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REMARQUE. Voici quelques anecdotes démontrant la prononciation [we] vers la fin du XVIIIe siècle: »A la Constituante, le 7 mai 1791, l'abbé Couturier dit: Moi, je vous cite ma loi, qui est aussi la vôtre. Une voix à gauche: Malouet. (On rit). — M. Couturier. Non, ma loi.« »Au tribunal révolutionnaire, une pauvre femme est victime de sa prononciation: D. A elle demandé si, le 9 de ce mois, en présence de plusieurs citoyens, elle n'a pas dit qu'il fallait un roy? R. Qu'elle n'a point parlé de roi, tel qu'était Capet ou tout autre, mais d'un rouet-maître, instrument à filer. Le juge qui l'interrogea mentionne cette réponse sur l'enveloppe du dossier. (Wallon, Histoire du tribunal révolutionnaire IV, 402; cf. Souriau, L'évolution du vers français p. 45).

159. Dans quelques cas, le groupe [wæ] s'est simplifié en [æ] (sur l'amuïssement de w, voir § 452). On trouve déjà des traces de cette simplification au XIIIe siècle (l'Élégie hébraïque de 1288 donne avet, apelet); mais elle n'acquiert d'importance qu'au XVIe siècle, où elle devient générale, surtout à la cour, et scandalise les grammairiens, qui presque tous l'attribuent injustement à l'influence italienne. Elle s'emploie à côté de [wæ], et il s'établit de bonne heure une distinction entre les deux prononciations. Ainsi, au XVIIe siècle, [a] est surtout propre à la conversation familière, tandis que [wæ] est réservé au discours soutenu; Patru (1674) remarque que, devant haranguer la reine de Suède, il a prononcé, suivant l'avis de la Compagnie, l'Académie françoise [fraswæ:zə], et non pas française. Le passage de [we] à [a] a été suivi par un changement graphique de oi en ai. Nicolas Berain, dans ses Nouvelles remarques sur la langue françoise (Rouen, 1675), avait déjà proposé d'employer ai là où la prononciation était [æ]; mais ce n'est que Voltaire (Zaïre, 1732) qui a réussi à remplacer donnois, donnerois, anglois etc. par donnais, donnerais et anglais. Cette orthographe, dite de Voltaire. n'a été acceptée par l'Académie qu'en 1835 (6o édition).

La prononciation [æ] s'est établie définitivement dans les imparfaits et les conditionnels: avait (habebat), était, parlait, parlerait, etc.; dans quelques noms de nations et de pays: français (vfr. franceis <*francens em), anglais, milanais, polonais, etc. (on a d'un autre côté, danois, suédois, hongrois et les doublets François, Langlois); et enfin dans les mots suivants: claie (cleta); craie (creta); dais (discum); effraye (*effridat), cf. effroi; épais (vfr. espeis, qui remplace espes (spissum); faible (flebilem): frais (<frois, freis<vha. frisc); harnais (*harnisk); marais (marois (*marisk); monnaie (monēta); paraître

(parescere; cf. connaître (cognoscere); taie (theca), et la terminaison -aie (*-ēta) dans aunaie, cerisaie, chenaie, futaie etc. (comp. charmoie). Rets (vfr. roi (rētem) n'est qu'une mauvaise orthographe pour rai; de la même manière s'expliquent peutêtre verre (vfr. voire, veire (vitrum) et tonnerre (vfr. tonoire, toneire) tonitrum), dont la graphie correcte serait vaire et tonnaire.

160. Dans tous les autres cas, le groupe [wæ] s'est changé en [wa]. Cette prononciation remonte au moins à la fin du XVe siècle, et la plus ancienne preuve de son existence se trouve dans la littérature danoise. La reine Élisabeth, sœur de CharlesQuint, a adressé, pendant les années 1523-24, 13 lettres à son malheureux époux, le roi Christian II; dans ces lettres d'une grâce touchante, elle se sert de la langue danoise, qu'elle parlait bien mieux qu'elle ne l'écrivait. Son orthographe est plutôt française; ainsi pour nu (maintenant) elle écrit nou, pour kan (peut) elle met quan, etc., et le mot svar (réponse) est transcrit par soyr, ce qui ne s'expliquerait pas, si le groupe oi ne se prononçait pas [wa]. La même prononciation est directement indiquée par le grammairien Palsgrave (1530); il dit que quand oy est, à la fin des monosyllabes, suivi de s, t, x, ou, à la fin d'un polysyllabe, devant s ou t, ou, au milieu d'un mot, devant r ou l, l'i se prononce à peu près comme un a, boas, voax, françoas, disoat, gloare, poalle, poallon. Henri Estienne se moque de cette prononciation, qu'il attribue aux courtisans et au peuple de Paris. Dans sa »Remonstrance avx avtres Covrtisans amateurs du François italianizé et autrement desguisé«, il dit :

Si tant vous aimez le son doux,
N'estes vous pas bien de grands fous,
De dire Chouse, au lieu de Chose?
De dire l'ouse, au lieu de l'ose?

Et pour Trois mois dire Troas moas?
Pour le fay, vay, le foas, ie voas?
En la fin vous direz La guarre,
Place Maubart, frere Piarre.

