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tielles que les rois, les sénats, les nations peuvent réparer quelquefois, rarement prévenir.

Vers la fin de la république surtout, au milieu des guerres civiles, cette politique semble disparaître. Le sénat, qui en est le gardien, est sans crédit et sans force. Rome conquiert toujours, mais le temps lui manque pour s'assimiler ses conquêtes; l'Asie se soulève sous Mithridate, l'Espagne sous Sertorius; les Verrès et les Pison font détester le nom romain dans les provinces. A la mort de César, Antoine brise et bouleverse tout, vend et prodigue les priviléges de l'empire, et rompt en faveur des vaincus cet équilibre de la politique romaine, que l'oligarchie du sénat tendait à rompre en sens contraire (1).

Octave, ce patient organisateur, venait après Antoine pour tout rétablir. Octave avait, lui, la juste mesure des choses; il n'était point de ceux qui ne connaissent pas leur siècle, point de ceux aussi qui le connaissent trop. L'empire comparut donc autour de cette chaire curule qu'on n'osait appeler un trône; l'empire fut comme passé au crible par Auguste. Les concessions imprudentes furent annulées; les droits violés furent rétablis, les services récompensés, les fautes punies, les droits de liberté, de latinité, d'immunité, de cité romaine donnés ou retirés selon que la politique l'exigeait (2). Quelques rois parmi les vassaux de Rome furent privés de leur diademe ; d'autres et en plus grand nombre furent rétablis sur leurs trônes (3).

(1) An 708-709. Concessions d'Antoine : Droit de cité donné à la Sicile (Cic., ad Attic. XIV. 12), à des provinces entières. (Dion. XLIV. Cicéron, Philipp. II. 36). Liberté et immunité à Tarse et à Laodicée (Appien, B. C. V. Pline).

(2) Suétone, in Aug. 47. Dion. LIV. 6. 7. 25. Villes et peuples libres sous Auguste : les villes de Pamphylie (Dion. LIV), de Lycie (Strabon. XIV); quelques villes de Sardaigne (Diod. Sic.), de Crète (Dion. XXX); Patras, Cyzique, Rhodes, Aphrodise, Tarse, etc.... Lampée en Crète (Dion. XLI); les Ligures Comati, etc.

(3) V. ci-dessus, page 96, note 2.

[ Un Alexandre, roi des Arabes (Dion. LI), un Antiochus de Comagène. (Id. LIV),

Mais surtout l'union plus intime des rois aux destinées communes de l'empire, fut une des pensées qui préoccupèrent Auguste. Les rois furent véritablement de grands feudataires, réunis, protégés, gouvernés par un même suzerain. Le suzerain des villes libres était le peuple romain; elles étaient placées sous la pacifique juridiction du sénat. Mais le suzerain des rois fut César, tuteur plus vigilant, plus rigide, moins désarmé. « Je t'ai traité en ami, écrivait-il à Hérode, prends garde que je ne te traite en sujet (1). » César, du reste, remplissait les devoirs comme il exerçait les droits du suzerain. Il veillait à l'union des rois avec l'empire dont il les déclarait portion intégrante, à leur union mutuelle qu'il aimait à fortifier par des alliances. Il faisait élever leurs enfants avec les siens; il donnait un tuteur aux princes trop jeunes ou trop faibles d'esprit pour régner. L'héritier ne montait pas sur le trône sans demander à César l'investiture de son fief; le testament du vassal ne s'exécutait pas s'il n'avait été approuvé par le suzerain. Et quand César passait dans la province, les rois ses feudataires accouraient sur son chemin, sans pourpre, sans diadème, en toge comme de simples clients romains, faisant un long trajet pour le joindre et cheminant à pied auprès de son cheval ou de sa litière (2).

un roi de Cilicie, un Lycomède, roi d'une partie du Pont, furent mis à mort ou détrônés après la bataille d'Actium, et Auguste donna leurs états à d'autres.

Autres souverains vassaux d'Auguste : Hérode, en Judée (Josèphe, Ant. XVI. 15); Obodas, roi des Arabes Nabathéens (régnait jusqu'à Damas. Dion. LI); Jamblique, roi des Arabes; Mède, de la Petite-Arménie; Amintas, de la Galatie; Polémon, du Pont; Artabaze, d'Arménie (Dion LIV); Juba, de Numidie et Mauritanie (Pline. V. 1); Rhæmétalce, en Thrace (Tacite, Ann. II. 64. Dion. LIV); rois de Cappadoce, de Cilicie, Trachée, du Bosphore (tous sujets de Rome, πna, dit Strabon. Liv. VI), d'Ibérie et d'Albanie (Tacite, Ann. IV. 5); ethnarchies, tétrarchies, dynasties, en Judée et ailleurs (V. Josèphe, Strabon); Cottius, prince des Alpes (Dion. LX. Pline. III. 20). — Les peuples de la Colchide, ceux des côtes de l'Euxin, et les peuples au delà du Danube étaient presque à moitié soumis. Strabon. VII. — Les princes d'Edesse, de Khosroène et de Palmyre, vassaux plutôt des Parthes que des Romains. Mais les Parthes eux-mêmes reconnurent parfois la suprématie de Rome.

(1) Josèphe, Ant. XVI. 15. — (2) Suét., in Aug. 16. 48. 60. Dion. Eutrope. VII. 10.

