilz pretendent pour couleur, est bien loing de leur pensée. Combien qu'il ne me chaut pas beaucoup, d'insister en ce poinct. Car tout au mieux qu'on

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peut prendre ceste defense, desia elle emporte ces blasphemes: que le moyen que Dieu a ordonné de promovoir 1) l'Evangile, n'est pas bon ny utile: que sa vertu, laquelle il a demonstrée iusque icy, à conserver son Eglise, est defaillie: qu'au lieu d'avancer sa parolle, en confiance de sa vertu, il convient, d'y proceder par sagesse humaine. De ceste mesme source procedent toutes les cavillations dont ilz usent. C'est qu'ilz ne se peuvent renger à donner ceste gloire à Dieu: qu'en le laissant gouverner et conduire les choses, pour les amener à bon poinct, ilz facent sans contredict [fol. 20] ce qu'il leur commande, sans se soucier de ce qui en aviendra; sinon 2) pour luy recommander l'evenement, afin qu'il le donne bon. Voicy leurs argumens. Si tous les fideles vouloyent fuyr l'idolatrie, que seroit-ce? Les pays où il y a grande semence de Dieu, demeureroyent desers. Ie respons que c'est à Dieu d'y prouvoir. Ie respons secondement que le partement d'un homme presche aucunefois en plus grande efficace, qu'il ne pourroit pas faire de sa bouche. Tiercement ie respons, que ie ne demande pas qu'on s'en aille. La terre est au Seigneur seulement qu'on le serve en pure conscience par tout où on sera. Quand on ne pourra plus consister) en un lieu, faisant son devoir: qu'on se recommande à luy. Quartement ie respons que c'est follie à un chacun, de plaider ainsi pour tous. Car nous savons que ce qui fut dict à sainct Pierre, s'adresse aussi bien à nous. Que te chaut il qu'il sera faict des autres? suis moy (Iean 21, 22). Il est vray que nous devons avoir le soing de noz prochains: mais pour nous ayder mutuellement, non par pour prendro occasion de nous retarder ou de reculler. Finallement ie respons que de penser à ce danger, c'est penser de quel vin nous beuvrons d'icy à mil' ans. Car Dieu ne distribue pas à tous ses graces en mesme mesure ny en mesme façon. Ainsi c'est en vain qu'ilz craignent que les pays ne demeurassent desproveuz de Chrestiens. Plus tost l'Evangile fructifieroit cent fois davantage. Brief si ce poinct estoit gaigné sur eux, qu'ilz ne s'amusassent plus à leur maudicte prudence charnelle, nous serions tantost d'accord ensemble.

[fol. 21] Ie n'ay pas entreprins de refuter icy toutes leurs obiections. Car ie l'ay desia faict plus que suffisamment au traicté dont ilz se complaignent. Seulement i'ay voulu toucher en passant, que c'est qu'ilz profitent à murmurer ainsi contre Dieu: afin qu'ilz apprenent de s'en deporter, voyant que ce n'est qu'empirer leur cause de plus en plus. Au reste ie les veux bien aussi avertir, que c'est une

1) d'avancer 1611.

2) sinon .... bon, manque dans le latin. 3) subsister 1611 (consistendi).

