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NOTICE

SUR LA VIE DE JEAN RACINE 1

Jean Racine naquit à la Ferté-Milon et fut baptisé le 22 décembre 1639. Il était le premier enfant de Jean Racine, contrôleur au grenier à sel ou procureur au bailliage, et de Jeanne Sconin. Celle-ci mourut le 28 janvier 1641 en donnant le jour à une fille, et son mari le 6 février 1643, trois mois après s'être remarié. Le petit Racine et sa sœur Marie, restés orphelins, furent recueillis chez leurs grands parents la grand'mère paternelle, Marie Desmoulins, prit le garçon, et la fille alla chez le grand-père maternel, Pierre Sconin.

Racine a gardé toujours un reconnaissant souvenir de l'excellente aïeule qui l'éleva. « Il faudroit, écrivait-il à sa sœur en 1663, que je fusse le plus ingrat du monde, si je n'aimois une mère qui m'a été si bonne et qui a eu plus de soin de moi que de ses propres enfants. »>

Le grand-père, Jean Racine, mourut en 1649, et bientôt

1. J'ai suivi, pour cette notice et pour celle qui suit, les deux notices de M. Paul Mesnard, dans l'édition de Racine, de la Collection des Grands Écrivains. Pour la tragédie, j'ai reproduit le texte de M. Paul Mesnard, en ne gardant de l'orthographe du xvire siècle que oi pour ai dans les imparfaits, et dans certains mots, tels que paroître, connoître, etc. Partout ailleurs j'ai pris l'orthographe moderne j'ai écrit rejaillir, et non rejallir, comme M. P. Mesnard, etc.

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sa veuve, Marie Desmoulins, se retira à Port-Royal. Elle était depuis longtemps attachée aux solitaires. Une sœur qu'elle avait, avait fait profession à Port-Royal en 1625 et y mourut en 1647. Lorsque la persécution éclata contre le jinsénisme en 1638, quand Saint-Cyran fut emprisonné à Vincennes, et que les solitaires furent chassés de PortRoyal des Champs, Lancelot avait trouvé un asile chez une autre sœur de Marie Desmoulins, Mme Vitart, dont il éle vait le fils. Il y fut rejoint par les deux frères Antoine Le Maistre et de Séricourt, et ils passèrent un an dans la maison des Vitart, jusqu'au mois d'août 1639, édifiant la petite ville par leur pieuse et douce gravité.

Lorsqu'ils retournèrent à Port-Royal, Mme Vitart, avec ses trois filles et ses deux fils, alla vivre dans un petit logis qu'on lui donna à la porte du monastère des Champs, et son mari, abandonnant la charge qu'il remplissait à la Ferté-Milon, occupa ses dernières années à prendre soin des affaires du monastère.

Elle y conduisit sans doute aussi une toute jeune fille de Marie Desmoulins, Agnès Racine, dont la présence des solitaires avait éveillé la vocation ce fut la mère Agnès de Sainte-Thècle, tante du poète, qui fut dix ans abbesse, de 1690 à l'année 1700, où elle mourut.

En 1652, l'aïeule de Racine avait rejoint sa sœur et sa fille. En se retirant à Port-Royal, elle avait placé son petit-fils au collège de la ville de Beauvais, pieuse maison où les solitaires comptaient des amis. Ils en tenaient à coup sûr l'enseignement en sérieuse estime, puisqu'ils admirent Racine dans leurs écoles, lorsqu'il en sortit, à un âge où ils n'avaient pas coutume de recevoir des élèves. Il alla donc continuer ses études, en 1655, à l'école des Granges, que dirigeaient l'helléniste Lancelot et Nicole, moraliste judicieux et bon latiniste. En outre, M. Hamon et Antoine. Le Maistre prirent un soin particulier du petit Racine, qu'ils voulaient pousser vers le barreau.

Pendant qu'il étudiait sous leur direction, un nouvel

orage fondit sur Port-Royal maîtres et élèves furent dispersés au mois de mars 1656. Racine demeura aux Champs, où il avait sa famille. Il chanta les malheurs des justes opprimés dans une élégie latine ad Christum. Il composa vers le même temps sept odes sur Port-Royal, où l'inexpérience d'un talent qui se cherche n'a point étouffé dans la diffusion et dans la banalité le juste sentiment de la nature et l'enthousiasme de la foi. Il ébaucha aussi ces belles Hymnes du Bréviaire romain, qu'il refit plus tard dans la pleine possession de son génie.

