Obrazy na stronie
PDF
ePub

Cependant il faut avouer que la raison qu'apporte M. Jurieu pour tout déférer aux princes est convaincante, puisqu'en effet, comme il vient de dire, toute la Réforme s'est faite par leur au`torité. C'est ce que nous avons montré par toute la suite de cette histoire : mais enfin on ne pourra plus disputer ce fait, si honteux à nos Réformés, M. Jurieu le reconnoît en termes exprès; et il ne faut plus s'étonner qu'on accorde aux princes l'autorité de juger souverainement d'une Réforme qu'ils ont faite.

C'est pourquoi le ministre a mis pour fondement de l'accord, «< qu'avant toute conférence et toute » dispute, les théologiens des deux partis feront >> serment d'obéir aux jugemens des délégués des

princes, et de ne rien faire contre l'accord »>, Ce sont les princes et leurs délégués qui sont devenus infaillibles: on jure par avance de leur obéir, quoi qu'ils ordonnent il faudra croire essentiel ou indifférent, tolérable ou intolérable dans la religion ce qu'il leur plaira; et le fond du christianisme sera décidé par la politique.

On ne sait plus en quel pays on est, ni si c'est des chrétiens qu'on entend parler, quand on voit le fond de la religion remis à l'autorité temporelle, et les princes en devenir les arbitres. Mais

ce n'est pas tout il faudra enfin convenir d'une

:

Confession de foi; et ce devoit être le grand embarras mais l'expédient est facile. On en fera une en termes si vagues et si généraux, que tout le monde en sera content (1): chacun dissimulera (1) Jur. ibid. cap. 11, 245 et seq. cap. 12, 261,

X.

Les Calvi

nistes prêts à souscrire à la Confession d'Ausbourg.

ce qui déplaira à son compagnon : le silence est un remède à tous maux: on se croira les uns les autres tout ce qu'on vaudra dans son cœur, Pélagiens, Eutychiens, Manichéens; pourvu qu'on n'en dise mot, tout ira bien, et Jésus-Christ ne manquera pas de réputer les uns et les autres pour des chrétiens bien unis. Ne disons rien : déplorons l'aveuglement de nos frères, et prions Dieu que l'excès de l'égarement leur fasse enfin ouvrir les yeux à leur erreur.

En voici le comble. Nous avons vu ce que Zuingle et les Zuingliens, Calvin et les Calvinistes ont cru de la Confession d'Ausbourg; comment dès son origine ils refusèrent de la souscrire, et se séparèrent de ses défenseurs; comment dans toute la suite ceux de France, en la recevant dans tout le reste, ont toujours excepté l'article x où il est parlé de la Cène (1). On a vu entre autres choses ce qui en fut dit au colloque de Poissy (2); et on n'a pas oublié ce que Calvin écrivoit alors tant de la mollesse que de la brieveté obscure et défectueuse de cette Confession: ce qui faisoit, dit-il, « qu'elle déplaisoit aux gens » de bon sens, et même que Melancton son au>>teur s'étoit souvent repenti de l'avoir dressée » : mais maintenant, que ne peut point l'aveugle désir de s'unir aux Luthériens? on est prêt à souscrire à cette Confession; car on sent bien que les Luthériens ne s'en départiront jamais. Hé bien, dit notre ministre (3), « Ne faut-il que la

(1) Liv. n1, n. 3; liv. 1x, n. 88, 89, 100 et suiv. n. 107. (3) Ibid. ch. 13, p. 278.

[ocr errors]

(2) Ibid.

>> souscrire ? L'affaire est faite nous sommes » prêts à la souscription, pourvu que vous vou>> liez nous recevoir ». Ainsi cette Confession, si constamment rejetée depuis cent cinquante ans, tout-à-coup, sans y rien changer, deviendra la règle commune des Calvinistes, comme elle l'est des Luthériens; à condition que chacun aura son intelligence, et y trouvera ce qu'il a dans l'esprit. Je laisse au lecteur à décider lesquels paroissent ici le plus à plaindre, ou des Calvinistes qui tournent à tout vent, ou des Luthériens dont on ne souscrit la Confession que dans l'espérance qu'on a d'y trouver ses fantaisies à la faveur des équivoques dont on l'accuse. Chacun voit combien seroit vaine, pour ne rien dire de pis, la réunion qu'on propose : ce qu'elle auroit de plus réel, c'est enfin, comme le dit M. Jurieu (1), qu'on pourroit faire une bonne ligue, et que le parti protestant feroit trembler les papistes ». Voilà ce qu'espéreroit M. Jurieu; et sa négociation lui paroîtroit assez heureuse, si au défaut d'un accord sincère des esprits, elle pouvoit les unir assez pour mettre en feu toute l'Europe: mais par bonheur pour la chrétienté les ligues ne se font pas au gré des docteurs.

