des préten ties. ger le temps ce temps finira bientôt : c'est ce que notre auteur dues prophé- témoigne ouvertement; car depuis les dernières affaires de France, « l'ame abîmée, dit-il (1), >> dans la plus profonde douleur que j'aie jamais » ressentie, j'ai voulu pour ma consolation trouver » des fondemens d'espérer une prompte déli» vrance pour l'Eglise ». Occupé de ce dessein il va chercher « dans la source même des oracles » sacrés, pour voir, dit-il (2), si le Saint-Esprit >> ne m'apprendroit point, DE LA RUINE PRO>> CHAINE de l'empire antichrétien, quelque chose » de plus sûr et de plus précis que ce que les autres » interprètes y avoient découvert ». XIII. Cet auteur avoue sa préyention. XIV. Il abandonne ses guides, et pourquoi. On trouve ordinairement bien ou mal tout ce qu'on veut dans des prophéties, c'est-à-dire, dans des lieux obscurs, et dans des énigmes', quand on y apporte de violentes préventions. L'auteur nous avoue les siennes : « Je veux, >> dit-il (3), avouer de bonne foi que j'ai abordé >> ces divins oracles plein de mes préjugés, et » tout disposé à croire que nous étions près de la >> fin du règne et de l'empire de l'Antechrist ». Comme il se confesse prévenu lui-même, il veut aussi qu'on le lise avec de favorables préventions: alors il ne croit pas qu'on puissé s'éloigner de ses pensées (4): tout passera aisément avec ce se cours. Le voilà donc bien convaincu, de son propre avéu, d'avoir apporté à la lecture des livres divins non pas un esprit dégagé, de ses préjugés, et par-là prêt à recevoir toutes les impressions de (1) Avis, p. 4. — (2) Ibid. 7, 8. — (3) Ibid. p. 8. — (4) Pag. 53. la divine lumière; mais au contraire un esprit XV. Impossibi Réforme Mais enfin, malgré qu'il en ait, il faut trouver douze cent soixante ans de persécution bien com lité de placer ptés. Pour en trouver bientôt la fin, il en faut les douze placer de bonne heure le commencement. La cent soixante ans que la plupart des Calvinistes avoient commencé ce compte lorsqu'on avoit selon eux commencé à veut donner à la persécudire la messe, et à adorer l'Eucharistie; car c'étion de l'Antoit là le dieu Maozim, que l'Antechrist devoit techrist. adorer, selon Daniel (2). Entre autres belles allégories, il y avoit un rapport confus entre Maozin et la messe. Crespin étale ce conte dans son Histoire des Martyrs (3); et tout le parti est ravi de cette invention. Mais quoi! mettre l'adoration de (1) Acc. II. part. ch. 1v, p. 60. — (2) Dan. x1. 38. (3) Hist. des mart. par Cresp. l. 1. XVI. Nouvelle christ par ce l'Eucharistie dans les premiers siècles, c'est trop tôt dans le dixième, ou dans l'onzième, sous Bérenger, cela se peut la Réforme ne se soucie guère de ces siècles-là : mais enfin, à commencer douze cent soixante ans entiers au dixième ou onzième siècle, il y avoit encore six cent soixante ans au moins de mauvais temps à essuyer: notre auteur en est rebuté, et son esprit lui serviroit de bien peu, s'il ne lui fournissoit quelque expédient plus favorable. Jusqu'ici dans le parti on avoit respecté saint date donnée Grégoire. A la vérité on y trouvoit bien des à la naissan- messes, même pour les morts, bien des invocations ce de l'Ante- de saints, bien des reliques; et, ce qui est bien ministre fâcheux à la Réforme, une grande persuasion de dans ses Pré- l'autorité de son siége. Mais enfin sa sainte docjugés. trine et sa sainte vie imprimoient du respect. Luther et Calvin l'avoient appelé le dernier évêque de Rome après ce n'étoit que papes et antechrists: mais pour lui, il n'y avoit pas moyen de le mettre dans ce rang. Notre auteur a été plus hardi; et dans ses Préjugés légitimes (car il commençoit