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EXCUSE DE IEHAN CALVIN

A MESSIEURS LES NICODEMITES, SUR LA COMPLAINCTE QU'ILZ FONT DE SA TROP

GRAND' RIGUEUR.

[fol. 2] Quand on allegue ces proverbes de Salomon, que la correction ouverte est meilleure que l'amour cachée, et que le chastiment d'un amy est bon et fidele: il n'y a nul qui ne s'y accorde. Mais quand ce vient à les practiquer, il n'y a nul qui y vueille mordre. 1) Ie dy cecy pource que i'ay escrit un traicté où ie remonstre, qu'un homme fidele conversant entre les papistes, ne peut communiquer à leurs superstitions, sans offenser Dieu. Ceste doctrine est claire. Ie l'ay prouvée par tesmoignages de l'Escriture et raisons si certaines, qu'il n'est pas possible d'y contredire. Qui plus est, il y a une raison peremptoire, 2) laquelle conclud en un mot. Car puis que Dieu a creé noz corps comme noz ames, et qu'il les nourrist et entretient, ") c'est bien raison, qu'il en soit servy et honoré. D'autrepart nous savons 4) que le Seigneur nous fait cest honneur, d'apeller non seulement noz ames, ses temples, mais aussi noz corps. Or ie demande s'il est licite de profaner le temple de Dieu? et s'il ne faut pas qu'il soit desdié à son honneur du tout, et par consequent entretenu en pureté entiere, sans aucune pollution?

Davantage, puis que le corps d'un homme d'un homme fidele est destiné à la gloire de Dieu, et doit estre participant une fois de l'immortalité de son royaume, et estre faict conforme à celuy de nostre Seigneur Iesus: c'est une chose trop absurde, qu'il soit [fol. 3] abandonné à aucune pollution, comme de le prostituer devant une idole. Brief, ou nous sommes du tout à Dieu, ou seulement en partie. Si nous sommes siens du tout, glorifions le tant de corps que d'esprit. Quand donc ie requiers

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qu'un homme fidele se garde songneusement d'idolatrer, 1) pour complaire aux hommes: et de faire semblant par dehors de consentir à ce qu'il congnoist en sa conscience estre mauvais et contre Dieu: 2) il appert evidemment que cela est plus que raisonnable.

Toutesfois il y en a d'aucuns qui me trouvent trop rigoreux, et qui plus est, se plaingnent de moy, à cause que ie les traicte trop inhumainement. Si on demande la cause de leur mescontentement: c'est d'autant qu'ilz ne peuvent souffrir qu'on leur gratte leur rongne. Car quelle apparence ont ilz pour s'excuser, comme si ie les condamnois à tort? Ilz n'ont pour tout potage) que ce miserable subterfuge, que l'affection interieure est à Dieu, quelque semblant qu'ilz facent devant les hommes. Mais qu'est-ce que cela veut dire sinon qu'ilz font un partage entre Dieu et le Diable, pour reserver l'ame à l'un, en donnant le corps à l'autre? Ilz retienent bien le cueur4) à Dieu, pour le moins comme ilz disent: mais ilz ne font point difficulté d'abandonner leurs corps à choses profanes et meschantes. Ie vous prie, Dieu se peut il contenter d'un tel meslinge? Celuy qui a dit que tout genoil se ploira devant lui, et que toute langue confessera son nom, souffrira-il qu'on s'agenoille devant les idoles? 5) Ainsi comme i'ay dit du commencement touchant la doctrine, elle est claire et facile à decider si on veut acquiescer [fol. 4] à la verité. Et les probations sont tant liqui

1) ab externa idololatria se abstineat.

2) Le traducteur ne met que ces mots: quae coram Deo damnat.

3) potage, manque 1611. Le traducteur met simplement : omnino.

4) animam integram.

5) Le traducteur ajoute: impune.

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des, que c'est impudence de tergiverser au contraire.