[ocr errors]
[ocr errors]

XI.

Merveilleux

Dans cette admirable négociation il n'y a rien de plus surprenant que les adresses dont s'est motifs d'uservi M. Jurieu pour fléchir la dureté des Luthé- nion proporiens. Quoi! dit-il, serez-vous toujours insensés aux Lusibles à la complaisance que nous avons eue de vous passer la présence corporelle ? « Outre (1) Jur. ibid. p. 262.

thériens.

» toutes les absurdités philosophiques qu'il nous » a fallu digérer, combien périlleuses sont les » conséquences de ce dogme (1) » ! Ceux - là le savent, poursuit-il, qui ont à soutenir en France ce reproche continuel : « Pourquoi rejeter les >> Catholiques, après avoir reçu les Luthériens? » Nos gens répondent : Les Luthériens n'ôtent » pas la substance du pain; ils n'adorent pas » l'Eucharistie; ils ne l'offrent pas en sacrifice; » ils n'en retranchent pas une partie : tant pis » pour eux, nous dit-on, c'est en cela qu'ils rai» sonnent mal, et ne suivent pas leurs principes. » Car si le corps de Jésus-Christ est réellement » et charnellement présent, il faut l'adorer : s'il » est présent, il faut l'offrir à son Père: s'il est » présent, Jésus-Christ est tout entier sous chaque » espèce. Ne dites pas que vous niez ces consé» quences; car enfin elles coulent mieux et plus >> naturellement de votre dogme que celles que >> vous nous imputez. Il est certain que votre doc» trine sur la Cène a été le commencement de » l'erreur le changement de substance a été » fondé là-dessus : c'est sur cela qu'on a com» mandé l'adoration; et il n'est pas aisé de s'en » défendre la raison humaine va là, qu'il faut » adorer Jésus-Christ partout où il est. Ce n'est » pas que cette raison soit toujours bonne; car » Dieu est bien dans le bois et dans une pierre, » sans qu'il faille adorer la pierre ou le bois ; » mais enfin l'esprit va là par son propre poids », et aussi naturellement que les élémens à leur (1) Jur. ibid. p. 240.

:

:

[ocr errors]

>>

centre il faut un grand effort pour l'empêcher de tomber dans ce précipice: ( ce précipice c'est d'adorer Jésus-Christ où il est) « et je ne doute » nullement, poursuit notre auteur, que les simples n'y retombassent parmi vous, s'ils n'en » étoient empêchés par les disputes continuelles » avec les papistes ». Ouvrez les yeux, ô Lutheriens, et permettez que les Catholiques à leur tour vous parlent ainsi! Nous ne vous proposons pas d'adorer du bois ou de la pierre à cause que Dieu y est: nous vous proposons d'adorer JésusChrist où vous avouez qu'il se rencontre par une présence si spéciale attestée par un témoignage si particulier et si divin: la raison va là naturellement; l'esprit y est porté par son propre poids. Les gens simples et qui ne sont pas contentieux, suivroient une pente si naturelle, si des disputes continuelles ne les retenoient; et ce n'est que par un esprit de contention qu'on s'empêche d'adorer Jésus-Christ où on le croit si présent.

XII.

Les deux

partis irré

Telles sont les conditions de l'accord qui se traite aujourd'hui entre les Luthériens et les Calvinistes; tels sont les moyens qu'on a pour y par- conciliables venir; et telles sont les raisons dont on se sert

dans le fond, selon le mi

pour persuader et attendrir les Luthériens. Et que nistreJurieu. ces Messieurs n'aillent pas penser que nous en parlions comme nous faisons par quelque crainte que nous ayons de leur accord, qui après tout ne sera jamais qu'une grimace et une cabale; car enfin se persuader les uns les autres est une chose jugée impossible, même par M. Jurieu. « Jamais,

« PoprzedniaDalej »