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la scène du Qu'il mourut, jusqu'à la mort de Camille. Mais le moyen d'exprimer par le geste les mouvements de l'ame du vieil Horace et de sa fille? La pantomime est un canevas que chaque spectateur remplit dans sa pensée. Or, quand le parterre serait plein d'hommes de génie, et d'un génie égal à celui de Corneille, ils seraient encore loin de suppléer à la méditation du poète dans le silence du cabinet. Il en est de même de la comédie. Que serait-ce que l'action muette du Misanthrope, et même du Tartufe? On exprimerait dans l'Avare l'enlèvement de la cassette et le désespoir d'Harpagon; mais sa scène avec Euphrosine, mais ses perplexités sur le dîner qu'il doit donner à Marianne, mais l'artifice qu'il emploie pour tirer de son fils l'aveu de son amour, mais leur rencontre chez l'usurier; sont-ce là des jeux de théâtre? et cependant c'est de l'action. Rien de plus mouvant sur la scène que le comique espagnol et italien; Molière y renonça dès qu'il se sentit du génie. Il reconnut que l'action comique tirait sa force et sa beauté des mœurs; et que, pour faire rire les honnêtes gens, c'était à l'esprit qu'il devait s'adresser, moins par les yeux que par l'oreille.

Le but de l'action dramatique, son utilité, son attrait, son intérêt durable, est de corriger les mœurs par l'imitation des mœurs; c'est là le grand fruit du spectacle; et sans cela le plaisir qu'on y éprouve serait puéril et momentané.

La belle contexture de l'action dramatique est donc un enchaînement de situations, qui donne lieu à mettre en évidence ou le danger de nos passions, ou le ridicule de nos faiblesses, de nos travers et de nos vices. Or, tout cela demande des développements que le geste n'exprime point. Qu'on se rappelle les plus belles scènes de l'un et de l'autre théâtre : c'est l'éloquence qui en fait le prix; et c'est la situation morale qui est la source de l'éloquence. C'est ce que ne sentait pas celui qui, après la déclaration de Phèdre à Hippolyte, disait à son voisin : Voilà bien des roles perdues. Ce mot renferme tout le système de ceux qui mettent la pantomime à la place de l'éloquence des passions. Ils ont choisi le genre qui leur était le plus commode; car il en est de l'art dramatique comme de l'art oratoire; où domine la pantomime, dit Aristote, l'élocution demande peu de soin. Mais avec ce talent de parler aux yeux, on peut être encore un médiocre orateur et un mauvais poète.

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Je ne dis pas que la même action ne puisse en même temps parler aux yeux et à l'esprit : si elle réunit ces deux moyens, l'impression n'en est que plus vive; et c'est peut-être un avantage qu'on a trop souvent négligé. Mais je dis que jeu de théâtre est, comme la parole, une façon de s'exprimer; que l'un rend ce que l'action a de plus matériel, de plus commun et de plus vague; l'autre, ce qu'elle a de plus spirituel, de

plus noble, de plus exquis; que ni l'un ni l'autre de ces deux signes ne doit être pris pour la chose, c'est-à-dire, pour l'action même ; et que, s'il faut choisir, ou d'un spectacle plus intéressant à la vue qu'à la pensée, ou d'un spectacle plus intéressant à la pensée qu'à la vue, il n'y a point à balancer. Le premier aura son succès, mais le succès de la pantomime, après laquelle il ne reste rien. Ainsi celui qui, après avoir rempli un canevas de pantomime, nous dira que sa pièce est faite pour être jouée et non pour être lue, se placera lui-même dans le nombre des compositeurs de ballets.

Le spectacle n'est qu'un moyen de l'éloquence poétique; et quoique son objet immédiat soit d'amuser, de plaire, d'émouvoir, ce n'est point encore là sa fin ultérieure; cette fin est de renvoyer le spectateur plus éclairé, plus sage, meilleur, s'il est possible, au moins plus riche de pensées et de sentiments vertueux.

Le plaisir d'être ému ou réjoui, n'est que le miel dont on arrose le bord du vase où est contenue la liqueur salutaire. Un peuple enfant suce le miel, et s'en tient là. Un peuple raisonnable veut autre chose qu'un amusement stérile et frivole. L'un va rire à une mauvaise farce, ou s'attendrir à un mauvais drame; l'autre veut dans le ridicule une instruction qui l'avertisse, une leçon qui le corrige, au moins une peinture ingénieuse et vraie, qui, en flattant sa malignité, 10

Élém. de Littér. I.

aiguise son esprit et perfectionne sa raison. Il veut de même dans le pathétique un spectacle qui laisse des impressions utiles; qui lui élève l'esprit et l'ame; qui l'occupe long-temps après, de souvenirs intéressants, de réflexions sages, ou de grandes idées; en un mot, qui l'instruise en même temps qu'il l'attendrit.

AFFECTATION. Manière trop étudiée, trop recherchée de s'exprimer; vice ordinaire aux gens qu'on appelle beaux parleurs.

L'affectation est dans la pensée, dans l'expression, dans le choix des mots, des tours, ou des images. Quand on a l'idée de l'affectation dans la contenance, dans la démarche, dans la démarche, dans la parure,

on a l'idée de l'affectation dans le style.

L'affectation est quelquefois jusque dans le soin trop marqué d'être naturel, dans la familiarité, dans la négligence.

L'affectation de Pline, de Voiture, de Balzac, de Le Maître, de Fontenelle, de La Motte, n'est pas la même.

Voiture, en parlant d'une expression recherchée de Pline le jeune, «Ne m'avouerez-vous pas, dit-il, que cela est d'un petit esprit, de refuser un mot qui se présente et qui est le meilleur, pour en aller chercher avec soin un moins bon et plus éloigné? >>

Cette critique semble annoncer l'homme du

monde le plus naturel dans sa façon de penser et d'écrire. C'est pourtant ce même Voiture qui, écrivant à mademoiselle Paulet qu'il s'est embar

qué sur un navire chargé de sucre, lui dit que, s'il vient à bon port, il arrivera confit, et que, si d'aventure il fait naufrage, il aura du moins la consolation de mourir en eau douce. Le maréchal de Vivonne disait à son cheval, au passage du Rhin Jean le Blanc, ne souffrez pas qu'un général des galères soit noyé dans l'eau douce; mais ceci est de meilleur goût.

C'est ce même Voiture qui ecrit à une femme : Je crois que vous savez la source du Nil; et celle d'où vous tirez toutes les choses que vous dites, est beaucoup plus cachée et plus inconnue.

C'est lui qui dit de Balzac : Il a inventé un potage que j'estime plus que le panégyrique de Pline, et que la plus longue harangue d'Iso

crate,

C'est lui qui, félicitant Godeau, des fleurs qui naissent dans son esprit, lui dit qu'il en a reçu un bouquet sur des bords où il ne croit pas un brin d'herbe. Et il ajoute : L'Afrique ne m'a rien fait voir de plus nouveau que vos ouvrages: en les lisant à l'ombre de ses palmes, je vous les ai toutes souhaitées, et en même temps que je me considérais avoir été plus avant qu'Hercule, je me suis vu bien loin derrière vous.

C'est ce même Voiture qui écrivait à Costar, qu'il voulait s'abstenir de recevoir de ses lettres,

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