Cependant, de sa sévère retraite où tout ne lui parlait que de Dieu et des anciens, l'écolier s'émancipait déjà à jeter quelques regards curieux sur ce monde qu'avaient fui ses maitres et les saintes femmes parmi lesquelles il avait grandi. Il écrivait à son cousin Antoine Vitart, qui faisait sa philosophie au collège d'Harcourt, de lestes épitres où il prenait assez gaiement les souffrances du jansénisme; il était fort éveillé sur les nouvelles du temps, et rimait sans scrupule des petits vers et des madrigaux. C'était le temps où, s'i lisait avec ravissement les tragiques grecs, jusqu'à les savoir par cœur, il ne se lassait point aussi des Amours de Théagène et de Chariclée.

Les pensées profanes germaient dans ce jeune cœur. Comment en eût-il été autrement? Par une heureuse inconséquence, les solitaires avaient le culte de ces lettres païennes, où ils voyaient une dangereuse séduction et dont l'amour était à leurs yeux une coupable concupiscence. Détachés de tout le reste, ils ne l'étaient point du beau, et le plus pieux avait dans son cœur une idole, quelque chef-d'œuvre de l'antiquité grecque ou latine. On nourrissait les élèves de Virgile et de Térence, d'Homère et de Sophocle; le goût, la science, l'enthousiasme de Lancelot et de Le Maistre tournaient contre leur foi, et, pour s'être trop remplis de leurs leçons, leurs disciples étaient prêts à quitter les austères voies où ils voulaient les guider. Ils allaient leur faire honneur dans le monde, plus d'honneur parfois et un autre

honneur qu'ils n'eussent souhaité; ce fut le cas de Racine Au sortir de Port-Royal, il fit sa philosophie au collège d'Harcourt (1658); puis il alla loger à l'hôtel de Luynes, chez son cousin Nicolas Vitart, intendant du duc. Cet excellent homme, peu dévot et sagement janséniste, laissa son jeune parent vivre tout à son gré. Racine en profita pour voir le monde, les beaux esprits et les poètes; il se lia avec l'abbé Le Vasseur, abbé galant et mondain, d'un libre et joyeux esprit, et avec La Fontaine, qui, plus âgé de dix-huit ans, débutait encore dans la carrière poétique.

Il faisait beaucoup de petits vers, sonnets, madrigaux; et l'on commençait à dire dans le cercle de ses amis que Racine avait bien de l'esprit. Le mariage du roi lui donna l'occasion d'étendre sa réputation. Il le célébra dans une ode, la Nymphe de la Seine, qui passa pour le meilleur morceau que la circonstance eût inspiré (1660). M. Perrault et M. Chapelain, qui étaient alors de fort grands personnages et dont la confiance de Colbert faisait les premiers commis du département des belles-lettres, - M. Perrault et M. Chapelain daignèrent approuver l'œuvre du jeune poète, y trouvèrent d'heureuses promesses, et indiquèrent quelques corrections, qui furent faites avec empressement. Même l'excellent Chapelain voulut qu'on lui amenât l'auteur; et il lui fit donner par le roi une gratification de cent louis.

Ce brillant début et ces encouragements flatteurs n'emprisonnèrent point le talent de Racine dans la poésie lyrique. Il continua de s'essayer, de reconnaître ses forces. en poussant de tous les côtés, en tâtant tous les genres. Ie théâtre l'attira. Il fit en 1660 une pièce d'Amasie, que les comédiens du Marais acceptèrent, puis refusèrent. L'année suivante, il dressa le plan d'une tragédie des Amours d'Ovide, pour l'hôtel de Bourgogne.

Cependant Port-Royal gémissait. La mère Agnès de SainteThècle s'indignait qu'un disciple chéri des solitaires, et son neveu, entretînt un commerce abominable avec des comédiens, vils selon le monde, criminels selon Dieu. « Lettres

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