Obrazy na stronie
PDF
ePub

marbres précieux charmaient l'œil du spectateur; des machines de théâtre l'émerveillaient pendant les intermèdes par la beauté de leurs effets (1). Et enfin, sous une des arcades de l'amphithéâtre que désignait un emblème impur, des prostituées avaient leur boudoir à côté de l'arène rouge de sang et du spoliaire encombré de cadavres (2). Tout était là: — atrocité du meurtre, — raffinements de la délicatesse, — excès de la magnificence, - infamie de la volupté.

Le sang et la débauche! voilà Rome et les spectacles romains! La comédie, c'était la prostitution montant sur la scène; la tragédie, c'était l'homicide se déployant en plein théâtre. Ne vous étonnez pas si la tragédie, telle que nous l'entendons, fait défaut à la littérature romaine, si les drames attribués à Sénèque ne sont que de pauvres déclamations sans intérêt dramatique. Le drame en action tuait le drame en paroles (3). La poésie eût été trop vague, la peinture trop muette, le drame trop fictif : l'esprit romain dégénéré de sa grandeur, mais retenant son sens positif des choses, ne se prêtait pas à être trompé; il dépouillait de ses voiles la mythologie grecque; il fallait que l'attrait fût grossier pour le séduire, que la catastrophe fût réelle pour l'émouvoir; au lieu de l'illusion du spectacle, il demandait la réalité. A ce positivisme du théâtre, vers lequel nous aussi nous tendons quelque peu, il faut l'indécence dans toute sa grossièreté, le meurtre dans sa réalité la plus atroce. Dans l'Incendie d'Afranius, une maison entière était brûlée et livrée au pillage (4). Dans un autre drame, un des personnages était précipité, et le sang de l'acteur coula sur la scène (5). Le parterre romain eût dé

(1) Ibid. Suét., in Calig. 26. in Claud. 34. Strabon. VI.

(2) Ainsi au Colysée; dans l'amphithéâtre de Nîmes. V. Millin, Voyage dans le midi de la France; Isidore. XVIII. 42. Lampride, in Elagabalo. 26. 32.

(3) « Je ne crois pas qu'il y ait aucune réunion du peuple, aucune assemblée, aucun comice où la foule soit plus nombreuse qu'aux jeux de gladiateurs. » Cic., pro Sextio. 59.

(4) Suét., in Nérone. 11. -(5) Id., in Calig. 57.

daigné nos incendies de feu d'artifice, nos océans de carton, nos batailles à coups de fleurets: il voulait des flots, des flammes, des cadavres, du sang sur l'arène, du sang sur le bûcher des morts, du sang sur la table des festins.

On a dit que Rome manquait de poésie. On s'est trompé ; la poésie de Rome était en action. « La poésie propre au peuple romain, dit un écrivain illustre, est ailleurs que dans les vers composés avec art, à l'imitation des poésies grecques. Il faut la chercher dans les combats du Cirque...., dans ces luttes où le gladiateur, se défendant contre la mort, devait tomber et mourir avec grâce s'il voulait gagner les applaudissements du peuple; dans ces amphithéâtres où plus tard on entendit tant de fois ces clameurs du peuple contre une secte détestée : Aux lions! les chrétiens aux lions (1)! »

CHAPITRE IV.

Résumé et conclusion.

Ainsi, en finissant, nous retrouvons sur le théâtre l'inhu-manité et la corruption, que l'histoire des Césars nous a montrées assises sur le trône. L'inhumanité et la corruption sont les deux grands signes auxquels la civilisation païenne est marquée sur toutes ses faces.

Dès la première partie de ce travail, leur perpétuel rapprochement qui remonte aux plus anciens jours du polythéisme, s'est montré à nos yeux. La carnificine de Tibère

(1) Fréderic Schlegel, Philosophie der Geschichte, 1ter Theil, 9te Vorlesung, pag. 332.

touchait aux cellules infâmes de Caprée : Caligula, Claude, Néron, le premier avec démence, le second avec imbécillité, le troisième avec recherche et calcul, furent également sanguinaires et impurs.

