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et la plus simple; car si on les exagère ou qu'on s'y arrête trop long-temps, on ne manque jamais d'affaiblir l'impression que l'on se proposait de produire. La brièveté ajoute beaucoup à la vivacité. Quelques exemples vont rendre ces règles générales plus sensibles.

Je ne connais, en aucune langue, de compositions descriptives plus étendues et plus complètes que celles du poème des Saisons, de M. Thomson, ouvrage d'un très-grand mérite. Le style brillant et fort en est quelquefois un peu dur; on lui a même reproché de manquer d'aisance et de clarté. Mais malgré ces défauts, Thomson est un poète descriptif plein d'énergie et de beauté, parce qu'il possède un cœur sensible et une imagination ardente. Il avait étudié la nature avec soin, et s'appliquait à la copier avec fidélité. Vivement épris de ses charmes, il décrivait ce qu'il sentait, et savait transmettre aux autres les impressions qu'il éprouvait. Il est impossible qu'une personne de goût lise une de ses Saisons sans éprouver des sentimens et des idées analogues à ceux que cette Saison inspire. Je pourrais citer de lui un grand nombre de descriptions magnifiques, telles que celles d'une averse au printemps, d'un matin d'été, ou de l'homme qui périt au milieu des neiges; mais j'aime mieux rapporter un passage d'un autre genre, pour montrer combien une seule circonstance bien choisie peut embellir et donner de la vérité à une description. Dans le chant consacré à l'été, en racontant les effets de la chaleur sous la zone torride, il se trouve naturellement conduit à rappeler cette peste qui, devant Carthagène, détruisit

la flotte anglaise que commandait l'amiral Vernon;

puis il ajoute :

You, gallant Vernon, saw
The miserable scene; you pitying saw
To infant weakness sunk the warrior's arm;
Saw the deep racking pang; the ghastly form;
The lip pale quiv'ring; and the beamless eye
No more with ardour bright; you heard the groans
Of agonizing ships from shore to shore;

Heard nightly plunged, amid the sullen waves,

The frequent corse.

V. 1050.

<< Vous fûtes témoin de cette scène d'horreur, brave << Vernon ; vous vîtes nos guerriers affaiblis devenir << semblables à des enfans; vous les vîtes en proie aux «< convulsions de la douleur : leurs traits étaient alté« rés, leurs lèvres pâles et tremblantes, et le feu du <<courage ne brillait plus dans leurs yeux; vous en«tendîtes les soupirs de l'agonie se prolonger d'un << vaisseau à l'autre. Lorsqu'à l'entrée de la nuit on jetait tristement à la mer une multitude de cada«vres, ce bruit sinistre retentissait dans votre âme... » (Traduction de M. Deleuze.)

Comme les circonstances sont heureusement choisies pour nous faire sentir toute l'horreur de ce spectacle! Mais le dernier trait est le plus frappant du tableau. Nous sommes conduits à travers des scènes lugubres jusqu'au moment où la mortalité s'étend sur la flotte. Pour décrire cette situation affreuse, un poète vulgaire n'aurait pas manqué de multiplier les expressions exagérées, et de peindre les victoires nombreuses de la

mort et ses trophées accumulés. Mais l'imagination est bien plus fortement frappée de cette seule circonstance des cadavres qu'à l'entrée de chaque nuit l'on jette à la mer, et du bruit uniforme de leur chute, qui retenlit tant de fois dans l'âme du malheureux amiral :

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Le conte de l'Hermite, par M. Parnell, est surtout remarquable par la beauté des descriptions. Le tableau de l'hermite quittant sa retraite pour visiter le monde, la rencontre qu'il fait d'un compagnon de voyage, les maisons dans lesquelles ils sont successivement reçus, celles de l'homme vain, de l'homme avide, de l'homme bon, sont des morceaux de peinture admirables touchés par un pinceau habile et délicat ; l'on n'y trouve

