L'avare rarement finit ses jours sans pleurs: Pour ses parents, ou pour la terre. Mais que dire du troc que la Fortune fit? Se mit alors en l'esprit De voir un homme se pendre: Et celui qui se pendit S'y devoit le moins attendre. BERTRAN XVII. LE SINGE ET LE CHAT. ERTRAND avec Raton, l'un singe et l'autre chat, Commensaux d'un logis, avoient un commun maître, D'animaux malfaisants c'étoit un très bon plat. Ils n'y craignoient tous deux aucun, quel qu'il pât être. L'on ne s'en prenoit point aux gens du voisinage: Un jour, au coin du feu, nos deux' maîtres fripon Les escroquer étoit une très bonne affaire: Tire-moi ces marrons. Si Dieu m'avoit fait naître Propre à tirer marrons du feu, Certes, marrons verroient beau jeu. Écarte un peu la cendre, et retire les doigts; Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque; Une servante vient: adieu mes gens. Raton Aussi ne le sont pas la plupart de ces princes XVIII. LE MILAN ET LE ROSSIGNOL. APRÈS que le milan, manifeste voleur, Eut répandu l'alarme en tout le voisinage, Je vous raconterǝi Térée et son envie. = Qui Térée ? est-ce un mets propre pour les milans?= Je m'en vais vous en dire une chanson si belle Vraiment, nous voici bien! lorsque je suis à jeun, Tu me viens parler de musique!: J'en parle bien aux rois. = Quand un roi te prendra, Ventre affamé n'a point d'oreilles. XIX. LE BERGER ET SON TROUPEAU. Quoi! toujours il me manquera Quelqu'un de ce peuple imbécile ! Toujours le loup m'en gobera! J'aurai beau les compter! Ils étoient plus de mille, Et m'ont laissé ravir notre pauvre Robin! Robin mouton, qui, par la ville, Me suivoit pour un peu de pain, Et qui m'auroit suivi jusques au bout du monde ! Il harangua tout le troupeau, Les chefs, la multitude, et jusqu'au moindre agneau, Les conjurant de tenir ferme : Cela seul suffiroit pour écarter les loups. Foi de peuple d'honneur ils lui promirent tots Nous voulons, dirent-ils, étouffer le glouton La Fontaine. Fables. 22 Chacun en répond sur sa tête. Un loup parut, tout le troupeau s'enfuit. Haranguez de méchants soldats, Ils promettront de faire rage: Mais, au moindre danger, adieu tout leur courage; Votre exemple et vos cris ne les retiendront pas. FIN DU NEUVIÈME LIVRE. LIVRE DIXIÈME. FABLE I. LES DEUX RATS, LE RENARD, ET L'ŒUF. Discours à madame de la Sablière. IRIS, je vous loûrois ; il n'est que trop aisé : Mais vous avez cent fois notre encens refusé; Je ne les blâme point; je souffre cette humeur: Le nectar, que l'on sert au maître du tonnerre, Et dont nous enivrons tous les dieux de la terre, Où le hasard fournit cent matières diverses; La bagatelle a part : le monde n'en croit rien. La bagatelle, la science, Les chimères, le rien, tout est bon; je soutiens C'est un parterre où Flore épand ses biens; |