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gime de la liberté, ou la religion d'Etat, qui est le régime de l'autorité.

En effet, établir une religion d'État, c'est sans doute fonder la société sur la négation de la liberté, ce qui est un crime en tout temps, et de plus, à l'heure qu'il est, une lutte contre l'impossible; mais une fois le principe posé, tout l'ordre social s'en déduit avec une logique admirable, parce que c'est un principe clair et complet. Du moment qu'on renonce à la religion d'État, comme il le faut bien par nécessité et par justice, la logique, si on la consulte seule, veut qu'on aille à l'extrémité opposée, et que l'on fonde l'État, comme nous venons de le dire, sur la liberté absolue et l'indifférence des cultes positifs; car c'est là aussi un principe complet, que tous les esprits saisissent, dont les conséquences sont évidentes, et qui n'engendre ni faux-fuyants ni compromis. On est vraiment trop heureux, quand le principe d'une loi étant posé, tous les esprits aperçoivent immédiatement les lois secondaires qui en dérivent.

Malheureusement c'est là de la philosophie de table rase, ce n'est pas de la philosophie pratique, et surtout ce n'est pas de la législation. Nous sommes faits pour aimer la simplicité et pour vivre toujours dans les complications. Or il y a trois sources de complications dans la législation des cultes : la première tient aux conditions matérielles d'existence de

chacun d'eux, la seconde aux rapports nécessaires des cultes avec les circonstances principales de la vie, et la troisième à la nature du dogme et à l'organisation de la hiérarchie dans chaque église.

Les conditions matérielles de l'existence d'un culte sont, pour n'aller qu'aux principales, les édifices religieux et le budget. L'État donnera-t-il à chaque culte les édifices et le budget qui lui sont nécessaires? Ou les laissera-t-il bâtir leurs temples et payer leurs ministres sans se mêler de rien, sans s'imposer aucun sacrifice?

Nous l'avons dit, dans un pays sans religion d'État, c'est-à-dire dans un pays où la liberté des cultes est reconnue, il n'y a que le second parti qui soit simple et juste. Il est bien facile de le démontrer, et je ne crois même pas que ce principe, en tant que principe, puisse être combattu. La séparation absolue est nécessaire à l'indépendance de chaque église vis-à-vis de l'État, à l'égalité des églises entre elles, à la fondation ou à l'introduction dans un pays d'une religion nouvelle, et même à une équitable répartition de l'impôt. Dès que l'État intervient pour fournir un budget et des édifices, il a droit à surveiller le bon état des édifices et le bon usage des budgets; il fait ses conditions, il exige des services; il peut distribuer des grâces et imposer des privations; il concourt à la nomination des ministres, si même il ne se

l'attribue tout entière. Pour tous ces motifs, l'indépendance des églises est menacée. L'égalité des cultes ne l'est pas moins et par conséquent la liberté des cultes; car, il est bien évident que si la distribution des budgets et des édifices religieux est faite avec partialité, et s'il y a un culte mieux partagé que les autres, il devient dominant, non par sa force propre, mais par la force que l'État lui donne, ce qui constitue une atteinte à la liberté religieuse. Cependant, peut-on compter sur une répartition strictement proportionnelle et sur une justice toujours égale? Les membres du gouvernement n'appartiendront-ils pas eux-mêmes à une communion particulière? Ce point seul a tant d'importance que dans le concordat de 1801, le pape avait fait stipuler que des conventions nouvelles deviendraient nécessaires, si l'un des successeurs du premier consul n'était pas catholique'. Même en supposant les chefs de l'État toujours impartiaux et intègres, comment pourront-ils tenir la balance égale entre une majorité et des minorités? entre des églises dont les besoins et les exigences sont considérables, et d'autres qui ne demandent, pour ainsi dire, que la permission de vivre? Il y a plus : le législateur ne peut poser en principe que les cultes aujourd'hui subsistants ont seuls des droits, et que les cultes qui pourraient se fonder à l'avenir n'en

1. Concordat de 1801, art. 17.

auront point; car ce serait constituer en faveur de certaines religions un droit d'aînesse, et remplacer une religion d'État par plusieurs religions d'État. Or, si tous les cultes sont salariés et proportionnellement salariés, un culte nouveau a les mêmes droits sur le budget que les cultes anciens; et dès lors la liberté ne va plus toute seule, et il faut se demander à quelle condition un culte nouveau obtiendra dans l'État son droit de bourgeoisie. Il est évident qu'il devra se faire agréer par le gouvernement, obtenir du gouvernement la permission de vivre, car il ne peut dépendre du premier prophète venu de s'ériger en ministre d'un culte. et de se créer, de sa propre autorité, des droits sur le trésor public ce serait une véritable oppression du budget. Voilà donc, par cette nécessité d'une autorisation préalable, la liberté des cultes détruite ou grandement compromise, et l'État transformé en théologien et en théologien tout-puissant, lui qui, par son principe, est indifférent à toutes les religions positives. Enfin, si un budget des cultes se comprend parfaitement au point de vue des contribuables et de l'établissement de l'impôt dans un pays où il n'y a qu'une religion, les difficultés se pressent dès que toutes les religions sont accueillies et que les cultes, par les conditions mêmes de leur organisation intérieure, sont inégalement rétribués. Je le répète donc pour assurer l'indépen

dance des églises, l'égalité et la liberté des cultes, et pour ne pas courir le risque de frapper un impôt injuste, on doit souhaiter la suppression des budgets et la séparation absolue de l'État et des églises.

Mais voyons l'autre côté de la médaille, et parcourons rapidement les difficultés qu'il faudra vaincre pour arriver à ce résultat.

Il y a d'abord la question des édifices religieux, qui est fort grave. Dans l'état actuel de notre société, avec la division des fortunes, l'habitude de jour en jour plus générale de jeter ses capitaux dans l'industrie, l'indifférence subsistante en matière de religion, le manque absolu d'esprit d'association et d'initiative entretenu par la centralisation absolue de tous les pouvoirs, il y a tout lieu de craindre qu'on n'arrive pas sans le secours du gouvernement à construire des édifices religieux convenables et à les entretenir dignement. D'ailleurs, que fera-t-on de tous les édifices religieux actuellement construits? S'ils rentrent dans les mains de l'État, il sera obligé de les raser ou de les vendre. Les raser, c'est de la démence; les mettre aux enchères, c'est une profanation et une source d'impossibilités. On l'a assez vu en 1791 1. Ainsi, de ce côté, il y a des difficultés et

1. Séance de l'Assemblée législative du 24 novembre 1791. Discours de Guadet: « .... Ici une municipalité croit ne pouvoir pas s'opposer à l'exercice d'un culte, comme effectivement elle n'en a pas le droit d'après les décrets. S'il lui reste un bâtiment national,

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