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férer le public à soi, non par espérance de quelque ↑ même, et accoutumé à se faire le centre de tout. intérêt, mais par le seul amour désintéressé de l'or- Cette pensée suffit seule pour faire frémir l'amourdre, qui est la beauté, la justice et la vertu même. propre, et pour révolter un orgueil secret et intime, C'était pour cette idée d'ordre et de justice qu'il fal- qui rapporte toujours insensiblement à soi la fin à lait mourir, c'est-à-dire, suivant les païens, perdre laquelle nous devons nous rapporter. Mais cette idée qui nous étonne est le fondement de toute amitout ce qu'on avait de réel, être réduit à une ombre vaine, et ne savoir pas même si cette ombre | tié et de toute justice. Nous ne pouvons ņi accorn'était pas une fable ridicule des poëtes. Les chré- der l'amour-propre avec cette idée, ni l'abandonner; tiens refuseront-ils de donner autant au Dieu infi- elle est ce qu'il y a de plus divin en nous. On ne peut niment parfait qu'ils connaissent, que ces païens point dire que cette pensée n'est qu'une imagination croyaient devoir donner à une idée abstraite et con- creuse. Quand les hommes inventent des chimères, luse de l'ordre, de la justice et de la vertu? ils les inventent à plaisir et pour se flatter. Rien n'est moins naturel à l'homme injuste, vain, enivré d'orgueil, que de penser ainsi contre son amourpropre. Non-seulement la pratique de cette pensée est un prodige de vertu au-dessus de l'homme, mais encore cette seule pensée est une merveille que nous devons être étonnés de trouver en nous. Ce ne peut être qu'un principe infiniment supérieur à nous qui ait pu nous enseigner à nous élever ainsi entièrement au-dessus de nous-mêmes. Qui est-ce qui peut avoir donné à l'homme malade d'un excès d'amour-propre et d'idolâtrie de soi-même, cette haute pensée de se compter pour rien, de devenir étranger à soi-même, et de ne s'aimer plus que par charité, comme le prochain? Qui est-ce qui peut lui avoir appris à être jaloux de lui-même contre lui-même, pour un autre objet invisible qui doit à jamais effacer le moi, et n'en laisser aucune trace? Cette seule idée rend l'homme divin; elle l'inspire, elle met l'infini en lui.

Platon dit souvent que l'amour du beau est tout le bien de l'homme, que l'homme ne peut être heureux en soi, et que ce qu'il y a de plus divin pour lui, c'est de sortir de soi par l'amour ; et en effet, le plaisir qu'on éprouve dans le transport des passions n'est qu'un effet de la pente de l'âme pour sortir de ses bornes étroites, et pour aimer hors d'elle le beau infini. Quand ce transport se termine au beau passager et trompeur qui reluit dans les créatures, c'est l'amour divin qui s'égare et qui est déplacé : c'est un trait divin en lui-même, mais qui porte à faux : ce qui est divin en soi devient illusion et folie quand il tombe sur une vaine image du bien parfait, telle que l'être créé, qui n'est qu'une ombre de l'Étre suprême; mais enfin cet amour qui préfère le parfait infini à soi est un mouvement divin et inspiré, comme parle Platon. Cette impression est donnée à l'homme dès son origine. Sa perfection est tellement de sortir de soi par l'amour, qu'il veut sans cesse persuader J'avoue que les païens, qui ont tant loué la vertu et aux autres et à soi-même qu'il aime sans retour désintéressée, la pratiquaient mal. Personne ne sur soi les amis auxquels il s'attache. Cette idée est croit plus que moi que tout amour sans grâce, et si forte, malgré l'amour-propre, qu'on aurait honte hors de Dieu, ne peut jamais être qu'un amourd'avouer qu'on n'aime personne, sans y mêler quel- propre déguisé. Il n'y a que l'Être infiniment parfait que motif intéressé. On ne déguise si subtilement qui puisse, comme objet par son infinie perfection, tous les motifs d'amour-propre dans les amitiés, que et comme cause par son infinie puissance, nous enpour s'épargner la honte de paraître se chercher lever hors de nous-mêmes, et nous faire préférer soi-même dans les autres. Rien n'est si odieux que ce qui n'est pas nous à notre propre être. Je concette idée d'un cœur toujours occupé de soi rien viens que l'amour-propre se glorifiait vainement des ne nous flatte tant que certaines actions généreuses apparences d'un pur amour chez les paiens; mais qui persuadent au monde et à nous que nous avons enfin il s'en glorifiait : ceux mêmes que leur orfait le bien pour l'amour du bien en lui-même, gueil dominait le plus étaient charmés de cette belle sans nous y chercher. L'amour-propre même rend idée de la vertu et de l'amitié sans intérêt; ils la porhommage à cette vertu désintéressée, par les subti- taient au dedans d'eux-mêmes, et ils ne pouvaient lités avec lesquelles il veut en prendre les apparen- ni l'effacer ni l'obscurcir; ils ne pouvaient ni la suices: tant il est vrai que l'homme, qui n'est point par vre ni la contredire. Des chrétiens la contredirontlui-même, n'est pas fait pour se chercher, mais ils? Ne se contenteront-ils pas, comme les païens, pour être uniquement à celui qui l'a fait! Sa gloire de l'admirer sans la suivre fidèlement? La vanité et sa perfection sont de sortir de soi, de s'oublier, même des païens sur cette vertu montre combien elle de se perdre, de s'abîmer dans l'amour simple du est excellente. Par exemple, la louange que toute beau infini. l'antiquité a donnée à Alceste eût porté à faux, et Cette pensée effraye l'homme amoureux de lui- serait ridicule, s'il n'eût pas été réellement heau et