maintenant avec la langue et la plume, et sans me feindre non plus. 1) Et de faict en cela ilz confessent leur turpitude, quand ilz ne savent plus que faire, sinon de courir à reproches et maledicence. 2) [fol. 23] Mais il leur semble avis, qu'ilz se maintienent encor honnestement, pendant qu'ilz se peuvent cacher soubz la robbe de Nicodeme: laquelle ilz font semblable au manteau de nostre Dame des Carmes de Paris. ) Car il me souvient qu'il y a là une legion de moines, comme poulsins soubz les ailes de leur mere. En ceste maniere ceux cy estendent si loing le manteau du bon Nicodeme qu'ilz en sont tous couvers. Au moins ilz le pensent. Car à la verité quand chacun en a voulu tirer un pan à soy, ilz l'ont tant tiré çà et là, qu'ilz l'ont tout deschiré, non seulement par pieces, mais par filletz. Comment donc est-ce qu'ilz s'y cachent, dira quelcun. Il leur advient comme aux perdris: lesquelles pensent estre bien mussées, 4) quand elles peuvent trouver un trou pour fourrer la teste. Ainsi ce manteau de Nicodeme, soubz lequel ilz se pensent mettre à sauveté, n'est sinon une faulse imagination, de laquelle ilz se deçoyvent: comme s'ilz bouchoyent leurs yeux") à fin qu'on ne les vist pas. Car qu'ont ilz de semblable à Nicodeme? C'est, disent ilz, qu'il est venu voir nostre Seigneur de nuict, et ne se est pas declairé estre de ses disciples. Ie leur confesse que Nicodeme, devant qu'estre illuminé, a cherché les tenebres. Mais depuis que le soleil de iustice eut luict sur luy: assavoir) s'il demeura tousiours en sa cachette? Or au contraire nous voyons la declaration qu'il fit, voire au temps, que tout estoit desesperé. Assavoir, quand il vint avec Ioseph d'Arimathie, demander à Pilate le corps de nostre Seigneur pour l'ensevelir. Notons le temps. Voila les prestres, pharisiens, et tous les autres ennemis de la verité, qui triomphent, [fol. 24] comme ayans tout gaigné. Les povres fideles de l'autre costé sont bien estonnez et quasi esperduz, voyans leur maistre et sauveur, auquel ilz ont eu toute leur esperance, 7) trespassé: et son corps pendu au gibbet entre des malfaicteurs et brigans. Les pharisiens et scribes et prestres sont aux escoutes, pour voir si quelcun osera sonner mot. Car ilz ne se contentent point de l'avoir mis à mort, sinon que la memoire en soit du tout abolie. Ilz sont encor enflambez de la rage qu'ilz ont exercée contre sa

grande ingratitude à eux, d'user des propos qu'ilz tienent. Puis que Calvin faict tant du vaillant: que ne vient il icy, pour voir comment il s'y portera? Il faict comme les capitaines qui poulsent les souldars1) à la breche pour recevoir les coups, ce pendant demeurent loing du danger. Par ce moyen les anciens fideles se fussent moquez de toutes les exhortations des Apostres, quand ilz les solicitoyent à endurer persecutions continuelles pour le nom de Iesus Christ: ne fleschir pour rien qui leur avint: perdre leurs biens ioyeusement: endurer les opprobres du monde, d'un cueur allegre: et mourir constamment, quand le plaisir de Dieu seroit tel. Car ilz eussent peu dire: Venez y vous mesmes, et monstrez nous le chemin. Quelcun dira, que les Apostres en avoyent bien leur part: et pourtant que cela leur donnoit l'audace de requerir des autres par parolles, ce qu'ilz leur monstroyent par effect. A cela ie respons, que chacun d'eux exhortoit souvent à patience et constance une Eglise, dont il s'en estoit fuy pour le danger. Ie vous prie quand l'Apostre dit aux Hebrieux (12, 4): Vous n'avez pas encore resisté iusqu'au sang: ne pouvoyent ilz pas bien repliquer: Es tu marry [fol. 22] ou si tu nous porte envie, de ce que nous ne sommes de pire condition que toy? Mesme, pour le faire court, que pouvoit on dire à sainct Pierre, quand il remonstroit aux fideles (1 Pierre 4; 12), que c'est la vraye beatitude, que d'endurer pour le nom de Iesus? Or les fideles de ce temps là, ont receu telles exhortations avec reverence: comme au iour d'huy font ceux qui ont la crainte de Dieu: sachans que l'homme ne se peut gaudir des admonitions sainctes, prinses de la parolle de Dieu, qu'à sa confusion. Quant est de moy, ie ne me vanteray pas d'avoir beaucoup enduré. Mais ie puis bien dire qu'il n'a pas tenu quelques fois à m'exposer au danger. Et puis qu'ilz m'accomparent à un capitaine: pourquoy sont ilz si malings et inhumains, de ne se contenter que ie face autant en ceste bataille spirituelle que nous avons contre le regne de Sathan, qu'on pourroit demander d'un bon et fidele capitaine, qui servira à un prince terrien? Combien qu'ilz s'abusent en ce qu'ilz me mettent si loing des dangers. Car encor que la persecution ne soit pas au iourd'huy prochaine et eminente 2) sur moy: ie ne sçay ce qui me pourroit demain avenir. Tant y a que ie serois bien beste, si dés ceste heure ie ne m'y preparoye, pour n'estre pas surprins. Quand il en faudra là venir i'espere bien en mon Dieu, qu'il me fera la grace de glorifier qui met à la place ces mots: nec remissiore animo vitam pro

