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Où je vais allumer les flambeaux d'hyménée 1;
Puis-je ne point chérir l'heureuse occasion
D'aller du sang troyen sceller notre union,
Et de laisser bientôt, sous Troie ensevelie 2,
Le déshonneur d'un nom à qui le mien s'allie?

SCÈNE IV

ACHILLE, CLYTEMNESTRE, IPHIGÉNIE,
ÉRIPHILE, DORIS, ÆGINE

ACHILLE

Princesse, mon bonheur ne dépend que de vous.
Votre père à l'autel vous destine un époux :
Venez y recevoir un cœur qui vous adore.

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de plats, à coiffe abattue, à communs sentiments, à vœux redoublés, à main-forte.

Charleroi, qui t'attend, mais à portes ouvertes,
A forts démantelés, à travaux démolis.

Dans Racine

(Poés. div.)

à grande hàte, à toute rigueur, crier à pleine tête. 1. Ce sont les torches du cortège nuptial. Catulle (62) :

Virgo adest. Viden', ut faces

Splendidas quatiunt comas.

2. Il faut entendre: sous Troie ensevelie dans ses ruines. Mais là phrase est étrange laisser sous Troie le déshonneur, c'est-à-dire sous les ruines de Troie. Faudrait-il croire à une inversion, comme dans ce

vers:

Reste de tant de rois sous Troie ensevelis?

(Andromaque, v. 72.)

Laisser enseveli sous Troie le déshonneur le sens serait excellent, et la construction de même; mais il faudrait supposer une étrange inadvertance de Racine qui aurait au vers suivant substitué le masculin déshonneur au féminin honte, avec lequel ensevelie (forme nécessaire pour la rime) doit s'accorder.

IPHIGÉNIE

835

860

Seigneur, il n'est pas temps que nous partions encore.
La Reine permettra que j'ose demander
Un gage à votre amour, qu'il me doit accorder 1.
Je viens vous présenter une jeune princesse.
Le ciel a sur son front imprimé sa noblesse 2.
De larmes tous les jours ses yeux sont arrosés;
Vous savez ses malheurs, vous les avez causés.
Moi-même (où m'emportoit une aveugle colère?)
J'ai tantôt, sans respect 3, affligé sa misère.
Que ne puis-je aussi bien, par d'utiles secours,
Réparer promptement mes injustes discours?
Je lui prête ma voix, je ne puis davantage.
Vous seul pouvez, Seigneur, détruire votre ouvrage.
Elle est votre captive; et ses fers que je plains",
Quand vous l'ordonnerez, tomberont de ses mains.
Commencez donc par là cette heureuse journée.
Qu'elle puisse à nous voir n'être plus condamnée.

865

870

1. Cette séparation de l'antécédent et du relatif est très fréquente au XVIIe siècle. Cf. vers 1753. « Le jour de Dieu viendra, qui découvrira bien des choses » (Racine, t. IV, p. 516). Cette construction se rencontre à chaque page dans Mme de Sévigné. « Mme de Caylus fait Esther, qui fait mieux que la Champmeslé. » A propos de la Pulchérie de Corneille : « Il nous lut l'autre jour une comédie chez M. de La Rochefoucauld, qui fait souvenir de la Reine mère ».

2. Çe vers explique et justifie le titre de princesse qu'Iphigénie donne à Ériphile au vers précédent. Ériphile ne sait qui elle est; c'est sa mine qui atteste sa naissance. La Fontaine a fait un bel emploi

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de la mème expression, imprimer sur le front:

Auroit-il imprimé sur le front des étoiles

Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles.

(Fables, II, 13.)

3. Sans respect pour cette misère. C'est à elle, et non à Ériphile, que le mot s'applique.

4. Plaindre se construit ordinairement avec un nom de personne, ou avec un mot abstrait, disgrâce, malheur, etc.

I

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1 Montrez que je vais suivre au pied de nos autels Un roi qui, non content d'effrayer les mortels

A des embrasements ne borne point sa glofre, 3 Laisse aux pleurs d'une épouse attendrir sa victoire, 14 Et par les malheureux quelquefois désarmé,

Sait imiter en tout les dieux qui l'ont formé 2.

ÉRIPHILE

Oui, Seigneur, des douleurs soulagez la plus vive.
La guerre dans Lesbos me fit votre captive.

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Mais c'est pousser trop loin ses droits injurieux,
Qu'y 3 joindre le tourment que je souffre en ces lieux. 880

1. Racine et ses contemporains, ses prédécesseurs surtout, emploient souvent au pluriel des noms abstraits qui ne se trouvent plus guère aujourd'hui qu'au singulier. De fort grands abattements (Racine), Ses trompeuses adresses (id.). Les abaissements, nos attentes, nos captivités, de secrètes conduites, ces discernements (Corneille). Ses inapplications, ces exactitudes, des partialités (La Bruyère). Des abandonnements (Mme de Sévigné). « Il a des bontés d'Henri IV... et des justices de Sylla » (Mme de Sévigné). - « Les ruses de ceux-ci, les droitures des autres >> (id.).