Neantmoins il se faict. Et ceux qui le font, donneroyent voulentiers à entendre que ce n'est pas sans beaucoup de bonnes raisons: combien que tout bien compté, la principale est qu'il leur semble, avis qu'il n'y a pas tant de mal qui i'ay crié. ') Voire: mais qu'est-ce qui leur faict sembler? 2) Pource qu'ilz ont certaines ) couvertures, pour s'excuser ou amoindrir leur faute. Mais ie voudrois bien savoir, quelles exouses ilz peuvent amener outre celles que i'ay desia monstré, si pleinement que rien plus, estre du tout frivoles et de nulle valeur.) Ainsi, pour bien exprimer quelz ilz sont, ie ne saurois user de comparaison plus propre qu'en les accouplant avec les cureurs de retretz. 5) Car comme un maistre Fifi, 6) apres avoir long temps exercé le mestier de remuer l'ordure, ne sent plus la mauvaise odeur, pource qu'il est devenu tout punetz, et se moque de ceux qui bouchent leur nez: pareillement ceux-cy, s'estans par accoustumance endurcis à demeurer en leur ordure, pensent estre entre des roses, et se moquent de ceux qui sont offensez de la puanteur, laquelle ilz ne sentent pas. Et afin de mener la comparaison tout outre, comme les maistres Fifiz, 7) avec force aulx et ognons s'arment de contrepoison, afin de repoulser une puanteur par l'autre: semblablement ceuxcy, afin de ne point flairer la mauvaise odeur de leur idolatrie, s'abbreuvent de mauvaises excuses, et perverses, comme de viandes puantes et si fortes qu'elles les empeschent de tout autre sentiment. 8) Mais c'est une povre [fol. 5] et malheureuse provision, 9) quand on se rend stupide, pour ne point sentir son mal.

Ie ne parle pas icy en general de tous ceux qui sont encor detenuz par leur infirmité, en ceste captivité de Babylonne, où ilz se polluent en se meslant aux superstitions des idolatres. Car il y en a plusieurs, qui congnoissent en leurs cueurs et confessent de bouche, leur povreté, et sont là à regret, gemissant continuellement à Dieu, et luy requerant mercy. Mais ie m'adresse seulement å

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ceux, qui pour se iustifier cherchent tous subterfuges qu'il leur est possible: et se moquent des remonstrances qu'on leur fait, ou en sont marriz et s'en despitent iusque à blasphemer Dieu. Pource qu'ilz empruntent le nom de Nicodeme, pour en faire un bouclier, comme s'ilz estoyent ses imitateurs: ie les nommeray ainsi pour ceste heure iusque à tant qui i'aye monstré combien ilz font grand tort à ce sainct personnage, en le mettant de leur ranc, et qui plus est se glorifiant de son exemple. Mais devant toutes choses ie voudrois bien qu'ilz ostassent une faulse opinion qu'ilz ont. C'est qu'il leur semble que ie leur fais la guerre comme de propos deliberé, à fin de leur insulter ou pour trouver à mordre sur eux. Voila pourquoy ilz ne se veulent nullement laisser veincre. En cela ilz s'abusent doublement. 1) Car ie puis protester en verité, devant Dieu et ses anges, que mon intention n'est pas autre, que de procurer, entant qu'en moy est, que nous servions Dieu tous ensemble purement. Et ne suis pas tant inhumain qui ie ne soye plustost esmeu, d'avoir compassion d'eux, quand ie les voy en telle [tol. 6] abysme: 2) que de les piquer ou les mordre, ou bien les mespriser et mettre bas, à fin d'avoir d'autant plus beau lustre de mon costé. Pleust à Dieu que i'eusse plustost occasion de les louer, que de les accuser. n'est pas une chose où ie prene plaisir. Secondement ilz ne pensent point, que ce n'est pas à moy qu'ilz ont à faire: mais que Dieu est leur partie. Or, en repliquant contre luy, il est certain qu'ilz ne font que regimber contre l'esperon. Que gaignent ilz donc à murmurer, que ie leur suis trop rude? veulent ilz que ie les benisse, en ce que Dieu les condamne? Et quand ie le feray, dequoy leur servira mon absolution? Car ce n'est pas à moy de vivifier ce que nostre Seigneur condamne à mort: ny d'adoulcir sa sentence, ") comme pour corriger la rigueur d'icelle. Parquoy il me fait mal que ces povres gens) s'acharnent tellement à moy, qu'il leur semble avis, qu'il n'est question que de venir à bout d'un homme: et cependant ne regardent point, qu'ilz s'ahurtent contre Dieu. Ie les prie donc et admoneste, de ne se plus tromper, en me choisissant pour leur accusateur: mais plustost que congnoissant que iamais ilz n'auront bonne cause contre Dieu, et mesme qu'en voulant plaider, ilz ne feront que l'empirer: ") ilz deliberent de se humilier devant leur iuge, et laissant là tou

1) longe falluntur. 2) labyrintho.