son nom par mon sang, aussi bien que ie faiz

1) souldats 1566; soldats 1611 (gregarios milites).

2) imminente 1611 (immineat).

1) et sans me feindre non plus, manque dans le latin,

fundam quam nunc verba facio.

2) mesdisance 1611 (maledicentiam).

3) quam Lutetiae pictam aliquando vidi apud Carmelitas. 4) latitare.

5) oculos clauderent aut velo obducerent.

6) ie demande 1611 (numquid).

7) auquel . . . . esperance, manque dans le latin.

personne pour la desployer contre tous ses membres. Le peuple est esmeu aussi bien: en sorte que Nicodeme estoit asseuré, qu'en se monstrant disciple ou amateur de Iesus Christ, il suscitoit la fureur de tout le monde contre soy. Neantmoins il en faict profession evidente devant tous. Il ne craint point la honte et l'opprobre. Il ne craint point la haine. Il ne craint point le tumulte. Il ne craint point les persecutions. Voila NicodemiVoila Nicodemiser: si nous prenons Nicodeme Chrestien, et non pas en son ignorance, devant qu'il sceust que c'estoit de Iesus Christ. Mais quoy? Ceux cy veulent ensuyvre ce qu'a faict Nicodeme du temps de son infidelité. Mais à l'exemple, qu'il leur monstre apres avoir congneu Iesus Christ, ilz n'y veulent entendre. Somme, Nicodeme est venu à Iesus Christ de nuict, du temps de son ignorance. Apres avoir esté instruict, il le confesse apertement de iour: voire à l'heure qu'il y avoit plus grand peril que iamais: parquoy ceux qui se couvrent de son exemple, luy font grande iniure, et ne profitent non plus, que si un persecuteur [fol. 25] de la Chrestienté s'excusoit sur sainct Paul. Et n'a pas esté en cest acte seul, que Nicodeme avec grand_danger de sa personne s'est monstré Chrestien. Desia il commença de se hazarder pour Iesus Christ, quand en l'assemblée des meschans, il soustint contre tous, qu'on ne le devoit condamner sans congnoissance de cause. Il est vray qu'il ne faisoit pas encor confession entiere. Mais si estoit-ce beaucoup s'avancer, de resister luy seul à l'impetuosité furieuse de tous les iniques. Maintenant il y aura en une assemblée trois ou quatre de ces Nicodemites, qui souffriront sans sonner mot, qu'un povre Chrestien soit cruellement condamné à mort. Et Dieu vueille que nul d'eux n'y consente. Voila donc la vraye façon de Nicodemiser. C'est de se confermer avec le temps pour s'avancer iournellement à donner gloire à Dieu. Possible qu'en un poinct on leur pourroit accorder qu'ilz ressemblent à Nicodeme. C'est qu'ilz ensevelissent maintenant ') Iesus Christ, comme il a faict une fois. Mais il y a grande difference entre les deux sepultures. Car Nicodeme a seulement ensevely le corps et l'a embaumé, afin que l'odeur en fust bonne et pretieuse. 2) Ceux cy ensevelissent corps et ame, humanité et divinité. Et le tout sans honeur. Nicodeme l'a ensevely pendant qu'il estoit mort. Ceux cy le veulent enterrer apres qu'il est resuscité. Ainsi qu'ilz se deportent doresnavant de faire un bouclier de Nicodeme, pour dire qu'il leur soit licite de dissi

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muler leur Chrestienté, iusqu'à se polluer en idolatrie. Veu que Nicodeme a monstré cent fois plus de constance en [fol. 26] la mort de Iesus Christ, qu'ilz ne font tous ensemble apres sa resurrection.