dès-lors à être inspiré pour l'interprétation de l'Apocalypse) après avoir souvent décidé, avec tous ses interprètes, que l'Antechrist commenceroit avec la ruine de l'Empire romain, il déclare que cet Empire a cessé quand Rome a cessé d'être la capitale des provinces, quand cet Empire fut démembré en dix parties; ce qui arriva à la fin du cinquième siècle, et au commencement du sixième (1). C'est ce qu'il répète (1) Prej. leg. I. part. p. 82. >> quatre ou cinq fois, afin qu'on n'en doute pas; et enfin il conclut ainsi : « Il est donc certain » qu'au commencement du sixième siècle les corruptions de l'Eglise étoient assez grandes, et l'orgueil de l'évêque de Rome étoit déjà monté » assez haut, pour que l'on puisse marquer DANS » CET ENDROIT la première naissance de l'empire » antichrétien ». Et encore : « On peut bien >> compter pour la naissance de l'empire anti>> chrétien un temps dans lequel on voyoit déjà » tous les germes de la corruption et de la tyran>>nie future ()». Et enfin : « ce démembrement » de l'Empire romain en dix parties arriva envi>> ron l'an 500, un peu avant la fin du cinquième » siècle, et dans le commencement du sixième (2) ». Il est donc clair que c'est de là qu'il faut commencer à compter les douze cent soixante ans assignés à la durée de l'empire du papisme. XVII. Les temps n'y cadrent de la sainteté des papes Par malheur on ne trouve pas l'Eglise romaine assez corrompue dans ce temps-là pour en faire une Eglise antichrétienne; car les papes de ces pas à cause temps-là ont été les plus zélés défenseurs du mystère de l'Incarnation et de la Rédemption du d'alors. genre humain, et tout ensemble des plus saints que l'Eglise ait eus. Il ne faut qu'entendre l'éloge que donne Denys le Petit (3), un homme si savant et si pieux, au pape saint Gélase, qui étoit assis dans la chaire de saint Pierre depuis l'an 492, jusqu'à l'an 496. On y verra que toute la vie de ce saint Pape étoit ou la lecture ou la prière: ses 85. (2) Ibid. 128. — (3) Præf. (1) Prej. leg. I. part. p. 83, Coll. decret. cod. hist. T. 1, p. 183. XVIII. jeûnes, sa pauvreté, et dans la pauvreté de sa vie son immense charité envers les pauvres, sa doctrine enfin, et sa vigilance qui lui faisoit regarder le moindre relâchement dans un pasteur comme un grand péril des ames, composoient en lui un évêque tel que saint Paul l'avoit décrit. Voilà le Pape que ce savant homme a vu dans la chaire de saint Pierre vers la fin du cinquième siècle, où l'on veut que l'Antechrist ait pris naissance. Encore cent ans après, saint Grégoire le Grand étoit assis dans cette chaire, et toute l'Eglise en Orient comme en Occident étoit remplie de la bonne odeur de ses vertus, parmi lesquelles éclatoient son humilité et son zèle. Néanmoins il étoit assis dans le siége qui commençoit à devenir le siége d'orgueil, et celui de la bête (1). Voilà de beaux commencemens pour l'Antechrist. Si ces papes avoient voulu être un peu plus méchans, et défendre avec un peu moins de zèle le mystère de Jésus-Christ et celui de la piété, le systême cadreroit mieux : mais tout s'accommode; l'Antechrist ne faisoit encore que de naître (2), et dans ses commencemens rien n'empêche qu'il ne fût saint, et très-zélé défenseur de Jésus-Christ et de son règne. Voilà ce que voyoit notre auteur au commencement de l'année 1685, et quand il composa ses Préjugés légitimes. Lorsqu'il eut vu sur la fin de la même année L'auteur la révocation de l'Edit de Nantes et toutes ses change, et veut avancer suites, ce grand événement lui fit changer ses la ruine de prophéties, et avancer le temps de la destruction l'Antechrist. (1) Prej. leg. I. part. p. 147. — (2) Ibid. 128. |