[ocr errors]

Bientôt, nous avons vu l'inhumanité et la corruption innées, pour ainsi dire, dans les religions idolâtriques et dérivant du premier principe du paganisme; nous avons dit comment les traditions, les cérémonies, les sacrifices autorisaient, encourageaient, commandaient la débauche et le meurtre (1). Nous avons dit ensuite quelles conséquences pratiques résultaient d'un tel entraînement religieux comment le maître sur l'esclave, le patron sur le client, le pouvoir sur le sujet, le père de famille sur le fils, exerçaient, et la tyrannique action d'un despotisme qui n'était limité que par la peur, et cette prédication corruptrice qui enseignait le libertinage par l'exemple, par l'intérêt, par l'autorité même du commandement. Nous avons fait voir comment toutes les relations sociales étaient appuyées sur l'esclavage et l'oppression (2); toutes les relations de famille corrompues par la licence des mœurs (3). - Puis, arrivant au côté intellectuel des choses. humaines, à ces loisirs de l'esprit qui sont dignes d'observation, ne serait-ce que comme symptômes, aux arts, aux lettres, aux sciences, nous avons montré comment, d'un côté, l'égoïsme et le mépris de l'humanité ôtaient à la science son caractère général, utile, universel; de l'autre, comment l'impureté des mœurs corrompait l'art en rapetissant son but, en dépravant ses traditions, en rendant son succès trop facile (1). -Et enfin dans les spectacles, ce lieu où se trahissent au plus haut degré, pour l'antiquité surtout, toutes les passions et tous les vices, nous avons retrouvé une dernière fois le principe inhumain et le principe impur étroitement unis l'un à l'autre ; la volupté perdant tout son prix si elle n'était assai

[merged small][ocr errors][merged small]

sonnée par l'effusion du sang; et le meurtre, passant pour un divertissement grossier, s'il n'était tempéré par la débauche.

[ocr errors]

Et cependant nous n'avons pas encore tout dit. En fait d'humanité, quoique nous ayons parlé de l'esclavage, des combats de gladiateurs, du gouvernement des Césars, — il nous resterait encore bien des plaies à trahir. Nous n'avons pas dit quelle mince valeur avait la vie d'un homme selon la morale publique et officielle du genre humain. Nous n'avons point parlé du droit de mort sur le vaincu et le captif, droit incontesté par les philosophes, et dont l'esclavage n'était, disait-on, qu'une miséricordieuse application (1). Jules-César, c et adversaire si clément, fait traiter en ennemis (2), c'est-àdire tuer ou réduire en esclavage quatre mille Helvétiens vaincus; à des milliers d'autres, il fait couper les deux mains (3). Germanicus, ce jeune héros, idole de Rome et de Tacite, Germanicus, à la fin d'un combat, supplie ses soldats de ne pas cesser le carnage : « Nous n'avons pas besoin de captifs, leur dit-il, et l'extermination seule fera justice de ces rebelles (4). »

Nous n'avons pas dit non plus comment le droit de vie et de mort du père de famille, tombé en désuétude quant à l'adulte, subsistait tout entier quant à l'enfant nouveau-né ; la loi ordonnait même de tuer l'enfant mal conformé (5). Quand un enfant venait de naître, on l'étendait aux pieds du père de famille. Si celui-ci le reconnaissait et l'acceptait comme sien, il le prenait dans ses bras (suscipiebat; de là cette locution liberos suscipere). Si, au contraire, il le lais

[blocks in formation]

(3) « César, qui savait que sa douceur n'était ignorée de personne et ne craignait pas qu'on attribuât jamais ses actes de rigueur à un naturel inhumain..., crut nécessaire d'effrayer les Gaulois par un supplice. Il fit donc couper les mains à tous ceux qui avaient porté les armes; il leur laissa la vie pour que leur châtiment eût plus d'éclat... » César, B. G. VIII. 54. —(4) Tacit., Ann. II. 21.