Th. de Bèze (1584) blâme ceux qui, imitant la prononciation du peuple de Paris, écrivent et prononcent voarre pour verre, foarre pour foirre, troas et tras pour trois: >>Corruptissime vero Parisiensium vulgus Dores ateiάžovtas imitati, pro voirre sive

ut alii scribunt verre, foirre, scribunt et pronuntiant voarre et foarre, itidemque pro trois, troas et tras«. Les grammairiens continuent encore longtemps à réprouver comme vulgaire et > très mauvaise la prononciation de oi comme [wa]; cependant, elle gagne toujours du terrain et est regardée comme admissible au XVIIIe siècle. En 1785, Domergue dit que la diphtongue oi présente tantôt le son oa, tantôt le son oè; mais en 1805, le même grammairien condamne absolument l'ancienne prononciation et proteste vivement contre loè, gloère, victoère. Grâce à la grande Révolution, la prononciation vulgaire a fini par remporter la victoire. Elle s'est même introduite dans plusieurs mots qui offraient à l'origine un oë (ou oue) dissyllabique: medulla) meolle (§ 518,4)>moelle (: chandelle; A. d'Aubigné, Tragiques I, v. 913)> [mwal]; patella) poêle >[pwa:1]; fouet (dér. de fou (fagum) >[fwa], prononciation vulgaire (on écrit foit au XVIe siècle, voy. Montaiglon, Recueil X, 13); poète> [pwat], prononciation dialectale, attestée déjà par Féraud (1761); rappelons encore l'ancienne prononciation monosyllabique de noel (Patelin v. 1444) et le développement du vfr. escoïne) écoine [ekwan].

REMARQUE. Beaucoup de mots ont longtemps vacillé ou vacillent encore entre ai et oi: harnais – harnois, ormaie—ormoie, raide—roide, raideur —-roideur, écofrai- écofroi, etc. Dans quelques cas, on a conservé les deux formes en leur attribuant un sens et un emploi différents: français - François, anglais — Langlois, benêt (beneeit(benedictum) - Benoît.

II. E FERMÉ PROTONIQUE.

161. É protonique entravé devient e ouvert [æ]:

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CAS ISOLÉS. *Quiscunum (composé de quisque et unum) devient *cascunum (sous l'influence de *catunum?)> chascun, chacun. Ministerium) mestier, métier.

MOTS D'EMPRUNT. Affirmer, itinéraire, littéral, littéraire, missel, virtuose, etc.

162. É protonique libre s'affaiblit en e féminin [ə]:

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CAS ISOLÉS. On trouve a dans les mots suivants: *bilancia) balance (cf. § 506,) eylindrum) calandre; *fœnare (dér. de foenum)> vfr. fener (encore dans Vaugelas II, 385))faner (infl. de fane?); glēnare) vfr. glener (encore dans A. d'Aubigné, Misères v. 1040))glaner; zēlosum) vfr. gelos) jaloux. On trouve i sous l'influence d'un e suivant en hiatus, d'abord changé en [j]: pietatem)pijtate (§ 262,3))pitié; quietare) quijtare) quitier, quitter.

FORMES ANALOGIQUES. Sur creons>croyons, veons>voyons, pelu> poilu, etc., voir § 300.2.

MOTS D'EMPRUNT. Bitume, mineur, ministre, sinistre; féminin, verité; notez aussi désert, désir, désirer, dévorer qui ont remplacé desert, desir, desirer, devorer.

REMARQUE. L'existence de l'e féminin protonique au moyen âge paraît assurée par la signature d'Anne de Russie à un diplôme royal de Philippe I", daté de l'an 1063. La reine mère, dont la souscription se trouve au-dessous du monogramme du roi, écrit en français, tout en se servant des caractères cyrilliques. Voici la signature: ANA PbHNA, c. à. d. Ana reïna (pour reine). L'emploi de b à la première syllabe est très curieux: on sait que cette lettre désignait autrefois un son obscur, qui a dû se rapprocher beaucoup de l'e féminin moderne.

CHAPITRE VI.

E OUVERT ACCENTUÉ (LAT. Ě).

I. E OUVERT TONIQUE.

163. È tonique entravé se conserve tel quel:

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164. L'è ouvert entravé se diphtongue en roumain, en frioulan, en napolitain et en espagnol: ferrum) roum. fier, frioul. fierr, napol. fierro, esp. hierro. Ce même phénomène se trouve aussi dans quelques dialectes lorrains et wallons, et, pour le français proprement dit, dans une petite série de mots, dont la plupart attendent encore leur explication. Citons d'abord quelques proparoxytons, où la diphtongaison est peut-être antérieure à la syncope de la voyelle pénultième (cf. § 259): těpidum) tiède, *femita > fiente, Stephanum) Étienne, mědicum) vfr. miège, pědica) piège, *sědicum) siège, ĕbulum)hièble, větulum) vieil, sæculum) siècle. Dans d'autres mots, l'e diphtongué se trouve devant une liquide +[j]: cĕrium) cierge, mělius) mieux. věniam viegne, vienne; teneam)tiegne, tienne; Compendium > Compiègne. On a enfin tertium) tiers et neptia) nièce (infl. du masculin nies (ně pos?).

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