Car ce

3) d'adoucir ceste sentence 1551; ne d'adoucir sa sentence 1566 suiv.

4) ces povres gens, n'est pas exprimé dans la traduction. 5) et mesme. empirer, manque dans le latin.

tes tergiversations, ilz recongnoissent paisiblement | fication en la bouche. Et se plaisent tellement en leur faute. De ma part ie ne puis pas dire que le blanc soit noir, pour leur gratifier.

Or pource que ces Nicodemites ne sont pas tous d'une sorte, il sera bon que ie touche icy en passant les especes principales que ie congnois. Les premiers sont ceux qui [fol. 7] pour entrer en credit, font profession de prescher l'Evangile: et en donnent quelque goust au peuple, pour l'amieller. Car voyans qu'une grande partie du monde est faschée de l'asnerie des caffartz, et se moque de leur sotte façon d'enseigner: 1) ilz ne voyent point de meilleur moyen d'acquerir bruit et reputation, que d'user de ceste amorse, pour attirer les gens à eux. Mais cependant, leur intention est d'abuser de l'Evangile, et s'en servir à faire un maquerellage, pour leur gaigner quelques benefices, ou remplir leur bourse, comment que ce soit. 2) Et pourtant apres avoir appasté leurs auditeurs, en leur proposant du commencement quelques poinctz de saine doctrine et pure, ilz les entretienent puis apres en sorte, ") que iamais ne les amenent à la congnoissance de la droicte verité. Il est bien vray, que tous ne se peuvent pas avancer egalement, d'autant que les uns marchent plus grans pas que les autres. 4) Mais celuy qui ne peut attraper une crosse aspire à un prioré ou une cure. Il y a aussi des moines, qui se contentent bien d'avoir grasses questes et bons repas, par faute de mieux. Ayans ce but, ilz n'ont garde de faillir à me condamner comme trop rigoreux, et se plaindre de moy: veu que ie leur arrache le pain des mains. Mesmes aucuns d'entre eux ne se contenteront point de cela: mais à fin d'estre mieux prisez, font bien semblant de mespriser les livres de ceux, qui leur ont appris tout ce qu'ilz savent: et sans la lecture desquelz ilz seroyent plus muetz que poissons, s'ilz ne vouloyent se faire moquer des auditeurs, en caffardant. 5) I'en pourrois alleguer assez d'exemples. Mais ce que i'en dy, est [fol. 8] pour les admonester et leur donner occasion d'entrer en leurs consciences, 6) plustost que de les diffamer envers les autres.

