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une secte parmi les chrétiens dont les Pères n'aient jamais eu de connoissance. Nous avons dans les conciles tenus dans la communion de l'Eglise romaine, des anathêmes prononcés contre une infinité de sectes diverses; nous avons des catalogues des hérésies dressés par saint Epiphane, parsaint Augustin, et par plusieurs autres auteurs ecclésiatiques. Les sectes les plus obscures et les moins suivies; celles qui ont paru dans un coin du monde, comme celles de certaines femmes qu'on appeloit Collyridiennes, qui n'étoient que je ne sais où dans l'Arabie; celle des Tertullianistes ou des Abéliens, qui n'étoit que dans Carthage, ou dans quelques villages autour d'Hippone, et plusieurs autres aussi cachées, ne leur ont pas été inconnues (1). Le zèle des pasteurs, qui travailloient à ramener les brebis égarées, découvroit tout pour tout sauver : il n'y a que ces séparés pour les biens ecclésiastiques, que personne n'a jamais connus. Plus modérés que les Athanases, que les Basiles, que les Ambroises et que tous les autres docteurs; plus sages que tous les conciles, qui sans rejeter les biens donnés aux Eglises, se contentoient de faire des règles pour les bien administrer, ils ont encore si bien fait qu'ils ont échappé à leur connoissance. Que les premiers Vaudois l'aient osé dire, c'est une impudence extrême; mais de faire remonter avec Bèze cette secte inconnue à tous les siècles jusqu'à l'an 120 de notre Seigneur,

(1) Epiph. Hær, 79. tom. 1, p. 1057. August. Hær. 86, 87.. tom. viii, col. 24, 25. Tertul. de Prescrip.

c'est se donner des ancêtres et une suite d'Eglise par une illusion trop grossière.

:

Les Réformés affligés de leur nouveauté, qu'on ne cessoit de leur reprocher, avoient besoin de cette foible consolation. Mais pour en tirer du secours, il a fallu encore employer d'autres artifices il a fallu cacher avec soin le vrai état de ces Albigeois et de ces Vaudois. On n'en a fait qu'une secte, quoique c'en soient deux très-différentes; de peur que les Réformés ne vissent parmi leurs ancêtres une trop manifeste contrariété. On a, sur toutes choses, caché leur abominable doctrine: on a dissimulé que ces Albigeois étoient de parfaits Manichéens, aussi bien que Pierre de Bruis et son disciple Henri. On a tu que ces Vaudois s'étoient séparés de l'Eglise sur des fondemens détestés par la nouvelle Réforme, aussi bien que par l'Eglise romaine. On a usé d'une pareille dissimulation à l'égard de ces Vaudois de Pologne, qui n'avoient que le nom de Vaudois; et on a caché au peuple que leur doctrine n'étoit ni celle des anciens Vaudois, ni celle des Calvinistes, ni celle des Luthériens. L'histoire que je vais donner de ces trois sectes, quoiqu'elle soit abrégée, ne laisse pas d'être soutenue par assez de preuves, pour faire honte aux Calvinistes des ancêtres qu'ils se sont donnés.

VI. Dessein de ce livre x1,

et ce qu'on y doit démon

trer.

VII.

Manichéens,

HISTOIRE DES NOUVEAUX MANICHÉENS,

APPELÉS LES HÉBÉTIQUES DE TOULOUSE ET D'ALBI.

Pour en entendre la suite, il ne faut pas ignoErreurs des rer tout à fait ce que c'étoit que les Manichéens. qui sont les Toute leur théologie rouloit sur la question de anteurs des l'origine du mal: ils en voyoient dans le monde, Albigeois.