En même temps, Auguste relevait la dignité de citoyen romain. Le droit de cité n'était plus jeté à des provinces entières. Le donner aux peuples moins qu'aux villes, aux villes moins qu'aux hommes; y appeler, en les constituant en municipes ou en les renouvelant par des colonies, les villes fortes, puissantes, fidèles, déjà presque romaines (1); y appeler encore les hommes connus, riches, considérés de toutes les portions de l'empire (2); être avare de ce privilége afin de ne le donner qu'aux plus dignes (3): telle était sa politique. Et c'est ainsi que, sans prodiguer au hasard le titre de citoyen, il laissa pourtant quatre millions cent trente-sept mille citoyens dans l'empire au lieu de quatre cent cinquante mille qu'on avait comptés avant César.

Après avoir réglé les droits il réglait aussi l'administration de l'empire. Il partageait les provinces entre le sénat et lui (4), substituait une forme d'administration nouvelle à l'administration républicaine, un système plus sûr, plus serré, plus régulier à ce système aristocratique, ennemi de l'unité, et que l'oligarchie des proconsuls romains avait poussé au dernier excès. Il fondait ainsi le droit public des provinces en même temps que celui de Rome. Rome et les provinces vécurent trois siècles sur les lois et les traditions d'Auguste, et ce fut plus tard que, décrépit et agonisant, l'empire accepta comme un hochet de vieillard l'administration orientale, fastueuse, puérile que lui imposa Dioclétien.

Des moyens d'un ordre secondaire resserraient encore l'unité romaine. Le système des routes à peine ébauché sous la

(1) Spanheim (Orbis Romanus. I. 14) dresse la liste des municipes Romains existant sous Auguste. Il en compte trente en Espagne, parmi lesquels llerda, Italica, Emporia (Pline. III. 3. Liv. XXXIV. 9, et les médailles); en Afrique, Utique; puis d'autres en Gaule, Sicile, Sardaigne, Illyrie, Istrie. V. Pline.

(2) Additis provinciarum validissimis. Tacite, Ann. XI. 24.

(3) Suétone, in Aug. 40.

(4) V. tome I, page 166. — Voici le tableau de cette division, d'après Strabon. XVII. Dion. LII. 20. 23. LIII. 12. LIV. (An 727) :

république, fut presque tout entier l'œuvre d'Agrippa et d'Auguste. Les routes à réparer ou à construire furent partagées entre les généraux. Agrippa eut à lui seul toutes celles de la Gaule. Des relais de poste servirent à porter avec une vitesse décuple de la vitesse ordinaire les ordres, les envoyés, les revenus de César (1).

En même temps, le cens romain, cette statistique merveilleuse, la délimitation romaine, ce cadastre si complet, longtemps enfermés dans le territoire de Rome, puis répétés dans les villes de l'Italie, étaient étendus à toutes les provinces (2). Tous les cinq ans, le père de famille devait, sous des peines rigoureuses, faire inscrire sa femme, ses enfants, ses es

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Quelques changements partiels eurent lieu plus tard. J'aurai occasion de les indiquer. V. Suétone, in Aug. 47, in Cl. 25. Dion. LX.

(1) Suétone, in Aug. 49.

(2) Sur le cens dans les provinces, V. Tit.-Live. XXIX. 37. Suétone, in Cal. 8. En Cilicie, Tac., Ann. VI. 41. — En Gaule, Claudii oratio apud Grut. Tac., Ann. I, 31. II. 6. XIV. 46. Tit.-Liv., Ep. 134. Dion. LIII. 22.

claves, l'âge et le métier de chacun d'eux, son patrimoine, son revenu, jusqu'à ses meubles et ses joyaux. Tous les cinq ans ou à peu près chaque terre était cadastrée, ses limites établies, sa valeur estimée; on comptait jusqu'aux arbres (1). Ainsi, ressources agricoles, industrielles, militaires de l'empire, tout était revu et enregistré; par ce travail rectifié à des époques fixes, la classification de la propriété subsista jusque dans les siècles les plus tardifs, et aujourd'hui même encore, dans l'Italie et dans le midi de la France, des héritages gardent le nom que leur donna il y a près de deux mille ans l'agrimensor romain (2). Ainsi l'empire avait-il au point de vue officiel la plus parfaite conscience de ses forces; et dans les siècles postérieurs, ce pouvoir prêt à crouler connaissait aussi bien ses ressources, maniait aussi facilement ses impôts, commandait aussi librement au sol et à la culture que peut le faire aucune nation moderne.

Or, ce fut sous Auguste que l'ingénieur Balbus, par un labeur que seules pouvaient rendre possible les traditions de plusieurs siècles et l'autorité du nom romain, parcourut l'empire, délimita le territoire de toutes les cités, arpenta les héritages, donna à la propriété provinciale, vague, diverse, illimitée, le caractère exact et invariable de la propriété romaine, et laissa par écrit la loi agraire du monde, le cadastre de tout l'empire (3). Ce fut alors aussi que des dénombrements eurent lieu à plusieurs reprises jusque sur le territoire des peuples libres et des rois alliés (4). C'est ainsi

que

Quiri

(1) V. sur le cens et le cadastre, M. Delamalle, Economie politique des Romains, liv. I, ch. 16. 17. 19.

(2) Ainsi fonds Cornelian, fonds Salvian et beaucoup d'autres : Les fundi Roianus et Ceponianus cités dans les inscriptions, s'appellent aujourd'hui la Roana et la Cepollara. (M. Delamalle. Ibid.)

(3) Omnium civitatum formas et mensuras in commentarios condidit, et legem agrariam per universitatem provinciarum distinxit et declaravit. Frontinus, de Coloniis.

(4) Dans les années 725 et 726 (Dion. LIII. Lapis Ancyr.) 746. (Lapis Ancyr.) 760.

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