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LXI.

L'Huître et les Plaideurs.

Un jour deux pèlerins sur le sable rencontrent
Une huître, que le flot y venait d'apporter :
Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent;
A l'égard de la dent il fallut contester.

L'un se baissait déjà pour amasser la proie;
L'autre le pousse, et dit: Il est bon de savoir
Qui de nous en aura la joie.

Celui qui le premier a pu l'apercevoir

En sera le gobeur; l'autre le verra faire. par là l'on juge l'affaire,

Si

Reprit son compagnon, j'ai l'œil bon, Dieu merci.
Je ne l'ai pas mauvais aussi,

Dit l'autre, et je l'ai vu avant vous, sur ma vie.
Eh bien! vous l'avez vue; et moi je l'ai sentie.
Pendant tout ce bel incident,

Perrin Dandin arrive : ils le prennent pour juge.
Perrin fort gravement, ouvre l'huître, et la gruge,
Nos deux messieurs le regardant.

Ce repas fait, il dit, d'un ton de président :

Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille

Sans dépens; et qu'en paix chacun chez soi s'en aile,

Mettez ce qu'il en coûte à plaider aujourd'hui ;

Comptez ce qu'il en reste à beaucoup de familles ;
Vous verrez que Perrin tire l'argent à lui,
Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles.

LXII.

Le Trésor et les deux Hommes.

Un homme n'ayant plus ni crédit ni ressource,
Et logeant le diable en sa bourse,
C'est-à-dire n'y logeant rien,

S'imagina qu'il ferait bien

De se pendre, et finir lui-même sa misère,
Puisqu'aussi bien sans lui la faim le viendrait faire:
Genre de mort qui ne duit pas.

A gens peu curieux de goûter le trépas.
Dans cette intention, une vieille masure

Fut la scène où devait se passer l'aventure :
11 y porte une corde, et veut avec un clou,

Au haut d'un certain mur attacher le licou.
La muraille, vieille et peu forte,

S'ébranle aux premiers coups, tombé avec un trésor.
Notre désespéré le ramasse, et l'emporte ;
Laisse-là le licou, s'en retourne avec l'or,

Sans compter ronde, ou non la somme plut au sire.
Tandis que le galant à grands pas se retire,

L'homme au trésor arrive, et trouve son argent

Absent.

Quoi! dit-il, sans mourir je perdrai cette somme!
Je ne me pendrai pas! Eh! vraiment si ferai,
Ou de corde je manquerai.

Le lacs était tout prêt, il n'y manquait qu'un homme :
Celui-ci se l'attache, et se pend bien et beau.

Ce qui le consola, peut-être,

Fut qu'un autre eût, pour lui, fait les frais du cordeau. Aussi bien que l'argent le licou trouva maître.

L'avare rarement finit ses jours sans pleurs:
Il a le moins de part au trésor qu'il enserre,
Thésaurisant pour les voleurs,

Pour ses parents, ou pour la terre.
Mais que dire du troc que la Fortune fit?
Ce sont là de ses traits; elle s'en divertit :

Plus le tour est bizarre, et plus elle est contente.

Cette déesse inconstante

Se mit alors en l'esprit

De voir un homme se pendre :

Et celui qui se pendit

S'y devait le moins attendre.

LXIII.

Le Singe et le Chat.

Bertrand avec Raton, l'un singe et l'autre chat,
Commensaux d'un logis, avaient un commun maître.
D'animaux malfaisants c'était un très bon plat :

Ils n'y craignaient tous deux aucun, quel qu'il pût être.
Trouvait-on quelque chose au logis de gâté

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L'on ne s'en prenait point aux gens du voisinage,
Bertrand dérobait tout; Raton, de son côté,
Était moins attentif aux souris qu'au fromage.

Un jour, au coin du feu, nos deux maîtres fripons
Regardaient rôtir des marrons.

Les escroquer était une très bonne affaire :
Nos galans y voyaient double profit à faire,
Leur bien premièrement, et puis le mal d'autrui.
Bertrand dit à Raton Frère, il faut aujourd'hui
Que tu fasses un coup de maître :

Tire-moi ces marrons. Si Dieu m'avait fait naître
Propre à tirer marrons du feu,

Certes, marrons verraient beau jeu.

Aussitôt fait que dit. Raton, avec sa patte
D'une manière délicate,

Écarte un peu la cendre, et retire les doigts;
Puis les reporte à plusieurs;

Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque;
Et cependant Bertrand les croque.

Une servante vient adieu mes gens. Raton
N'était pas content, ce dit-on.

Aussi ne le sont pas la plupart de ces princes,
Qui, flattés d'un pareil emploi,

Vont s'échauder en des provinces
Ponr le profit de quelque roi.

LXIV.

Le Loup et les Bergers.

Un loup rempli d'humanité

(S'il en est de tels dans le monde)
Fit un jour sur sa cruauté,

Quoiqu'il ne l'exerçât que par nécessité,
Une réflexion profonde.

Je suis haï, dit-il; et de qui? de chacun,
Le loup est l'ennemi commun :

Chiens, chasseurs, villageois, s'assemblent pour sa perte ;
Jupiter est là haut étourdi de leurs cris :

C'est par

là que de loups l'Angleterre est déserte;

On y mit notre tête à prix.

Il n'est hobereau qui ne fasse

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