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de nostre estat: mais, de peur que l'evenement ne le desmente, il vault mieulx le laisser passer devant; car il n'est que de deviner en choses faictes, ut, quum facta sunt, tum ad coniecturam aliqua interpretatione revocentur : comme on dict d'Epimenides, qu'il devinoit à reculons'.

le viens de veoir un pastre en Medoc, de trente ans ou environ, qui n'a aulcune montre des parties genitales: il a trois trous par où il rend son eau incessamment; il est barbu, a desir, et recherche l'attouchement des femmes.

Ce que nous appellons monstres ne le sont pas à Dieu, qui veoid en l'immensité de son ouvrage l'infinité des formes qu'il y a comprinses: et est à croire que cette figure qui nous estonne se rapporte et tient à quelque aultre figure de mesme genre incogneu à l'homme. De sa toute sagesse il ne part rien que bon, et commun, et reglé: mais nous n'en veoyons pas l'assortiement et la relation. Quod crebro videt, non miratur, etiamsi, cur fiat, nescit. Quod ante non vidit, id, si evenerit, ostentum esse censet3. Nous appellons contre nature, ce qui advient contre la coustume : rien n'est que se

'Afin de pouvoir, par quelque interprétation, faire cadrer l'événement avec la conjecture. CIC., de Divinat., II, 31.

'La remarque est d'Aristote, qui, dans sa Rhétorique, III, 12, dit qu'Épiménide n'exerçoit point sa faculté divinatrice sur les choses à venir, mais sur celles qui étoient passées et inconnues. C.

'L'homme ne s'étonne pas de ce qu'il voit souvent, quoiqu'il en ignore la cause. Si ce qu'il n'a jamais vu, arrive, c'est un prodige pour lui. Cic., de Divinat, II, 22.

lon elle, quel qu'il soit. Que cette raison universelle et naturelle chasse de nous l'erreur et l'estonnement la nouvelleté nous apporte.

que

CHAPITRE XXXI.

De la cholere.

Plutarque est admirable par tout, mais principalement où il iuge des actions humaines. On peult veoir les belles choses qu'il dict, en la comparaison de Lycurgus et de Numa, sur le propos de la grande simplesse que ce nous est, d'abandonner les enfants au gouvernement et à la charge de leurs peres. La plus part de nos polices, comme dict Aristote', laissent à chascun, en maniere des cyclopes, la conduicte de leurs femmes et de leurs enfants, selon leur folle et indiscrete fantasie: et quasi les seules Lacedemonienne et Cretense ont cominis aux loix la discipline de l'enfance. Qui ne veoid qu'en un estat tout despend de cette education et nourriture? et cependant, sans aulcune discretion, on la laisse à la mercy des parents, tant fols et meschants qu'ils soient.

Entre aultres choses, combien de fois m'a il

'Morale à Nicomaque, X, 9, où se trouve cité le passage d'Homère sur les cyclopes, Odyssée, IX, 114. C.

de dresser une

prins envie, passant par nos rues, farce pour venger des garsonnets que ie veoyois escorcher, assommer et meurtrir à quelque pere ou mere furieux et forcenez de cholere! Vous des yeulx,

leur veoyez sortir le feu et la rage

Rabie iccur incendente, feruntur

Præcipites; ut saxa iugis abrupta, quibus mons Subtrahitur, clivoque latus pendente recedit', (et, selon Hippocrates, les plus dangereuses maladies sont celles qui desfigurent le visage), à tout 2 une voix trenchante et esclatante, souvent contre qui ne faict que sortir de nourrice. Et puis les voylà estropiez, estourdis de coups; et nostre iustice qui n'en faict compte, comme si ces esboittements et eslochements3 n'estoient pas des menbres de nostre chose publicque :

Gratum est, quod patriæ civem populoque dedisti,
Si facis, ut patriæ sit idoneus, utilis agris,
Utilis et bellorum et pacis rebus agendis *.

'Ils sont emportés par leur rage, comme un rocher qui, toutà-coup perdant son point d'appui, se précipite du haut de la montagne où il étoit suspendu. Juv., VI, 647.