vertueux à Alceste de mourir pour son époux; sans ce principe fondamental, son action eût été une fureur extravagante, un désespoir affreux. L'antiquité païenne tout entière décide autrement : elle dit, avec Platon, que ce qu'il y a de plus divin est de s'oublier pour ce qu'on aime.

Alceste est l'admiration des hommes, pour avoir voulu mourir et n'être plus qu'une vaine ombre, afin de faire vivre celui qu'elle aime. Cet oubli de soi, ce sacrifice total de son être, cette perte de tout soi-même pour jamais, est aux yeux de tous les païens ce qu'il y a de plus divin dans l'homme; c'est ce qui en fait un dieu, c'est ce qui le fait presque arriver au terme.

Voilà l'idée de la vertu et de l'amité pure, imprimée dans le cœur des hommes qui n'ont jamais connu la création, que l'amour-propre aveuglait, et qui étaient aliénés de la vie de Dieu.

XX.

voir de riches palais, une cour superbe, il conçoit toute la pauvreté de son village, et ne peut souffrir ses haillons à la vue de tant de magnificence. C'est ainsi qu'on voit sa laideur et son néant dans la beauté et dans l'infinie grandeur de Dieu.

Montrez tant qu'il vous plaira la vanité et le néant de la créature par les défauts des créatures; faites remarquer la brièveté et l'incertitude de la vie, l'inconstance de la fortune, l'infidélité des amís, l’illusion des grandes places, les amertumes qui y sont inévitables, le mécompte des plus belles espérances, le vide de tous les biens qu'on possède, la réalité de tous les maux qu'on souffre : toutes ces morales, quelque vraies et sensibles qu'elles soient, ne font qu'effleurer le cœur; elles ne passent point la superficie; le fond de l'homme n'en est point changé. Il soupire de se voir esclave de la vanité, et ne sort point de cet esclavage. Mais si le rayon de la lumière divine l'éclaire intérieurement, il voit dans l'abîme du bien, qui est Dieu, l'abîme du néant et du mal,

L'oubli de soi-même n'empêche pas la reconnaissance des qui est la créature corrompue; il se méprise, il se

bienfaits de Dieu.

L'oubli de soi-même, dont on parle souvent, pour les âmes qui veulent chercher Dieu généreusement, n'empêche pas la reconnaissance de ses bienfaits. En voici la raison : c'est que cet oubli ne consiste pas à ne voir jamais rien en soi, mais seulement à ne demeurer jamais renfermé en soi-même, occupé de ses biens ou de ses maux par une vue de propriété ou d'intérêt. C'est cette occupation de nous-mêmes qui nous éloigne de l'amour pur et simple, qui rétrécit notre cœur, et qui nous éloigne de notre vraie perfection, à force de nous la faire chercher avec empressement, avec trouble et avec inquiétude, pour l'amour de nous-mêmes.

Mais quoiqu'on s'oublie, c'est-à-dire qu'on ne recherche plus volontairement son propre intérêt, on ne laisse pas de se voir en bien des occasions. On ne se regarde pas pour l'amour de soi-même ; mais la vue de Dieu qu'on cherche nous donne souvent, comme par contre-coup, certaine vue de nous-mêmes. C'est comme un homme qui en regarde un autre derrière lequel est un grand miroir : en considérant l'autre, il se voit, et se trouve sans se chercher. Ainsi est-ce dans la pure lumière de Dieu que nous nous voyons parfaitement nous-mêmes. La présence de Dieu, quand elle est pure, simple, et soutenue par une vraie fidélité de l'âme et la plus exacte vigilance sur nous-mêmes, est ce grand miroir où nous découvrons jusqu'à la moindre tache de notre âme.

