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ARTICLE PREMIER.

ERREURS DES PROTESTANTS ET DES RATIONALISTES.

Erreurs

sur

la hierarchie.

de Luther.

De Calvin.

Lorsque Luther commença à dogmatiser en Allemagne, il établit d'abord et accrédita de fausses notions sur la Société chrétienne, pour en tirer ensuite des conséquences en faveur de son système. Il prétendit que tous les chrétiens étaient prêtres et avaient le pouvoir de prêcher, et d'administrer quelque Sacrement que ce fût; ils ne devaient cependant le faire qu'avec le consentement de la Communauté, ou après la nomination de celui qui est au-dessus des autres (1). Selon ce premier Réformateur, il n'y a pas d'Hiérarchie instituée par Jésus-Christ; ce sont les laïques qui font eux-mêmes les ministres de la Religion, et leur donnent les pouvoirs d'exercer leurs fonctions; avec ces principes démocratiques en religion, il eut aisément des adhérents parmi le peuple (2).

Calvin, en dogmatisant comme Luther, fut plus prudent, et reconnut l'institution divine de la Hiérarchie ecclésiastique (3); mais il ajouta « Au reste, ce que j'ai fait lorsque j'ai nommé indifféremment tous ceux qui ont le gouvernement de l'Eglise, Evesques, Prêtres, Pasteurs, Ministres, je l'ai fait selon l'usage de l'Ecriture, laquelle prend tous ces mots pour une chose car, tous ceux qui ont charge d'administrer la parole, sont là nommés Evesques... Or, nous avons ici à noter, que jusques à cette heure je n'ai parlé que des offices, qui consistent en l'administration de la parole comme aussi S. Paul ne fait mention que de ceux-là dans ce chapitre quatrième des Ephésiens que j'ai allégué. Mais en l'Epistre aux Romains et en la première aux Corinthiens, il en récite d'autres, comme les puissances, les dons de guérir les maladies, les

(1) Lib. de Cap. Babyl. tom. 1, de Ord.

(2) La Démocratie est le principe du Protestantisme; il ne faut pas être surpris, que ses partisans aient voulu dans tous les temps introduire cette forme de gouver. nement dans les sociétés civiles.

(3) Inst. Chrét. liv. iv, ch. 3, Ed. Gen. 1565.

gouvernements, l'interprétation, la charge de solliciter les povres (1): desquels nous laisserons-là ceux qui n'ont été que pour un temps, parce qu'il n'est pas besoin pour le présent de nous y arrester. Il y en a deux espèces qui durent à perpétuité, assavoir les gouvernements et la sollicitude des povres. Or, j'estime qu'il appelle Gouverneurs, les Anciens qu'on eslisoit d'entre le peuple pour assister aux Evesques à faire les admonitions, et tenir le peuple en discipline; car on ne peut autrement exposer ce qu'il dit: Celui qui gouverne, qu'il fasse cela en sollicitude. Pourtant du commencement chacune Eglise a eu comme un conseil ou consistoire de bons preud'hommes, graves, et de saincte vie, lesquels avoient l'authorité de corriger les vices, comme il sera vu puis après. Or que cet état n'ait point resté pour un seul âge, l'expérience le démontre. Il faut donc tenir que cest office de gouvernement est nécessaire pour tout temps. La sollicitude des povres a esté commise aux Diacres» (2). Mais ce Réformateur n'était pas infaillible, lorsqu'il assurait, qu'au commencement, chaque Eglise avat un Consistoire pour le gouvernement, composé d'hommes élus d'entre le peuple et par le peuple, ses partisans auraient dû, pour être conséquents, lui demander les preuves de ses assertions, avant de les adopter: il lui aurait été bien difficile de les produire. Dans le système protestant, l'autorité réside dans les Laïques qui forment leur Consistoire: ce sont eux qui instituent les Ministres et leur donnent les pouvoirs de leur Office. C'est ce système que la Révolution de 1790 aurait voulu introduire dans la hiérarchie et le Gouvernement de l'Eglise.

Les Rationalistes de nos jours ont également donné de fausses notions de la Société chrétienne. On les trouve toutes réunies dans l'Histoire de la Civilisation en France; et elles y sont présentées d'une manière spécieuse et propre à jeter dans l'erreur les jeunes gens, à qui l'Auteur adressait ses leçons. « Deux principes contrai

(1) I. Cor. xi, 28.

(2) Inst. Chrét. liv. ¡v, ch. 3, n. 8 et 9, pag. 878, Ed. Gen. 1565. Il est évident que les Protestants de France ont suivi, et suivent encore toutes les idées de Calvin sur la hiérarchie : c'est donc avec raison qu'on leur a donné le nom de Calvinistes.

Des Rationalistes.

res, dit l'Auteur de cet ouvrage, peuvent présider à cette organisation intérieure de l'Eglise: ou la Société religieuse se gouverne elle-même, ou la Société ecclésiastique est seule constituée et possède seule le pouvoir. Il est clair que cette dernière forme ne saurait être celle d'une Eglise naissante: aucune association morale ne commence par l'inertie de la masse des associés, par la séparation du peuple et du gouvernement. Aussi est-il certain qu'à l'origine du christianisme les fidèles prenaient part à l'administration de la société. Le système presbytérien, c'est-à-dire le gouvernement de l'Eglise par ses chefs spirituels, assistés des plus considérables d'entre les fidèles, tel a été le régime primitif..... Nul doute aussi qu'à cette époque les sociétés séparées, les congrégations chrétiennes de chaque ville, ne fussent plus indépendantes l'une de l'autre qu'elles ne l'ont été depuis; nul doute qu'elles ne se gouvernassent, je ne dirai pas complètement, mais à beaucoup d'égard, chacune pour son compte et isolément. De là le système des indépendants, qui veulent que la société religieuse n'ait point de gouvernement général, et que chaque congrégation locale soit une société complète et souveraine (1). Nul doute enfin que, dans ces petites sociétés chrétiennes naissantes, éloignées les unes des autres, souvent dépourvues de moyens de prédication et d'instruction, nul doute qu'en l'absence d'un chef spirituel, institué par les premiers fondateurs de la foi, il ne soit arrivé souvent que, poussé par un élan intérieur, quelque homme puissant par l'esprit et doué du don d'agir sur les hommes, un simple fidèle ne se soit levé, n'ait pris la parole, et n'ait prêché la petite association dont il faisait partie. De là le système des Quakers, le système de la prédication spontanée, individuelle, sans aucun ordre de prêtres, sans clergé légalement institué et permanent... Il est incontestable que les premiers fondateurs, ou pour mieux dire, les premiers instruments de la fondation du christianisme, les Apôtres, se regardaient comme investis d'une mission spéciale, reçue d'en-haut, et