Il est temps de conclurre pour mettre fin au present traicté. Ie croy que tous 1) ceux qui ont une goutte de sain iugement, voyent bien qu'ilz n'ont aucune raison de m'accuser, comme si l'estois trop rude et aspre en exigeant des Chrestiens ce que notre Seigneur leur commande expressement par sa parolle, et non plus. A ceux qui ont les oreilles tant douillettes, qu'ilz ne peuvent porter cela, 2) ie respons que ma doctrine n'est pas dure: mais c'est la dureté de leur cueur, qui la leur faict trouver telle. S'il y a difficulté à le faire: ce n'est pas à dire que nostre devoir n'y soit. Ie say bien que ce n'est pas à un chacun particulier, de reformer un pais, quand les choses y vont mal.) Et aussi ie ne requiers pas cela d'eux: mais tant seulement qu'un chacun se reforme en son endroit, ne communiquant point au mal. Si ce leur est chose fascheuse quant à la chair, ie ne m'en esbahis point. Mais s'ilz congnoissent ce que ie leur en dy estre bon et salutaire, qu'ilz avisent d'en faire leur profit: 4) plus tost que d'ensuyvre les phrenetiques, en frappant et outrageant le medecin, qui met peine de les secourir. Ie ne prens pas plaisir à les contrister. Neantmoins si ie les puis amener à une tristesse telle que dict sainct Paul, assavoir qui engendre repentance en eux: ie ne m'en repentiray point (2 Cor. 7, 10). Car ce sera leur profit. S'ilz s'en contristent pour se despiter: 5) i'en suis marry. Car ie ne desire pas leur ruine: et n'en voudrois estre cause. Mais la faute leur en sera imputée, non pas à moy.")

[fol. 27] Iusque icy i'ay parlé à ceux qui font des sages contre Dieu, pour se iustifier maugré luy, en ce que ) pour complaire au monde, ilz ne font nulle difficulté de se polluer en idolatrie. Maintenant i'adresseray mon propos à ceux qui, estans aussi en páis papistes, avec crainte et humilité recongnoissent le povre estat où ilz sont, et vienent 8) à regret au milieu des abominations qu'ilz sont contrainctz d'y voir, et mesme 9) ausquelles il leur advient quelque fois de se polluer par infirmité. Ie

1) tous, manque 1551 suiv. (quicunque).
2) ut me ferre nequeant.

3) quand les choses y vont mal, manque dans la traduction.

4) potius veritati pareant, quam ut phreneticorum more medicum percutiant. (Le reste manque.)

5) ut fremant et resistant.

6) Sed quum ipsi in causa sint, quid facerem.

7) en ce que .

idolatrie, est omis dans la traduction.

8) demeurent, 1566 suiv. (manent).

9) et mesme

infirmité, manque dans le latin.

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considere bien qu'ilz sont en merveilleuse perplexité. | D'autrepart, ie say qu'il convient tellement traicter les consciences timides et espovantées, qu'on ne les mette point en desespoir. Or on peut voir par le traicté, que ie n'ay pas esté tant inhumain que ie n'aye eu esgard de consoler ceux qui sont telz. Il est vray que i'y ay tenu le moyen, 1) lequel Dieu me permet: et non pas tel que le monde l'appete. C'est que sans les flatter en leur peché, ie les ay exhortez à prier Dieu continuellement, voire confessant leur povreté 2) avec gemissemens et douleur, pour en obtenir pardon: 3) se recommander à luy, et le prier que par sa bonté infinie) il les vueille delivrer de ceste captivité, ou leur donner force et constance, de preferer l'honneur de son nom à leur propre vie: et ce pendant se soliciter par chacun iour, de se mettre en devoir. 5) Ie persevere encor à present en cela: et desire de tellement reconforter ceux qui faillent, que ce pendant ilz ne s'endorment point en nonchalance, et ne s'endurcissent point contre Dieu. Et de faict les consolations Chrestiennes, ne sont pas d'endormir les pecheurs, 6) leur faisant à croire que le mal est bien: mais apres [fol. 28] les avoir humiliez, et mesme abatuz devant Dieu, les induire pour remede unique, à prier Dieu, demander mercy et implorer son ayde, pour sortir de la fange) où on est. Quiconque ne se contente de cola, qu'il cherche ailleurs un Balaam, pour benir ce que Dieu a maudict. Car ce n'est pas mon office ne ma coustume.

