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respondre, que l'eglise se peut diversement considerer. Certes ie ne doute pas, que l'Eglise catholique ne soit espandue par tous les pais où domine la tyrannie du Pape. Car comme sainct Paul conclud que la grace de Dieu ne se despartira iamais des Iuifz, pour ce qu'il les a une fois receu en son Alliance inviolable: ainsi nous pouvons dire, qu'en tous les peuples que Dieu a une fois illuminé de son Evangile, la vertu de sa grace y demeurera eternellement. D'advantage, ilz ont le Baptesme, qui est un signe de l'Alliance de Dieu, lequel ne peut estre vain. Et combien que la pluspart des hommes, et quasi tous [page 115] soyent declinez à idolatrie: neantmoins la grace de Dieu ne peut estre empeschée par leur ingratitude, qu'elle n'ait tousiours son cours. Parquoy nous concluons, que Dieu a tousiours eu, et a encore de present ses eslcuz, desquelz le salut est seellé et confermé par le Baptesme en verité et en efficace. Et d'autant que le Baptesme est Sacrement de l'Eglise: le Seigneur a voulu qu'il y demourast là quelque invocation de son Nom, et quelque forme de ministere Ecclesiastique, afin que l'Eglise n'y fust point du tout abolie.

Au reste qu'il y ait là telle forme d'eglise que nostre Seigneur requiert en son Escriture, ie ne le confesse pas. Le Seigneur Iesus commande bien d'obtemperer à son Eglise: mais c'est d'autant qu'elle est la coulomne et firmament 1) de verité. Or les eglises Papistiques sont receptacles d'erreurs et heresies, et s'efforcent de renverser la Parollo de Dieu, et en lieu [page 116] de garder ses sainctes Ordonnances, sont pleines d'abominations. Pourtant i'estime qu'il y a icy une telle forme d'Eglise, qu'il y avoit anciennement entre les Israelites, depuis que ilz se furent corrompuz. Ainsi ie ne approuverois pas celuy qui du tout reiecteroit un tel peuple, ou l'excommunieroit, en se retirant de la compagnie d'iceluy. Mais de communiquer entierement avec les chefs, qui sont loups ravissans ct dissipateurs de l'Eglise, item, avec les membres vitieux, en ce qui est pleinement mauvais, ie ne treuve pas grand propoz.

L'autre raison que alleguent ceux, qui permettent à l'homme fidele d'assister à la messe paroichialle entre les papistes, est, que celle messc est procedée de la Cene de nostre Seigneur: combien qu'elle soit grandement contaminée et corrompue. Cependant ilz ne nient pas, qu'il n'y ait beaucoup de sacrileges et abominations, qui s'y commettent, lesquelles tous bons cucurs [page 117] doyvent detester. Mais ilz excusent un homme privé, en ce que ne pouvant avoir la Cene de nostre Seigneur

1) apui 1611.

purement administrée, il ne reiecte point les reliques qu'il en peut avoir: combien qu'il y ait beaucoup à redire. Quant à moy, ie y vois bien une perplexité. Car i'estime que la messe papistique est une pure abomination, laquelle n'est autrement colorée que du tiltre de la Cene, sinon comme le Diable se transfigure en Ange de lumiere. Puis que ainsi est donc, que le mystere de la Cene y est prophané et aneanty: ie ne sçay comme nous la pourrions avoir au lieu de la Cene. Ce qu'on allegue, que l'homme craingnant Dieu n'y vient sinon pour communiquer avec les Chrestiens en prieres et oraisons, et pour honnorer Dieu en la memoire de son Sacrement: et que cependant il deteste en son cueur tous les blasphemes qui s'y font, pour ce qu'il ne peut pas appertement les condamner: cela ne me semble [page 118] point advis aucunement ferme. 1) Car, comme dit le Prophete, celuy se garde d'idolatrie, qui ne participe point aux sacrifices des idoles (Ps. 16, 4). Or on ne peut nier, que la messe ne soit un idole dressé au Temple de Dieu. Celuy donc qui y assiste, monstre exemple aux simples et aux ignorans de l'avoir en reverence comme bonne: et ainsi il est coulpable devant Dieu de la ruine d'iceluy qu'il trompe, en ceste maniere. 2) Mais pource qu'il pourroit sembler advis à aucuns que ie tienne trop grand rigueur, i'admonneste tout homme fidele de bien considerer la chose. Quant est du iugement de ma conscience, ie ne vois point que cela se puisse excuser. Et ma raison 8) qui m'induit à ainsi iuger, me semble trop peremptoire pour la pouvoir refuter, ou reiecter.