et ils en vouloient trouver le principe. Dieu ne le pouvoit pas être, parce qu'il étoit infiniment bon. Il falloit donc, disoient-ils, reconnoître un autre principe, qui, étant mauvais par sa nature, fût la cause et l'origine du mal. Voilà donc la source de l'erreur. Deux premiers principes, l'un du bien, l'autre du mal; ennemis par conséquent et de nature contraire, s'étant combattus et mêlés dans le combat, avoient répandu l'un le bien, l'autre le mal dans le monde; l'un la lumière, l'autre les ténèbres, et ainsi du reste; car je n'ai pas besoin de raconter ici toutes les extravagances impies de cette abominable secte. Elle étoit venue du paganisme, et on en voit des principes jusque dans Platon. Elle régnoit parmi les Perses. Plutarque nous a rapporté les noms qu'ils donnoient au bon et au mauvais principe. Manès, Perse de nation, tâcha d'introduire ce prodige dans la religion chrétienne sous l'empire d'Aurélien, c'est-à-dire, vers la fin du troisième siècle. Marcion avoit déjà commencé quelques

années auparavant, et sa secte divisée en plusieurs branches avoit préparé la voie aux impiétés et aux rêveries que Manès y ajouta.

VIII.

Conséquen

ces du faux

Au reste, les conséquences que ces hérétiques tiroient de cette doctrine n'étoient pas moins absurdes ni moins impies. L'ancien Testament principe des avec ses rigueurs n'étoit qu'une fable, ou en tout Manichéens. cas l'ouvrage du mauvais principe; le mystère de l'incarnation, une illusion; et la chair de Jésus-Christ, un fantôme: car la chair étant l'œuvre du mauvais principe, Jésus-Christ, qui étoit le Fils du bon Dieu, ne pouvoit pas l'avoir prise en vérité. Comme nos corps venoient du mauvais principe, et que nos ames venoient du bon, ou plutôt qu'elles en étoient la substance même, il n'étoit pas permis d'avoir des enfans, ni de lier la substance du bon principe avec celle du mauvais de sorte que le mariage, ou plutôt la génération des enfans étoit défendue. La chair des animaux, et tout ce qui en sort, comme les laitages, étoient aussi l'ouvrage du mauvais ; le vin étoit au même rang: tout cela étoit impur de sa nature, et l'usage en étoit criminel. Voilà donc manifestement ces hommes trompés par les démons dont parle saint Paul, qui devoient dans les derniers temps...... défendre le mariage, el rejeter comme immondes les viandes que Dieu avoit créées (1).

IX.

Les Mani

chéens tà.

Ces malheureux, qui ne cherchoient qu'à tromper le monde par des apparences, tâchoient de s'autoriser par l'exemple de l'Eglise catho- choient de (1) I. Tim. IV. 1, 3.

ques de l'E

s'autoriser lique, où le nombre de ceux qui s'interdisoient par les prati- l'usage du mariage par la profession de la conglise. tinence étoit très - grand, et où l'on s'abstenoit de certaines viandes, ou toujours, comme faisoient plusieurs solitaires, à l'exemple de Daniel (1), ou en certains temps, comme dans le temps de carême. Mais les saints Pères répondoient qu'il y avoit grande différence entre ceux qui condamnoient la génération des enfans, comme faisoient formellement les Manichéens (2), et ceux qui lui préféroient la continence avec l'apôtre et avec Jésus-Christ même (3), et qui ne se croyoient pas permis de reculer en arrière (4), après avoir fait profession d'une vie plus parfaite. C'étoit aussi autre chose de s'abstenir de certaines viandes, ou pour signifier quelque mystère, comme dans l'ancien Testament, ou pour mortifier les sens, comme on le continuoit encore dans le nouveau : autre chose de les condamner avec les Manichéens, comme impures, comme mauvaises; comme étant l'ouvrage non de Dieu, mais du mauvais. Et les Pères remarquoient que l'apôtre attaquoit expressément ce dernier sens, qui étoit celui des Manichéens, par ces paroles, Toute créature de Dieu est bonne (5); et encore par celle-ci, Il ne faut rien rejeter de ce que Dieu a créé; et de là ils concluoient qu'il ne falloit pas s'étonner que le Saint-Esprit eût averti de si loin les fidèles d'une

(1) Dan. 1. 8, 12. — (2) August. cont. Faust. Manich. lib. xxx. cap. 3, 4, 5, 6; tom. viu, col. 445, et seq. (3) I. Cor. vi. 26, 32, 34, 38. Matt. xix. 12. — ·(4) Luc. 1x. 62.

(5) I. Tim. xv.

4.

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