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d'esprit et d'expression aussi naturel, aussi noble, aussi sérieux qu'un autre, et convient à tous les sujets.

Quoi de plus noble et de plus naturel que cet éloge de Roscius dans la bouche de Cicéron? Il est si excellent acteur, que vous diriez qu'il est le seul qui ait dû monter sur le théâtre ; il est si honnéte homme, que vous diriez qu'il n'y aurait jamais du monter.

La plupart des grandes pensées prennent le tour de l'antithèse, soit pour marquer plus vivement les rapports de différence et d'opposition, soit pour rapprocher les extrêmes.

Caton disait : J'aime mieux ceux qui rougissent que ceux qui pálissent : cette sentence profonde serait certainement placée dans le discours le plus éloquent. Écoulez, vous autres jeunes gens, disait Auguste, un vieillard que les vieillards ont bien voulu écouter quand il était jeune : cette antithèse manquerait-elle de gravité dans la bouche même de Nestor? Et cette pensée si juste et si morale, La jeunesse vit d'espérance, la vieillesse vit de souvenir; et ce mot d'Agésilas, tant de fois répété, Ce ne sont pas les places qui honorent les hommes, mais les hommes qui honorent les places; et celui de Dion à Denys, qui parlait mal de Gelon, Respectez la mémoire de ce grand prince: nous nous sommes fiés à vous à cause de lui; mais à cause de vous, nous ne nous fierons à personne; et ce mot d'Agis, en parlant de ses

કર્યું.

envieux, Ils auront à souffrir des maux qui leur arrivent, et des biens qui m'arriveront; et celui d'Henri IV à un ambassadeur d'Espagne, Monsieur l'ambassadeur, voilà Biron, je le présente volontiers à mes amis et à mes ennemis ; et celui ; de Voiture, C'est le destin de la France de gagner des batailles et de perdre des armées: seraient-ils indignes de la majesté de la tribune ou du théâtre?

Le moins maniéré, le plus simple des écrivains de l'antiquité, Plutarque, dans ses parallèles, emploie fréquemment l'antithèse. Thémistocle, dit-il, fut banni après avoir sauvé sa patrie; Camille sauva sa patrie après avoir été banni. Camille est le plus grand des Romains avant son exil; et après son exil, il est supérieur à lui-même. Y a-t-il rien de moins recherché et de plus naturel que cette opposition?

L'abbé Mallet renvoie l'antithèse aux harangues, aux oraisons funèbres, aux discours académiques; comme si l'antithèse n'était jamais qu'un ornement frivole; et comme si, dans une oraison funèbre, dans une harangue, dans un discours académique, le faux bel-esprit n'était pas aussi déplacé que partout ailleurs. L'affectation n'est bonne que dans la bouche d'un pédant, d'une précieuse ou d'un fat.

L'antithèse est souvent un trait de délicatesse ou de finesse épigrammatique. Cette réponse d'un homme à sa maîtresse, qui faisait semblant d'être.

jalouse d'une honnête femme, Aimable vice, respectez la vertu; et celle de Phocion à Démades. qui lui disait, Les Athéniens te tueront s'ils entrent en fureur. Et toi, s'ils rentrent dans leur bon sens ; et ce mot d'Hamilton, Dans ce tempsla, de grands hommes commandaient de petites armées, et ces armées faisaient de grandes choses; sont des exemples de ce genre.

Mais souvent aussi l'antithèse prend le ton le plus haut; et l'éloquence, la poésie héroïque, la tragédie elle-même, peuvent l'admettre sans s'avilir.

Ce vers de Racine, imité de Sapho,

Je sentis tout mon corps et transir et brûler;

ce vers de Corneille,

Et monté sur le faîte, il aspire à descendre;

ce vers de la Henriade,

Triste amante des morts, elle hait les vivants;

ce vers de Crébillon,

La crainte fit les dieux, l'audace a fait les rois ;

ces paroles de Junon dans l'Énéide,

Flectere si nequeo Superos, Acheronta movebo (1);

(1) « Si je ne puis fléchir les dieux du ciel, je soulèverai ceux des enfers. »

et ce présage du destin de Rome,

Imperium terris, animos æquabit Olympo (1);

et cette réponse de Médée,

Servare potui; perdere an possim rogas (2)?

et ces mots de Sénèque, en parlant de l'Être suprême et de ses immuables lois, Semper paret, semel jussit (3), ne sont-ils pas du style le plus grave? Ces mots d'Alexandre, Malo me fortunæ poeniteat, quam victoria pudeat (4); et ce trait du caractère de César, Meruitque timeri nil metuens (5); et cette conclusion de l'apologie de Socrate, en parlant à ses juges, Il est temps de nous en aller, moi pour mourir, et vous pour vivre: n'est-ce que du faux bel-esprit ?

Il en est de l'antithèse comme de toutes les figures de rhétorique ; lorsque la circonstance les amène et que le sentiment les place, elles donnent au style plus de grâce et plus de beauté. Il faut prendre garde seulement que l'esprit ne se fasse pas une habitude de certains tours de pen

(1) « Son empire embrassera la terre; son génie atteindra les cieux. >>

(2) « J'ai pu le sauver; et tu demandes si je puis le perdre ? >>

(3) « Il a commandé une fois; il ne fait plus qu'obéir. » (4) « J'aime mieux avoir à me plaindre de ma fortune, que d'avoir à rougir de ma victoire. >>

(5) « Inaccessible à la crainte, il mérita de l'inspirer. ».

sée et d'expression, qui, trop fréquents, cesseraient d'être naturels. C'est ainsi que l'antithèse, trop familière à Pline le jeune et à Fléchier, paraît, dans leur éloquence, une figure étudiée, quoique peut-être elle leur soit venue sans étude et sans réflexion.

APOSTROPHE. Rien de plus commun, dans les livres que l'on nous donne pour classiques, que le manque d'exactitude dans les définitions et de justesse dans les exemples. Longin, en citant de Démosthène un mouvement oratoire vraiment sublime, a dit : Par cette forme de serment, que j'appellerai ici apostrophe, il défie, etc. Longin ne pensait pas alors à définir rigoureusement l'apostrophe: le sublime était son objet. Il ne fallait donc pas, sur la foi de Longin, donner pour apostrophe ce qui n'en est pas une. Et qui ne sait pas que cette figure ou ce mouvement oratoire consiste à détourner tout à coup la parole, et à l'adresser, non plus à l'auditoire ou à l'interlocuteur, mais aux absents, aux morts, aux êtres invisibles ou inanimés, et le plus souvent à quelqu'un, ou à quelques-uns des assistants? Or dans le serment de Démosthène il n'y a rien de détourné : il s'adresse aux Athéniens.

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Non, non, leur dit-il; en vous chargeant du péril (de la guerre contre Philippe) pour la liberté universelle et pour le salut commun, vous

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