Maintenant afin qu'on voye plus facilement co que i'en puis conseiller, ie reduiray le tout en briefve somme. Premierement tous serviteurs de Dieu [page 119] sans difficulté requerront cela de l'homme fidele, que non seulement il ayme et honnore Dieu en pureté et innocence de cueur: mais que aussi il testifie l'amour et honneur qu'il luy porte au dedans par exercices exterieurs. Ceste testification est constituée en deux poinctz, assavoir en confession de bouche et en adoration exterieure, ou en ceremonics. Quant est de declarer nostre foy de bouche, on n'y peut imposer certaine loy, sinon que comme nostre vocation porte, et tant que l'occasion nous en cst donnée, chascun de nous en son endroict s'employe et face son devoir que le Nom de Dicu soit sanctifié en toutes ses parolles. Item qu'il ne feigne, ne face semblant de consentir aux meschantes doctrines ny à tout ce

1) cela ne me semble aucunement ferme 1611. 2) matiere 1551 suiv.

3) la raison 1566 suiv.

qui repugne à l'honneur de Dieu. Singulierement que nous ayons en recommandation de bien instruire et endoctriner nostre famille en la crainte

do Dieu, et en la verité de sa parolle. Car quand nostre Seigneur [page 120] nous constitue 1) superieurs sur aucuns, c'est afin que nous les gouvernions en telle sorte qu'il soit recongneu comme souverain maistre.

Quant est du second poinct, il ne faut doubter que toutes ceremonies, qui emportent idolatrie manifeste, sont contraires à la confession d'un chrestien. Pourtant se prosterner devant les images, adorer les reliques des sainctz, aller en pellerinages, porter chandelles devant les ydoles, achepter des messes ou des indulgences, ce sont toutes choses meschantes et desplaisantes à Dieu. Pareillement nous faut abstenir de toutes ceremonies conioinctes avec superstition et erreur: comme d'assister aux services qui se font pour les mortz, de frequenter messes, processions et autres services qui se font en l'honneur des sainctz, comme on les faict auiourdhuy. Car il n'y a là rien que prophane et impur. La parolle de Dieu y est depravée, oraisons y sont faictes non seulement folles [page 121] et ineptes, mais pleines de blasphemes, et n'y a rien qui se puisse defendre par l'authorité de l'eglise ancienne. Car ilz ont tout renversé et dissipé ce que les peres ont sainctement institué et observé le temps passé. Il faut aussi comprendre en ce nombre les confreries, l'eaue benite, et en somme toutes messes privées.

Il ne reste plus que la messe paroichialle, et les oraisons qui s'y font au dimanche, esquelles il faut participer, si on se veut entretenir en communion avec une eglise papistique. Aucuns, comme i'ay dict, permettent et mesme consentent à un chascun, quand il luy est necessaire d'habiter en un tel lieu, de venir le dimanche aux assemblées et prieres avec les autres, veu que le peuple s'assemble ce iour là pour invoquer Dieu et que la plus part des oraisons sont meilleures et plus sainctes que des autres iours: en tant qu'elles sont prinses de l'eglise ancienne. Et pource qu'on n'y peut avoir la Cene de nostre [page 122] Seigneur entiere et deuement observée: ilz luy concedent 2) d'estre à sa messe paroichialle. Neantmoins ilz luy enioingnent cependant deux choses: c'est que toutes fois qu'il entre en la messe, puis qu'il ne peut corriger les abuz et abominations qui s'y font, qu'il prie ordinairement le Seigneur d'y vouloir donner ordre. Item, que de tout son pouvoir, entant que l'opportunité s'adonnera, il s'efforce de monstrer

1) establit 1611. 2) accordent 1611.

qu'il ne favorise nullement à l'idolatrie et superstition qui est là, et qu'il ne veut point consentir à choses qui sont repugnantes à l'escriture: mais qu'il demande de servir Dieu purement en gardant ses

sainctes ordonnances.

