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IV

DE L'AUTORITÉ HISTORIQUE

DE FLAVIUS-JOSÈPHE

Qui renonce à sa patrie, perd le génie de l'histoire.

L'historien contemporain n'est pas plus digne de foi que l'homme qui écrit à distance du fait. Entre le mensonge de la passion et le mensonge de l'inexactitude, lequel choisirez-vous? Entre le mensonge par inté rêt et le mensonge par omission, quel est le plus dangereux?

Taire ou déguiser le motif des faits, mensonge historique.

Il manque à l'histoire ancienne un Tite-Live celtique, un Xenophon persan, un Thucydide carthaginois, un Tacite espagnol.

Si la cause des vaincus avait été plaidée comme celle des vainqueurs, l'histoire changerait de face.

Quiconque écrit sous les yeux d'un maître ou sous la terreur d'un parti mérite peu de croyance.

Dans telle situation donnée, tout historien ment.

On peut, comme Hérodote, être l'écho des fables antiques, et demeurer cependant fidèle à la vérité générale de l'histoire. On peut abuser du détail et circonstancier les faits, comme Josèphe, et falsifier l'histoire.

Οὕτως ἀταλαίπωρος τοῖς πολλοῖς ἡ ζήτησις τῆς ἀληθείας, καὶ ἐπὶ τὰ ἕτοιμα μᾶλλον τρέπονται. Θουκυδ. Ι. 20.

Tant la recherche du vrai inquiète peu la plupart des hommes; ils aiment mieux se tourner vers les idées qui sont à leur portée.

THUCYDIDE, Guerre du Péloponèse, t. I, § xx.

? Ter.

Flavius-Josèphe à Rome.

L'an de Rome 822 et de l'ère chrétienne 71, au jour fixé pour le triomphe de Vespasien et de Titus, vainqueurs de la Judée, « tous les habitants de Rome quittèrent leurs demeures. » Cette population « innombrable » avait occupé de bonne heure les avenues et les places, d'où, « même debout*, » elle espérait entrevoir les triomphateurs. C'était une grande joie pour le peu

1 A la fin du mois d'avril, selon Pagi, An. 71, § 6.

2 Οὐδεὶς οἴκοι καταλέλειπετο τοῦ ἀμέτρου πληθύος..... Guerre judaïque, par Flavius-Josèphe. L. VII, chap. v, § 3, p. 413. Ed. Havercamp.

3 Πάντες... προεληλυθότες. ld. ib.
4 Καὶ στῆναι μόνον... etc. Id. ib.

ple1, et les beaux jours de la patrie semblaient renaître. La nation la plus abhorrée et la plus dangereuse 2 était écrasée. La haine contre les Juifs, mélange singulier de mépris et de colère, irritée de leur résistance3, s'était accrue et enflammée par la connaissance plus exacte que l'on avait acquise de leurs rites hostiles au genre humain, peut-être aussi par cette rivalité d'héroïsme à laquelle Rome ne pardonnait pas. Un siècle plus tôt, le mépris l'emportait encore sur la colère. Cicéron avait insulté Pompée en lui donnant le sobriquet de Jérusalémite. Horace avait raillé le « crédule Apella»; et ce roi Hérode « plus clément envers ses pourceaux qu'envers ses fils », avait fourni un bon mot à l'empereur Auguste.

Ce peuple méprisé n'était cependant pas méprisable. Reconnaissant envers Pompée, soumis et obéissant à Vitellius, qui, tous deux, l'avaient ménagé, il se révolta sous les exactions et devint terrible sous les outrages. Il abattit à coups de hache l'aigle d'or que l'on voulait placer sur la porte du temple de Jéhovah. Il égorgea les soldats romains, lorsqu'un d'entre eux eut insulté, par un geste obscène, le culte du Dieu unique. On vit éclater toute la rage vengeresse du caractère oriental

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1 Δαιμόνιον τινα τὴν χαρὰν παρεῖχεν... etc. Id. ib.

-

2 Teterrima gens. Tacit. Hist., 1. V, chap. vIII. SUBLATIS POP. ROM. HOST. PERNICIOSISSIMIS. (Médaille. Tristan.)

3

quod soli Judæi non cessissent. Tacit., ib., chap. XIII.

4 Hostile odium. Id. ib.

5 Cic. ad Atticum. L. II, 1. 9, noster Hierosolymarius.

6 Credat Judæus Apella. Horat., Sat. I, v. 105.

7 Melius est, Herodis porcum esse, quam filium. Macrob. Saturn. II, chap. IV.

8 Проσипésтреε Thy opz... Guerre judaïque, par Josèphe. L. II,

ch. XII.

Ovμolè πixρótatov... etc. Dion. Cassius. XLIX, ch. xxi.

et judaïque. Il fallut tuer un million trois cent trentehuit mille quatre cent soixante Juifs, dévaster le pays, détruire le temple, abolir la nation, pour venir à bout de cette indomptable fureur. Encore ne réussit-on pas à en effacer la trace; ce qui restait de la nation juive, poursuivit, à travers les siècles, Rome de sa colère les rabbins ne l'appelèrent plus que l'empire scélérat2; Titus et Vespasien furent à jamais « les maudits ».

Le patriotisme judaïque était vaincu par la constance et la bravoure romaines. Moins disciplinė, plus farouche, et tombant d'une hauteur plus sublime que le patriotisme romain, il devait se perpétuer après sa défaite et survivre à la patrie avec une persévérance acharnée que les vainqueurs ne prévoyaient pas. L'allégresse régnait à Rome. Les chevaux qui portaient les deux triomphateurs avaient peine à fendre les flots du peuple". On voyait l'image de la Judée, une femme assise dans la poussière, sous un palmier, versant des larmes, la tête enveloppée de sa robe de deuil3. Plus loin, l'épée glorieuse des Machabées surmontait un trophée d'armes israélites, conquises pendant le siége de Jérusalem. Plus loin encore, les dépouilles du Temple, la Table d'or, le Chandelier aux sept branches; enfin, les Li

1 Selon le calcul de Basnage. Voy. Hist. des Juifs, t. I, 2e partie, p. 579.

2 Ahaboda Zara. « (Du culte étranger) »; Traité hébraïque. chap. intit. Liphne edehen (Avant leur malheur). ‹ L'empire scélérat tenait depuis cent quatre-vingts ans Israël en sa puissance. »

5 Titus le maudit, Vespasien le maudit, etc. Echa Rabati, ch. 1. Turen. (Livre de commentaires ou d'Echo sur les Thrén.) V. 5.

* Μόνον εἰς πάροδον ἀναγκαίαν καταλιπόντες. Guerre judaique, par Josèphe, 1. VII, ch. v, § 3.

5 JUDEA CAPTA. Médaille. Voy. Mionnet, Méd. rom., t. I, p. 154. 6 Josèphe, ib., § 5.

id. ib.

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