Ce sont ceux qui ont tousiours le mot d'edi

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ce qu'ilz font, qu'il leur semble proprement avis, qu'il n'y ait qu'eux au monde qui sachent l'art d'edifier. Pleust à Dieu qu'ilz s'en acquitassent si bien qu'il n'y eust que redire. Ie ne leur porteroye point d'envie, quant à moy. Mais quoy? qu'ilz entrent en leurs consciences: et puis qu'ilz me sachent à dire, 1) à quelle intention ilz chantent messe, laquelle ilz congnoissent estre un sacrilege abominable: et induisent les autres par leur exemple à idolatrer. Qu'ilz respondent à Dieu, et non pas à moy: s'ilz ne regardent pas à s'edifier eux mesmes non pas selon l'ame mais pour le bien du corps. Quelcun me demandera icy, si i'ay telle estime de tous les prescheurs, qui estans en pays papistes, s'approchent, le plus qu'ilz peuvent, de la pure doctrine: encor qu'il y ait beaucoup d'infirmité, 2) et mesmes qu'ilz n'enseignent qu'à demy. Ia à Dieu ne plaise. Car aucontraire, ie suis tout persuadé qu'aucuns y vont de bon zele, cherchans l'honneur de Dieu, et le salut du peuple, non pas leur profit corporel. Mais il est certain que ceux qui se mettent ainsi en cholere pour maintenir leur idolatrie, et taschent de la couvrir soubz l'ombre d'edifier, sont apres pour faire leur cas: ") et, comme i'ay dit, s'edifient des maisons pour l'aisance et commodité de leurs corps, 4) au lieu d'edifier l'eglise de Dieu. Quant est de l'edification de leurs prochains ilz devroyent noter ce que sainct [fol. 9] Paul monstre, assavoir qu'on peut edifier tant en mal comme en bien. Car en amusant le povre peuple, et l'entretenant en idolatrie, que font ilz autre chose que l'endurcir? S'ilz se glorifient en ce malheureux bastiment, ie leur quitte le ieu. ) Voila donc la premiere espece de ceux qui se mescontentent de moy: assavoir les prescheurs, qui au lieu de s'exposer à la mort, pour relever le vray service de Dieu, en abolissant toutes idolatries, veulent faire Iesus Christ leur cuisinier, pour leur bien apprester à disner. De ceux qui ont droicte affection, encor que ie les reprene en ce qu'ilz defaillent, ie say qu'ilz confesseront plustost la debte,) que de contester contre les remonstrances qu'ilz voyent estre de Dieu, entant qu'elles sont prises de sa simple parolle.

Il y a puis apres une seconde secte. Ce sont les prothonotaires delicatz, qui sont bien contens d'avoir l'Evangile, et d'en deviser ioyeusement et par esbat avec les Dames, moyennant que cela ne

1) bona fide respondeant.

2) multum desiderari possit in eorum doctrina.

3) rebus suis intentos esse.

4) pour l'aisance. . . . corps, manque dans le latin. 5) hanc gloriam illis concedo. 6) culpam.

les empesche point de vivre à leur plaisir. Ie mettray en un mesme ranc les mignons de court, et les Dames qui n'ont iamais apprins que d'estre mignardées, et pourtant ne savent que c'est d'ouyr qu'on parle un peu rudement à leur bonne grace. Te ne m'esbahy pas si tous ceux là font une bende contre moy: et comme s'ilz avoient serment ensemble, condamnent tous d'une bouche ma trop grande austerité. Et de faict, ie m'y suis bien attendu devant le coup. Et maintenant il m'est avis que ie les oy: Qu'on ne nous parle plus de Calvin: c'est un homme trop inhumain. Comment? si nous le voulions croire non seulement il nous [fol. 10] feroit belistres, 1) mais il nous merroit 2) incontinent au feu. Y a-il propos de nous presser en telle sorte? S'il veut que chacun le ressemble et s'il est marry de nous voir plus à notre aise qu'il n'est, que nous en chaut-il? nous sommes bien icy: qu'il se tiene là où il est, et qu'il laisse chacun en repos. La conclusion est que ie ne say que c'est du monde. 8) Quand ilz en ont bien compté pour se flatter l'un l'autre, il leur semble qu'ilz se sont bien vengez de moy. Voire: mais que feront-ilz à Dieu, auquel ie les renvoye, et lequel les adiourne au son de la trompette? 4) Un prothonotaire se pourra bien moquer du crucifix, aux despens duquel il meine ioyeuse vie, en banquetz, 5) en ieuz, en danses et en toute braveté. Car ce n'est qu'un marmoset. Mais Dieu ne se laisse pas moquer en ceste façon. Un courtisant peut bien parler en risée et moquerie, 6) de toutes les bastelerics ausquelles s'amuse le monde pour servir Dieu. Car puisque ce n'est que service d'Idoles, de toutes les superstitions qui ont esté forgées à la phantasie des hommes, il ne faut pas craindre de s'en moquer. 7) Mais quand on nous parle des sainctz commandemens de Dieu, il n'est pas question de faire le niquet. 8) Une dame peut bien faire la figue à un messire Iehan, 9) qu'elle craingnoit au paravant comme foudre, pource qu'il falloit, bon gré mal gré, pour le moins une fois l'an, venir à luy, et luy reveler tous ses menuz secretz. Car elle sait que Dieu ne l'astraint pas à cela. Mais cependant il faut venir à iubé 10) devant Dieu. Ceste confession interieure de noz consciences ne s'abolist point par l'Evangile. Mais au lieu [fol. 11] que nous faisions par cy devant