(1) Ce système des Indépendants n'est autre que le système des Protestants calvinistes.

à leur tour, transmettaient à leurs disciples, par l'imposition des mains ou sous toute autre forme, le droit d'enseigner et de prêcher. Les congrégations particulières étaient, il est vrai, assez isolées; mais elles tendaient à se réunir, à vivre sous une foi, sous une discipline commune: c'est l'effet naturel de toute société qui se forme...... Il me paraît enfin hors de doute que, dans les idées des premiers chretiens, dans leur sentiment simple et commun, les Apôtres étaient regardés comme supérieurs à leurs disciples, les disciples immédiats des Apôtres comme supérieurs à leurs successeurs, supériorité purement morale, point légale ni établie comme une institution, mais réelle et avouée. De là le premier germe, le germe religieux du système episcopal. Il est aussi venu. d'une autre source. Les villes où pénétrait le christianisme étaient très-inégales en population, en richesse, en importance; et nonseulement il y avait entre elles de telles inégalités matérielles, mais une grande inégalité de développement intellectuel, de pouvoir moral. L'influence se distribua donc inégalement entre les chefs spirituels des congrégations. Les chefs des villes les plus considérables, les plus éclairées, prirent naturellement l'ascendant, exercèrent une véritable autorité, d'abord morale, ensuite réglée, sur les congrégations environnantes. C'est le germe politique du système épiscopal... Quant au système de monarchie pure, .... il était fort loin de dominer à cette époque, de prétendre même à dominer; et la sagacité la plus exercée, l'ardeur même de l'ambition person. nelle, n'ont pu pressentir ses futures destinées. Cependant on voit déjà croître de jour en jour la considération et l'influence de la Papauté.... Deux causes y contribuaient surtout alors; d'une part, le système des patriarchats était encore puissant dans l'Eglise; audessus des Evêques et des Archevêques, avec des priviléges plus nominaux qu'efficaces, mais généralement avoués, un patriarche présidait à une grande contrée. L'Orient avait eu et avait encore plusieurs Patriarches: celui de Jérusalem, celui d'Antioche, celui de Constantinople, celui d'Alexandrie. En Occident, l'Evêque de Rome l'était seul; et cette circonstance aida beaucoup à l'élévation exclusive de la Papauté. La tradition, d'ailleurs, que S. Pierre avait été Evêque de Rome, et l'idée que les Papes étaient ses suc

cesseurs, étaient déjà fort répandues parmi les chrétiens d'Occi dent » (1). Il serait difficile de renfermer plus d'erreurs en si peu de paroles, et de leur donner des couleurs plus spécieuses. L'Auteur commence par séparer la Société religieuse d'avec la Société ecclésiastique nous disons qu'il n'y a jamais eu dans l'Eglise de J.-C. qn'une seule et même Société, composée de simples fidèles, et d'Ecclésiastiques, de même que dans un royaume le peuple et les Magistrats ne forment pas deux sociétés, mais une seule, qu'on appelle Nation ou Etat. Nous dirons la même chose des autres assertions de l'Auteur; il est faux que, dans le régime primitif, le Gouvernement de l'Eglise fût exercé par les Prêtres et les fidèles; il y a également erreur d'aflirmer que les Eglises particulières fussent indépendantes les unes des autres, et qu'il n'y eût pas de Gouvernement général et hiérarchique; c'est encore parler contre l'histoire d'assurer qu'il n'y ait pas eu, dans la primitive Eglise, un ordre de Prètres et un Clergé canoniquement institué. Les Apôtres ne se regardaient pas seulement comme investis d'une mission spéciale, reçue d'en haut, mais ils l'étaient réellement. Les congrégations particulières ne tendaient pas seulement à se réunir, à vivre sous une foi, sous une discipline commune, mais c'était l'état mème de leur formation première. Les disciples immé diats des Apôtres n'étaient point supérieurs à leurs successeurs pour la Juridiction: ils avaient les pouvoirs qui leur furent donnés par les Apotres, et qu'ils transmirent à leurs successeurs. Les Evêques des grandes villes avaient quelque Juridiction sur les Eglises environnantes; ce n'était point un empiètement, mais un droit établi par les Apôtres, ou que les Conciles établirent dans la suite. Il en fut de même des Patriarcats; dans l'Orient, le premier n'était pas celui de Jérusalem, mais d'Antioche; venaient ensuite les Patriarcats d'Alexandrie, de Jérusalem et de Constantinople; au-dessus était celui de Rome en Occident, parce que les Eyêques de cette ville étaient les successeurs de S. Pierre, investis de son autorité. L'Apostat Sarpi, composant son Histoire du Con

(1) Histoire de la civilisation, par M. Guizot, tom. 1, 3e leçon, pag. 77-87. Ed de 1840.

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