2. Former se dit des choses excellentes, difficiles à faire ou à créer, et qui demandent une application ou un effort extraordinaires. Corneille a dit (Horace, v. 433):

Il (le sort) épuise sa force à former un malheur
Pour mieux se mesurer avec notre valeur.

La pensée que Racine a mise dans la bouche d'Iphigénie avait été exprimée quelques années auparavant par Pellisson, dans sa défense de Fouquet. Il prie Louis XIV de faire que la postérité dise de lui: « Il eut autant de bonté et de douceur que de fermeté et de courage, et ne crut pas bien représenter en terre le pouvoir de Dieu, s'il n'en imitoit la clémence. » (1er Discours au roi.)

3. On omettait quelquefois la préposition de devant l'infinitif, où nous l'exprimons d'ordinaire.

Ce que c'est qu'à propos toucher la passion.

(Les Plaideurs, v. 828.)

Mais, en revanche, on l'exprimait où nous l'omettons : « D'attester qu'on croit ce qu'on ne croit pas, est un crime horrible » (Racine, t. IV p. 525).

ACHILLE

Vous, Madame?

ÉRIPHILE

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Oui, Seigneur; et sans compter le reste, Pouvez-vous m'imposer une loi plus funeste Que de rendre mes yeux les tristes spectateurs De la félicité de mes persécuteurs? J'entends de toutes parts menacer ma patrie; Je vois marcher contre elle une armée en furie; Je vois déjà l'hymen, pour mieux me déchirer 2, Mettre en vos mains le feu qui la doit dévorer. Souffrez que loin du camp et loin de votre vue, Toujours infortunée et toujours inconnue, J'aille cacher un sort si digne de pitié

Et dont mes pleurs encor vous taisent la moitié,

ACHILLE

C'est trop, belle princesse. Il ne faut que nous suivre,

890

1. L'adjectif tristes amène l'emploi de l'article, Mais, même quand le substantif attribut est employé seul, Racine se sert quelquefois de l'article:

Et mon amour devint le confident du vôtre.

(Bérénice, v. 244.)

Et je le reconnois pour le roi des Troyens.

(Andromaque, v. 1512.)

2. Le sujet de l'infinitif est vous, contenu dans l'adjectif vos au vers suivant. Cf. au vers 1330. Ou plutôt, ici, l'infinitif actif est employé pour ainsi dire impersonnellement, et cette tournure équivaut à l'emploi du passif pour que je sois mieux déchirée. La règle inventée par les grammairiens, que l'infinitif ou le participe doit avoir pour sujet le sujet de la proposition principale, n'a jamais été connue des écrivains du XVIIe siècle : « Les hommes sont-ils assez équitables pour devoir y mettre toute notre confiance » (La Bruyère).

Est-ce pour obéir qu'elle l'a couronné?

(Britannicus; v. 1234)

Venez, qu'aux yeux des Grecs Achille vous délivre ;
Et que le doux moment de ma félicité

Soit le moment heureux de votre liberté.

SCÈNE V

CLYTEMNESTRE, ACHILLE, IPHIGÉNIE,
ÉRIPHILE, ARCAS, ÆGINE, DORIS

ARCAS

Madame, tout est prêt pour la cérémonie.
Le Roi près de l'autel attend Iphigénie;
Je viens la demander. Ou plutôt contre lui,
Seigneur, je viens pour elle implorer votre appui.

Arcas, que dites-vous?

ACHILLE

893

900

CLYTEMNESTRE

Dieux! que vient-il m'apprendre?

ARCAS, à Achille

Je ne vois plus que vous qui la puisse 2 défendre.

1. Emploi très français de la conjonction que pour marquer le but. La Fontaine (Philémon et Baucis):

Enchainez ces démons, que sur nous ils n'attentent.

2. On dirait aujourd'hui : qui la puissiez. La troisième personne se justifie cependant : je ne vois plus personne qui la puisse défendre, que (si ce n'est) vous. On peut dire que l'antécédent véritable est sousentendu. Cf. les exemples suivants :

Il ne voit dans son sort que moi qui s'intéresse.

(Britannicus, v. 656.)

Je n'ai trouvé que vous qui fût digne de moi.

(Corneille, Psyché, v. 1471.)

Ce ne seroit pas moi qui se feroit prier.

(Molière, Sganarelle, v. 68.)

« Il n'y a que moi qui passe sa vie à être occupée et de la présence

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