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nostre compte avec un prestre, il nous faut maintenant compter avec Dieu. Ie voudrois bien povoir impetrer d'eux, aussi bien qu'au lieu de tenir bon contre moy, en se gaudissant de mes remonstrances, ilz pensassent qu'il faut une fois comparoistre devant Dieu, pour estre iugez par ceste mesme parolle, que ie leur propose maintenant. Quant à moy ie ne me suis point loué à eux pour leur complaire.

Il y a la troisiesme espece, de ceux qui convertissent à demy la Chrestienté en philosophie: ou pour le moins ne prenent pas les choses fort à cueur: mais attendent sans faire semblant de rien, voir s'il se fera quelque bonne reformation. De s'y emploier, entant qu'ilz voient que c'est chose dangereuse, ilz n'y ont point le cueur. Davantage il y en a une partie d'eux, qui imaginent 1) des idées Platoniques en leurs testes, touchant la façon de servir Dicu, et ainsi excusent la pluspart des folles superstitions qui sont en la Papauté, comme choses dont on ne se peut passer. Ceste bende est quasi toute de gens de lettres. Non pas que toutes gens de lettres en soyent. Car i'aimerois mieux2) que toutes les sciences humaines fussent exterminées de la terre, que si elles estoyent cause. de refroidir ainsi le zele des Chrestiens et les destourner de Dieu. Mais il se trouvera beaucoup de gens de estude, qui s'endorment en ceste speculation: que c'est bien assez qu'ilz congnoissent Dieu, et entendent quel est le droict chemin de salut, et considerent en leurs cabinetz comment les choses doyvent aller: ") au reste qu'ilz recommandent à Dieu en secret dy mettre remede, sans se n'entremesler) ny empescher: comme [fol. 12] si cela n'estoit point de leur office.") Qui plus est, se moquent de ceux qui le font, et les arguent d'inconsideration. Or quand ie composay le livre duquel il est question: il me estoit aisé de prevoir, qu'il ne seroit pas le bien venu non plus, envers telle maniere de gens. Parquoy il ne me doit sembler estrange, s'il m'en est autant avenu comme i'en avois pensé. Toutesfois ic les prie: si ce sont advocatz, qu'ilz ne prenent point une cause si ruineuse à defendre, de laquelle ilz ne puissent avoir autre fin, que d'en tomber en confusion. sont iuges: qu'ilz ne s'ingerent point de prononcer sentence sur la parolle de Dieu, laquelle n'est pas subiette à leur iurisdiction: mesme, que se defians d'eux mesmes et se tenans pour suspectz en propre

1) D'avantage une partie d'eux imaginent 1611. 2) Le traducteur ajoute: et certe praestaret. 3) qualis debeat ecclesiae status esse.

4) sans s'entremesler 1551 suiv.

Si ce

5) se vero interponere aut suscipere huius rei curam negligunt, tanquam rem supervacuam et ab officio suo alienam.

cause, 1) ilz se deportent d'en iuger: mais qu'avec crainte et reverence ilz s'en tiennent à l'arrest que Dieu le souverain iuge en aura donné. Si ce sont medecins, qu'ilz n'appliquent point d'emplastres superflues et de nul profit pour cacher le mal, qui ne se peut guarir qu'en le descouvrant. Si ce sont philosophes ou dialecticiens, qu'ilz ne convertissent point, à colorer le mensonge, les sciences que Dieu a revelées au monde à fin de les faire servir comme aydes et instrumens à la verité: et ne pensent point que la verité de Dieu, que l'escriture appelle invincible, soit si foible, qu'ilz la puissent en la fin opprimer par belles apparences de raisons, ou subtilité de subterfuges. Si ce sont gens qui s'appliquent à lire les sainctes lettres, qu'ilz se gardent bien d'encourir à leur escient ceste tant horrible malediction, laquelle est là denoncée à tous ceux qui diront le mal estre bien.