Un paysan renfermé dans son village n'en connaît qu'imparfaitement la misère mais faites-lui

hait, il se quitte, il se fuit, il se craint, il se renonce soi-même; il s'abandonne à Dieu, il se perd en lui. Heureuse perte! car alors il se trouve sans se chercher. Il n'a plus d'intérêt propre, et tout lui profite : car tout se tourne à bien pour ceux qui aiment Dieu. Il voit les miséricordes qui viennent dans cet abîme de faiblesse, de néant et de péché; il voit, et il se complaît dans cette vue.

Remarquez que ceux qui ne sont pas encore fort avancés dans le renoncement à eux-mêmes regardent encore ce cours des miséricordes divines par rapport à leur propre avantage spirituel, à proportion qu'ils tiennent encore plus ou moins à eux-mêmes. Or, comme l'entière désappropriation de la volonté est très-rare en cette vie, il n'y a aussi guère d'âmes qui ne regardent encore les miséricordes recues par rapport aux fruits qu'elles en reçoivent pour leur salut; de façon que ces âmes, quoiqu'elles tendent à n'avoir plus aucun intérêt propre, ne laissent pas d'être encore très-sensibles à ce grand intérêt. Elles sont ravies de voir une main toute-puissante qui les a arrachées à elles-mêmes, qui les a délivrées de leurs propres désirs, qui a rompu leurs liens lorsqu'elles ne songeaient qu'à s'enfoncer dans leur esclavage; qui les a sauvées, pour ainsi dire, malgré elles-mêmes, et qui a pris plaisir à leur faire autant de bien qu'elles se faisaient de mal.

Des âmes entièrement pures et désappropriées, telles que celles des saints dans le ciel, regarderaient avec autant d'amour et de complaisance les miséricordes répandues sur les autres, que les miséricordes qu'elles ont reçues elles-mêmes; car, ne

se comptant plus pour rien, elles aiment autant le bon plaisir de Dieu, les richesses de sa grâce, et la gloire qu'il tire de la sanctification d'autrui, que celle qu'il tire de leur propre sanctification. Tout est alors égal; parce que le moi est perdu et anéanti, le moi n'est pas plus moi qu'autrui: c'est Dieu seul qui est tout en tous; c'est lui seul qu'on aime, qu'on admire, et qui fait toute la joie du cœur dans cet amour céleste et désintéressé. On est ravi de ses miséricordes, non pour l'amour de soi, mais pour l'amour de lui. On le remercie d'avoir fait sa volonté et de s'être glorifié lui-même, comme nous lui demandons, dans le Pater, qu'il daigne faire sa volonté et donner gloire à son nom.En cet état, ce n'est plus pour nous que nous demandons, ce n'est plus pour nous que nous remercions. Mais en attendant cet état bienheureux, l'âme, tenant encore à soi, est attendrie par ce reste de retour sur elle-même. Tout ce qu'il y a encore de ces retours excite une vive reconnaissance : cette reconnaissance est un amour encore un peu mêlé et recourbé sur soi; au lieu que la reconnaissance des âmes perdues en Dieu, telles que celles des saints, est un amour immense, un amour sans retour sur l'intérêt propre, un amour aussi transporté des miséricordes faites aux autres que des miséricordes faites à soi-même, un amour qui n'admire et ne reçoit les dons de Dieu que pour le pur intérêt de la gloire de Dieu même.

Mais, comme rien n'est plus dangereux que de vouloir aller au delà des mesures de son état, rien ne serait plus nuisible à une âme qui a besoin d'être soutenue par des sentiments de reconnaissance, que de se priver de cette nourriture qui lui est propre, et de courir après des idées d'une plus haute perfection qui ne lui conviennent pas.

Quand l'âme est touchée du souvenir de tout ce que Dieu a fait pour elle, c'est une marque 'certaine qu'elle a besoin de ce souvenir, supposé même qu'elle ait dans ce souvenir une certaine joie intéressée sur son bonheur. Il faut laisser cette joie en liberté et dans toute son étendue; car l'amour, quoi- | que intéressé, sanctifie l'âme; et il faut attendre patiemment que Dieu lui-même vienne l'épurer. Ce serait le prévenir, et entreprendre ce qui est réservé à lui seul, que de vouloir ôter à l'homme tous les motifs où l'intérêt propre se mêle avec celui de Dieu. L'homme lui-même ne doit point gêner son cœur là-dessus, ni renoncer avant le temps aux appuis dont son infirmité a besoin. L'enfant qui marche seul, avant qu'on le laisse aller, tombera bientôt. Ce n'est point à lui à ôter les lisières avec lesquelles sa gouvernante le soutient.

Vivons donc de reconnaissance, tandis que la re

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connaissance, même intéressée, servira à nourrir notre cœur. Aimons les miséricordes de Dieu, non-seulement pour l'amour de lui et de sa gloire, mais encore pour l'amour de nous et de notre bonheur éternel, tandis que cette vue aura pour nous un certain soutien proportionné à notre état. Si, dans la suite, Dieu ouvre notre cœur à un amour plus épuré et plus généreux, à un amour qui se perdrait en lui sans retour, et qui ne verrait plus que sa gloire, laissons-nous entraîner sans retardement ni hésitation à cet amour si parfait.