Avec, comme on l'a vu déja plusieurs fois.

3 Esboittement ou eslochement, termes synonymes qui signifient dislocation. On trouve eslocher dans Nicor, qui le fait venir d'exlocare; et dans RABELAIS, deslocher. Frere Jean des Entommeures, dit Rabelais (I, 27), ayant donné brusquement sur les ennemis, qui vendangeoient le clos de son abbaye, ez ungs escarbouilloit la cervelle, ez aultres rompoit bras et iambes, ez aultres deslochoit les spondyles du col, etc. C.

La patrie te sait bon gré de lui avoir donné un nouveau citoyen, pourvu que tu le rendes propre à la servir, soit en labourant la terre, soit dans les camps, soit dans les arts de la paix. Juv., XIV, 70.

Il n'est passion qui esbransle tant la sincerité des iugements, que la cholere. Aulcun ne feroit doubte de punir de mort le iuge qui, par cholere, auroit condamné son criminel; pourquoy est il non plus permis aux peres et aux pedantes', de fouetter les enfants et les chastier estants en cholere? ce n'est plus correction, c'est vengeance. Le chastiement tient lieu de medecine aux enfants et souffririons nous un medecin qui feust animé et courroucé contre son patient?

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Nous mesmes, pour bien faire, ne debvrions iamais mettre la main sur nos serviteurs, tandis que la cholere nous dure. Pendant que le pouls nous bat et que nous sentons de l'esmotion, remettons la partie : les choses nous sembleront à la verité aultres, quand nous serons r'accoysez et refroidis. C'est la passion qui commande lors, c'est la passion qui parle; ce n'est pas nous au travers d'elle, les faultes nous apparoissent plus grandes, comme les corps au travers d'un brouillas 3. Celuy qui a faim use de viande; mais celuy qui veult user de chastiement n'en doibt avoir faim ny soif. Et puis, les chastiements qui se font

2

'Aux pédants, aux maîtres d'école. C.

Rapaisés, revenus de notre emportement. - R'accoyser ne se trouve ni dans le Dictionnaire de Nicot, ni dans celui de Cotgrave; mais accoyser est dans tous les deux, où il signifie calmer, apaiser, adoucir, etc. Ces mots venoient de coi, qui subsiste encore, et que les meilleurs écrivains ont employé. C.

3 Passage emprunté de Plutarque, Comment il faut refréner la colère, c 11, et dans les propres termes d'Amyot. J. V. L.

avecques poids et discretion se receoivent bien mieulx et avecques plus de fruict de celuy qui les souffre aultrement, il ne pense pas avoir esté iustement condamné par un homme agité d'ire et de furie; et allegue, pour sa iustification, les mouvements extraordinaires de son maistre, l'inflammation de son visage, les serments inusitez, et cette sienne inquietude et precipitation teme

raire :

Ora tument ira, nigrescunt sanguine venæ,

Lumina Gorgoneo sævius igne micant '.

Suetone recite que Caïus Rabirius ayant esté condamné par Cesar, ce qui luy servit le plus envers le peuple, auquel il appella, pour luy faire gaigner sa cause, ce feut l'animosité et l'aspreté que Cesar avoit apporté en ce iugement.

Le dire est aultre chose que le faire : il fault considerer le presche à part, et le prescheur à . part. Ceulx là se sont donné beau ieu en nostre temps, qui ont essayé de chocquer la verité de nostre Eglise par les vices de ses ministres ; elle tire ses tesmoignages d'ailleurs : c'est une sotte façon d'argumenter, et qui reiecteroit toutes choses en confusion; un homme de bonnes mœurs peult avoir des opinions faulses ; et un meschant peult prescher verité, voire celuy qui ne la croit pas.

'Son visage est bouffi de colère, ses veines se gonflent et deviennent noires, ses yeux étincellent d'un feu plus ardent que celui des yeux de la Gorgone. OvIDE, de Arte amandi, III, 503. Vie de César, c. 12. C.

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