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CHRIE. Sorte d'amplification que les rhéteurs donnent à faire à leurs disciples, et qui consiste à commenter un mot sentencieux ou un fait mémorable. La forme qu'ils ont prescrite à cette espèce d'acrostiche est le chef-d'œuvre de la pédanterie.

Quoi de plus pédantesque en effet que d'apprendre aux enfants à s'appesantir sur un mot ou sur un trait de caractère, dont la vivacité rapide fait souvent la grâce et la force? Quoi de plus contraire au bon goût, au bon sens, au bon emploi d'un temps précieux, que d'assujettir l'imagination et la pensée, dans une jeune tête, à une marche laborieuse et contrainte, qui à chaque pas contrarie tous leurs mouvements naturels?

Qu'on s'imagine qu'un enfant, à qui l'on propose pour sujet d'une chrie verbale ce vers d'Ho

race,

Orandum est ut sit mens sana in corpore sano;

ou pour sujet d'une chrie active, le geste de Tarquin, coupant les têtes des pavots; ou pour sujet d'une chrie mixte, l'action de Diogène dans l'attitude d'un suppliant, tendant la main, dans la place publique, à une statue de marbre, et sa réponse à celui qui, le trouvant dans cette attitude, lui demanda ce qu'il faisait là: Je m'exerce

à endurer des refus; qu'on s'imagine, dis-je, qu'un malheureux enfant est condamné par Aphtonius à diviser le sujet qu'on lui donne en huit parties, c'est-à-dire en huit sortes de tortures pour son esprit.

Ces parties sont : 1o le préambule, a laudativo, lequel préambule doit contenir l'éloge de l'action ou de la sentence, et de celui qui en est l'auteur. Mais c'est Tarquin qui conseille à son fils de faire trancher la tête à tous les notables de son village, de Gabies; n'importe, il faut louer Tarquin et la belle leçon qu'il donne.

2o La paraphrase. Mais la pensée est claire et simple, et d'une vérité évidente comme celle-ci :

Multa senem circumveniunt incommoda.

N'importe, il la faut expliquer et l'amplifier a paraphrastico.

3o La cause. Mais la cause est souvent la nature même du cœur humain, comme dans cette vérité : Ira furor brevis est; et cela passe l'intelligence et d'un enfant et d'un philosophe. N'importe, il faut que l'enfant argumente a causa, dût-il ne savoir ce qu'il dit.

4o Le contraire. Mais quel tourment pour un enfant de chercher le contraire d'une maxime vague, comme de celle-ci : Fronti nulla fides. N'importe, il faut qu'il se casse la tête pour prou

ver a contrario.

5o Le semblable. Mais quelle est la similitude

de cette pensée de Térence, Crescit in adversis virtus? On y a trouvé pour emblème la flamme d'une torche exposée au vent; on peut aussi y employer l'image du chêne, qui, sur le sommet d'une montagne, s'élève et s'affermit au milieu des tempêtes: mais cela sera-t-il présent à l'imagination d'un enfant? N'importe, il faut qu'il prouve a simili, quoiqu'il soit vrai, en général, que les images ne prouvent rien.

6° L'exemple. Mais quels exemples peut citer un enfant dont la tête est vide, qui ne sait que très peu de chose des temps anciens, et rien des temps modernes? Il faut pourtant qu'il batte la campagne, et qu'il raisonne ab exemplo.

7° Le témoignage, c'est-à-dire l'autorité des auteurs graves, que l'écolier n'a jamais lus, ou qu'il a lus sans réflexion, et qu'il n'a certainement pas assez présents pour en faire usage à propos.

8° Quoique assez souvent il n'y ait pas lieu à l'épilogue, on l'oblige à épiloguer, et cela s'appelle conclure a brevi epilogo.

Il est bien vrai que le régent indique à l'écolier et les passages et les exemples; qu'il lui suggère aussi les causes, les ressemblances, les contrastes, ou plutôt qu'il lui dicte ce qu'il doit inventer. Mais quelle misérable manière de former l'esprit des jeunes gens, que de les mener ainsi à la lisière !

Encore il faut voir ce que c'est que les cane

vas qu'on leur trace, et que les modèles qu'on leur présente. Qui croirait que pour confirmer cette vérité éternelle,

Breve et irreparabile tempus

Omnibus est vitæ ;

qui croirait que les témoignages cités et accolés par le Père de Colonia, sont Job et Phèdre le fabuliste? Qui croirait que, dans la même chrie, les exemples du bon emploi du temps sont les vierges et les martyrs? Virgile assurément ne s'attendait pas à être si bien appuyé.

La première règle du bon sens, dans l'art d'instruire, est de ne faire faire aux apprentis que ce qu'ils feront étant maîtres, en commençant par ce qu'il y a de plus simple et de plus facile. Or la chrie, qui n'est d'usage dans aucun genre d'éloquence, et qu'on ne fera certainement jamais hors du collége, est encore ce que les rhéteurs ont pu imaginer de plus difficile et de plus compliqué. Ainsi, dans tous les points, la chrie a été inventée et enseignée en dépit du bon sens.

Il faut espérer qu'à présent qu'on a délivré la tendre mollesse de l'enfance des entraves du maillot, et les grâces de l'adolescence de leur prison de baleines, on fera pour l'esprit humain ce qu'on a fait pour le corps; que la pensée, l'imagination, le sentiment, dans la jeunesse, seront délivrés à leur tour des brassières du pédantisme, et que la chrie, comme la plus barbare

des inventions scolastiques, sera proscrite pour jamais; l'université de Paris l'a bannie de ses écoles.

COMÉDIE. C'est l'imitation des mœurs, mise en action: imitation des mœurs, en quoi elle diffère de la tragédie et du poème héroïque; imitation en action, en quoi elle diffère du poème didactique moral et du simple dialogue.

Elle diffère particulièrement de la tragédie dans son principe, dans ses moyens et dans sa fin. La sensibilité humaine est le principe d'où part la tragédie; le pathétique en est le moyen; la crainte des passions funestes, l'horreur des grands crimes, et l'amour des sublimes vertus, sont les fins qu'elle se propose. La malice naturelle aux hommes est le principe de la comédie. Nous voyons les défauts de nos semblables avec une complaisance mêlée de mépris, lorsque ces défauts ne sont ni assez affligeants pour exciter la compassion, ni assez revoltants pour donner de la haine, ni assez dangereux pour inspirer de l'effroi. Ces. images nous font sourire, si elles sont peintes avec finesse; elles nous font rire, si les traits de cette maligne joie, aussi frappants qu'inattendus, sont aiguisés par la surprise. De cette disposition à saisir le ridicule, la comédie tire sa force et ses moyens. Il eût été sans doute plus avantageux de changer en nous cette complaisance vicieuse en une pitié philosophique; mais on a trouvé

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