Ie mettray en la quatriesme espece [fol. 13] les marchans et le commun peuple: lesquelz se trouvant bien en leur mesnage, se faschent qu'on les viene inquieter. Ainsi pource qu'il leur semble que ie n'ay point assez d'esgard à leur commodité, ilz ne me veulent point avoir pour docteur. Et leur semble bien avis, que quand ilz auront reiecté mon conseil, qu'ilz en seront quittes devant Dieu. Combien que de ceux cy il y en a moins que des autres d'autant qu'ilz ont plus de simplicité et de rondeur, que ceux que l'ay recitez cy dessus, 2) et pourtant n'ont point de cavillations pour resister à la verité. Tant y a neantmoins qu'il n'y a estat dont il ne s'en trouve quelques uns, qui en contrefaisant les Nicodemites, sont mal contens de moy: comme si ie les pressois sans raison, ") et outre mesure. Voila comme il faut qu'un serviteur de Dieu se prepare à acquerir beaucoup de malles graces, quand il voudra fidelement remonstrer à chacun ses vices. Et n'est pas sans cause, qu'en proverbe commun on dit que c'est le loyer de la verité. Quant à moy, il ne me fait mal, sinon d'autant que ie les voy tant adonnez à eux mesmes, que si Dieu ne leur complaist en tout et par tout, ilz se despitent incontinent contre luy: d'autre part, que ie les voy si mal affectionnez au sainct Evangile, lequel ilz font profession de suyvre et tenir, que quand il ne leur chante pas chanson plaisante, ilz sont quasi prestz de tout renoncer incontinent. S'ilz ne le font du premier coup, on vient facilement de l'un à l'autre. Car s'ilz s'obstinent au iourdhuy en un poinct contre Dien, pour ne point prester l'oreille à ce qu'il dict, mais

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plustost murmurer à l'encontre: 1) ilz feront bien demain [fol. 14] le semblable en un autre: iusqu'à ce qu'ilz prenent toute la doctrine en haine ou en desdaing, pour n'en vouloir plus iamais ouyr parler. Mon office2) est, de prendre peine et desirer 3) que la doctrine que i'annonce, soit en salut à tous. Mais quand i'en ay faict mon devoir, s'il en advient autrement, ie m'accorde à la volunté de Dieu. Quant aux Lucianiques ou Epicuriens, c'est à dire tous contempteurs de Dieu, qui font semblant d'adherer à la parolle, et dedans leurs cueurs s'en moquent, et ne l'estiment non plus qu'une fable:4) ie n'en ay pas voulu icy parler. Car ce seroit bien temps perdu, de les vouloir gaigner par admonition. Seulement i'ay comprins en ces quattre especes, cy dessus couchées, ceux qui ont quelque estincelle de crainte de Dieu, et portent quelque reverence à sa parolle, toutesfois n'ont pas encore si bien profité en l'eschole de Iesus Christ, qu'ilz sachent que c'est de renoncer à soy mesme, et oublier le monde et sa propre vie pour servir à l'honeur de Dieu.

Ie demande donc à tous ceux qui sont telz, quelle raison ilz ont de dire que ie suis trop extreme, d'autant que ie ne leur permetz de se contaminer) en idolatries manifestes, et choses 6) desquelles leurs consciences propres leur rendent tesmoignage, quelles sont meschantes et damnables. Il n'est pas icy question de leur opinion ou de la miene. Ie monstre ce que i'en trouve en l'escriture. Et ne me suis pas hasté d'en faire une resolution, sans y bien penser plus de trois fois. 7) Qui plus est, ce que ie dy estant notoire, que nul ne peut dire le contraire, sans nier pleinement la parolle de Dieu. Car ic ne dy rien de moy:) mais ie parle comme par la bouche du maistre, [fol. 15] allegant tesmoignages expres pour approuver toute ma doctrine depuis un bout iusqu'à l'autre. 9) l'autre. 9) S'ilz pensent qu'il leur soit licite d'approuver ce que Dieu a condamné, en le fardant de belles couleurs, ilz s'abusent. Et s'ilz le veulent faire trouver bon à Dieu, ilz s'abusent doublement. L'un dira: pour avoir moyen d'edifier, ie chante la messe combien que ie sache que c'est un sacrilege,

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