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(1) L'éloge que le docteur Johnson, dans ses Vies des poètes anglais, fait de M. Thomson, est, selon moi, bien mérité: "Comme écrivain, dit-il, il est digne de la plus grande es<< time. Sa pensée est originale, son expression l'est aussi. Sou vers blanc ne ressemble pas plus à celui de Milton, ou de << tout autre poète, que le vers rimé de Prior ne ressemble à «< celui de Cowley. Ses cadences, ses pauses, sa diction ne << sont qu'à lui; il n'a rien copié, rien imité. Il pense d'une << manière toute particulière, et ses pensées sont toujours celles « d'un homme de génie. Il regarde la nature et l'existence, « de l'œil que la nature seule a donné au poète, cet œil qui, dans un objet, voit et saisit en un instant tout ce qui peut captiver l'imagination. Son esprit embrasse l'immense éten« due, et s'abaisse au détail le plus minitieux. L'homme qui «lit le poème des Saisons s'étonne de n'avoir jamais vu ce qu'il lui fait voir, de n'avoir jamais senti ce qu'il lui fait

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aucune teinte inutile, et ils nous représentent les objets avec une ressemblance frappante. Mais de tous les poèmes écrits en anglais en style descriptif, les plus riches et les plus remarquables sont l'Allegro et le Penseroso de Milton. Ces deux poèmes, de peu d'étendue, mais d'une beauté inimitable, offrent, l'un des images gaies, l'autre des images mélancoliques aussi parfaites qu'on peut le désirer. Ce sont en quelque sorte de vastes collections où les poètes ont ensuite puisé des richesses pour embellir leurs descriptions. Ces deux poèmes seuls me fourniraient assez d'exemples pour prouver ce que j'ai avancé sur l'importance d'un choix heureux de circonstances dans un ouvrage descriptif. Je ne citerai que ce passage du Penseroso :

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éprouver.

«< cence,

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I walk unseen

On the dry, smooth-shaven green,

To behold the wandering moon,

S'il décrit de grandes scènes ou des objets généraux, il nous montre la nature dans toute sa magnifiil nous la montre avec tous ses charmes ou dans << toute son horreur. L'esprit se pénètre tour à tour de la gaîté «< du printemps, de la splendeur de l'été, de la tranquillité << de l'automne ou de l'horreur de l'hiver. Le poète met sous « nos yeux tous les objets divers que l'année ramène dans « son cours, et sait si bien nous faire partager son enthou<< siasme, que notre cœur s'épanche en présence de ses ta<< bleaux, et brûle des sentimens qu'il exprime. » Le reproche que ce judicieux critique fait au style de Thomson n'est pas moins juste et moins bien fondé : « Il est, dit-il, trop « redondant, et l'on peut quelquefois l'accuser de chercher

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plus à flatter l'oreille qu'à plaire à l'esprit.

Riding near her highest noon;

Like one that had been led astray

Through the heav'n's wide pathless way,
⚫ And oft, as if her head she bow'd,
Stooping through a fleecy cloud.
Oft, on a plat of rising ground,
I hear the far-off curfew sound,
Over some wide water'd shore,
Swinging slow with sullen roar:
Or, if the air will not permit,
Some still remov'd place will fit,
Where glowing embers through the room
Teach light to counterfeit a gloom;

Far from all resort of mirth,

Save the cricket on the hearth,
Or the bellman's drowsy charm
To bless the doors from nightly harm:
Or let my lamp, at midnight hour,
Be seen in some high lonely tow'r
Where I may oft outwatch the Bear,
With thrice great Hermes, or unsphere
The spirit of Plato, to unfold
What worlds, or what vast regions hold
The immortal mind, that hath forsook
Her mansion in this fleshly nook:
And of those demons that are found

In fire, air, flood, or under ground.

« Je me promène solitaire dans cette plaine que re«<couvre un doux gazon; j'y contemple l'astre des <«< nuits qui, au milieu de sa carrière, paraît égaré << dans cette immense voûte du ciel que ne traverse << aucune route; il semble quelquefois incliner sa tête << pour se cacher dans des flocons de nuages. Souvent «sur le penchant d'une colline j'écoute le son loin<tain de la cloche du soir; il se balance lentement

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