Or ce qui me faict insister en ce poinct avec plus grande vehemence, c'est pource que ie ne doute pas, que iusque à ceste heure, la plus part n'ait grandement provoqué l'ire de Dieu, en estimant si peu, et quasi prenant cela pour ieu, de le deshonorers) en se meslant avec les idolatres, pour communiquer à leurs superstitions. 9) C'est desia un grand crime, de commettre idolatrie exterieure, abandonnant son corps, qui est le temple de Dieu, à pollution telle, que l'escriture condamne, autant ou plus que paillardise. Et n'est pas une faute legiere, de transferer l'honneur de Dieu à une idole: ie dy mesme la reverence exterieure, qui est signe et tesmoignage de l'honneur 10) spirituel. Car c'est faire profession de consentir à l'idolatrie et l'approuver.

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Et n'est pas peu de chose de donner mauvais exemple à ses prochains, pour confermer les ignorans en erreur et troubler les infirmes, ou les scandalizor! Mais quand avec tout cela nous adioustons une impudence, et que comme paillardes effrontées, nous nous torchons la bouche, ') pour dire que nous n'avons rien fait de mal: c'est despiter Dieu apertement, 2) et quasi de propos deliberé le provoquer au combat, et l'armer à faire vengeance contre nous. Comme aussi il le monstre par son prophete Esaie (22, 14), [fol. 29] iurant estroictement, 8) qu'une telle iniquité ne sera iamais remise. Nous voyons comme David, estant fugitif au pais des Philistins, encor+) qu'il ne fust pas contrainct d'idolatrer, ne regretoit rien plus, que d'estre privé de ce bien, de se povoir assembler avec les fideles pour prier en leur compagnie, se confermer par l'usage des sacremens, et ouyr la loy du Seigneur (Ps. 42, 5). Il ne luy challoit au pris de cela d'estre banny du Royaume, lequel Dieu luy avoit donné, d'estre dechassé arriere de ses parens et amis, et d'estre despouillé 5) de sa femme. Car nous ne lisons pas qu'il ait faict lamentations 6) de ces choses, comme de ce qu'il n'avoit plus acces au temple de Dieu. Parquoy tous ceux qui sont en pais où il n'y a point forme d'Eglise ordonnée comme il appartient, pour adorer Dieu et l'invoquer ouyr sa parolle et user de ses Sacremens, devroient bien desia avec Daniel souspirer, de ce qu'ilz n'ont pas, et ne peuvent avoir, les choses tant necessaires à tous fideles. Car nous ne saurions mieux 7) monstrer que nous sommes enfans incorrigibles, qu'en estant stupides aux verges de Dieu.) Or ceste est la verge que nous devons avoir en horreur sur toutes les autres, quand il nous oste les enseignes par lesquelles il testifie sa presence au monde. Mais encor ceste vorge est plus rigoreuse beaucoup, quand il permet que nous soyons subiectz à ceste captivité, d'adorer les idoles, au lieu de luy. N'est ce pas donc un trop grand mespris de Dieu de ne s'esmouvoir point, et quasi se rire, quand par signes evidens il se monstre courroucé contre nous, voire beaucoup plus grievement que s'il nous affligeoit de peste, de guerre [fol. 30] et de famine tout ensemble.

Parquoy tout bien regardé ie ne puis autrement iuger, comme i'ay desia dict, sinon qu'une telle mescongnoissance est cause que nostre Seigneur

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