(5) Loi des 12 Tables. Cic., de Legibus. III. 8. Denys d'Hal., II. 26. 27.

sait par terre, l'enfant était jeté au Vélabre (1), où parfois la pitié le recueillait (2), où plus souvent encore la faim lui donnait la mort, où quelquefois aussi la cupidité le ramassait, l'estropiait et l'envoyait mendier au profit d'un spéculateur. Disposer ainsi de sa postérité s'appelait limiter le nombre de ses enfants (3). On le limitait encore par la pratique

(1) Après la mort de Germanicus, plusieurs hommes du peuple dans leur douleur exposèrent les enfants qui venaient de leur naître. Suét., in Calig. 5. Claude fit jeter nue dans la rue une fille de sa femme née seulement cinq mois après le divorce et qu'on avait commencé à nourrir. » Suét., in Cl. 27.

(2) Plaute, Prolog. Casin., v. 30. Amphit. 344. Juvénal. VI. 602. — Quelques peuples grecs seulement défendaient l'exposition des enfants et faisaient vendre comme esclaves par le magistrat ceux que leurs parents ne pouvaient pas nourrir. Elien. Quint. Cur. I.-Exemples chez les Romains d'enfants recueillis et rendus esclaves. Suét., de Grammat. 7. 21. Cela était fréquent (Pline. X. 71. 72). — Les jurisconsultes parlent de l'exposition des enfants comme d'un fait qui n'a rien de punissable (Loi 29. Dig., de Manum. testam. Loi 16, Cod. de Nupt.). Les empereurs chrétiens furent les premiers qui prononcèrent des peines contre ce crime (Loi I, Cod. Théod. De Expos. Loi 3, Cod. Just. De Expos.). La vente des enfants nouveau-nés ou même adultes fut longtemps permise (Ulp. X, Denys. loc. cit.); seulement les empereurs s'attachèrent à en restreindre les effets (Paul, Sent. V. 1. § 1. Antonin 1. C. de Liber. caus. 1 et 2. Ibid., de Patrib. Cod. Théod., de his qui sanguin. Cod. Théod. de Patrib. Frag. vatic. § 34)

(3) Liberorum numerum finire (Tac., Germ.,19). «Les Chrétiens ont des enfants, dit l'auteur de l'épître à Diognète, mais ils n'en sont pas les homicides. ))-(( Vous exposez vos enfants, dit Tertullien, pour qu'un passant les ramasse et que la miséricorde étrangère vienne à leur secours (Id. Ibid.). - Et un peu plus haut : « Quant

[ocr errors]

à l'infanticide, dit-il, peu importe s'il a lieu au milieu des sacrifices ou par le simple fait du caprice privé. Parmi ceux qui nous entourent et qui ont soif du sang des Chrétiens, parmi vous, austères magistrats et si rigoureux envers nous (laissez-moi frapper à la porte de vos consciences), quel est celui qui n'a pas donné la mort à son propre enfant? (Ibid.) » Tacite remarque que, chez les Juifs, on veille à l'accroissement de la population, «< car il n'est pas permis au père de donner la mort aux enfants qui viennent de naître (Tacit., Hist. V. 5). » Et de même, au sujet des Germains: « On regarde comme un crime de limiter le nombre des enfants et de faire périr aucun de ceux qui naissent. Les bonnes mœurs sont là plus puissantes que peuvent l'être ailleurs les bonnes lois (Germ. 19). › - On pourrait croire, d'après ce passage, que quelque loi chez les Romains interdisait le meurtre des enfants par le père, mais je n'en trouve aucune trace. Nous voyons seulement que l'opinion publique et la note des censeurs flétrissaient l'abus de la puissance paternelle (Den. d'Hal., Fragment XX. 1). L'exercice de ce droit sur les enfants nouveau-nés était soumis à quelques formes légales (Den. d'Hal., Frag. XV. Cic., de Legib. III. 8). Plus tard, les

« PoprzedniaDalej »