Quant à ma part, premierement ie desirerois que l'homme fidele ne contemnast 1) rien de ce qui est à l'honneur de son Dieu. Et pourtant, s'il y a là quelques observations bonnes et sainctes, ie seroye bien content qu'il les observast, sans se contaminer 2) toutesfois [page 123] d'aucune chose meschante. Mais pour ce que ie ne vois pas moyen, comme les abominations du Diable en la messe se puissent separer de ce peu qu'il y a de Dieu et de Iesus Christ: ie ne sçay qu'en dire, sinon qu'il ne faut nullement que le temple dedié à Dieu soit prophané d'aucune chose immunde.

Et neantmoins, ie ne suis pas d'une si extreme severitó, de condamner tous chrestiens qui n'abandonnent leur pais quand ilz sont detenuz en ceste servitude, comme si totalement ie desesperoye de leur salut, mais pour le moins, ie les admoneste et exhorte au Nom de Dieu, de venir souvent à compte, en examinant droictement leurs consciences, et recongnoissant à la verité combien il s'en faut qu'ilz ne facent leur devoir de servir à Dieu comme ilz devroyent. Et ainsi que voyant quelle misere c'est d'estre en une telle captivité, ilz gemissent et souspirent, requerant [page 124] Dieu de les en rachepter puis que luy seul y peut donner remede.

D'advantage que ceste congnoissance les incite et enflambe aussi de prier Dieu, qu'il vueille remettre sus sa paovre Église: afin que selon l'ordre qu'il a constitué ") ilz luy puissent rendre au milieu de son peuple sacrifices de louanges impolluz. Pareillement aussi, les poulse et esmeuve de penser comment ilz se pourront retirer de telle ordure: afin de ne point tenter la patience de Dieu en demeurant voluntairement là, où il ne leur est licite de l'honorer entierement.

Ce n'est pas une legiere verge de Dieu que d'estre contrainct de servir à dieux estranges. Pourtant, ceux qui le font ne doyvent point extenuer leurs fautes, 4) ne prendre vaine couverture, et se consoler et flatter en leur infirmité: mais plustost doyvent souvent reduire en memoire la paovreté et l'offense qu'ilz commettent: afin de desirer plus ardemment le remede [page 125] et chercher les moyens pour y parvenir.

1) mesprisast 1611.

2) polluer 1611. 3) establi 1611.

4) leur faute 1551 suiv.

Quand il y aura telle affection de humilité en un homme, Dieu ne l'abandonnera point: mais ou il luy donnera quelque bonne issue, ou bien luy subviendra par sa grace et misericorde. Ie le prie donc, qu'il nous vueille despouiller de nostre prudence charnelle, et de tous noz desirs, afin qu'en simplicité et droicte obeissance, nous puissions suy

vre sa doctrine pour le glorifier en toutes noz parolles et noz euvres, et luy rendre son honneur legitime, non seulement en nostre ame, mais en nostre corps. corps. Ie le prie aussi vous avoir en sa saincte protection.

De Strasbourg ce 12 de Septembre 1540.

FIN.

EXCUSE DE IEHAN CALVIN

A MESSIEURS LES NICODEMITES,

SUR LA

COMPLAINCTE QU'ILZ FONT DE SA TROP GRAND' RIGUEUR.

Amos V.

Odio habuerunt corripientem in porta et loquentem recta abominati sunt.

1 5 4 4.

Esa. 30. 1)

Ce peuple est un peuple rebelle, et ce sont hypocrites: gens qui refusent de ouyr la Loy du Seigneur. Qui disent à ceux qui voyent, Ne voyez point: et à ceux qui considerent, Ne nous considerez point les choses droictes, mais parlez choses qui nous plaisent, et voyez des deceptions.

1) Ce passage ne se trouve ici que dans la première édition.

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