Si donc nous aimons les miséricordes de Dieu; si elles nous ravissent de joie et d'admiration par le seul plaisir de voir Dieu si bon et si grand ; si nous ne sommes plus touchés que de l'accomplissement de sa volonté, de sa gloire qu'il trouve comme il lui plaît, de la grandeur avec laquelle il fait un vase d'honneur de ce qui était un vase d'ignominie; rendons-lui grâces encore plus volontiers, puisque le bienfait est plus grand, et que le plus pur de tous les dons de Dieu est de n'aimer ses dons que pour lui, sans se chercher soi-même.

XXI.

Réalité de l'amour pur. L'amour intéressé et l'amour désintéressé ont leur saison.

Pourquoi aime-t-on mieux voir les dons de Dieu en soi qu'en autrui, si ce n'est par attachement à soi? Quiconque aime mieux les voir en soi que dans les autres s'affligera aussi de les voir dans les autres plus parfaits qu'en soi; et voilà la jalousie. Que faut-il donc faire ? Il faut se réjouir de ce que Dieu fait sa volonté en nous, et y règne non pour notre bonheur, ni pour notre perfection en tant qu'elle est la nôtre; mais pour le bon plaisir de Dieu et pour sa pure gloire.

Remarquez là-dessus deux choses : l'une, que tout ceci n'est point une subtilité creuse, car Dieu, qui veut dépouiller l'âme pour la perfectionner, et la poursuivre sans relâche jusqu'au plus pur amour, la fait passer réellement par ces épreuves d'ellemême, et ne la laisse point en repos jusqu'à ce qu'il ait ôté à son amour tout retour et tout appui en soi. Rien n'est si jaloux, si sévère et si délicat que ce principe du pur amour. Il ne saurait souffrir mille choses qui nous sont imperceptibles dans un état commun; et ce que le commun des personnes pieuses appelle subtilité paraît une chose essentielle à l'âme que Dieu veut déprendre d'elle-même. C'est comme l'or qui se purifie au creuset ; le feu consume tout ce qui n'est pas le pur or. Il faut aussi qu'il se fasse comme une fonte universelle du cœur, pour purifier l'amour divin.

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La seconde chose à remarquer est que Dieu ne poursuit pas ainsi en cette vie toutes les âmes. Il y en a un nombre infini de très-pieuses qu'il laisse dans quelque retour sur elles-mêmes: ces retours mêmes les soutiennent dans la pratique des vertus, et servent à les purifier jusqu'à un certain point. Rien ne serait plus indiscret et plus dangereux que de leur ôter cette occupation consolante des grâces de Dieu par rapport à leur propre perfection. Les premières personnes ont une reconnaissance désintéressée; eiles rendent gloire à Dieu de ce qu'il fait en elles pour sa pure gloire; les dernières s'y regardent aussi en elles-mêmes, et unissent leur intérêt à celui de Dieu. Si les premières voulaient ôter aux autres ce mélange et cet appui en elles-mêmes par rapport aux grâces, elles feraient le même mal que si on sevrait un enfant qui ne peut encore manger: lui ôter la mamelle, c'est le faire mourir. Il ne faut jamais vouloir ôter à une âme ce qui la nourrit encore, et que Dieu lui laisse pour soutenir son infirmité. C'est détruire la grâce que de vouloir la prévenir. Il ne faut pas aussi que le second genre de personnes condamne les autres, quoiqu'elles ne soient point occupées de leur propre perfection dans les grâces qu'elles reçoivent. Dieu fait en chacun ce qu'il lui plaît: l'Esprit souffle où il veut 1, et comme il veut. L'oubli de soi, dans la pure vue de Dieu, est un état où Dieu peut faire dans une âme tout ce qui lui est le plus agréable. L'importance est que le second genre de personnes ne soit point curieux sur l'état des autres, et que les autres ne veuillent point leur faire connaître les épreuves auxquelles Dieu ne les appelle pas.

XXII.

Écouter la parole intérieure de l'Esprit saint; suivre l'inspiration qui nous appelle à un entier dépouillement.

Il est certain par l'Ecriture 2, que l'Esprit de Dieu habite au dedans de nous, qu'il y agit, qu'il y prie sans cesse, qu'il y gémit, qu'il y désire, qu'il y demande ce que nous ne savons pas nous-mêmes demander; qu'il nous pousse, nous anime, nous parle dans le silence, nous suggère toute vérité, et nous unit tellement à lui que nous ne sommes plus qu'un même esprit avec Dieu3. Voilà ce que la foi nous apprend; voilà ce que les docteurs les plus éloignés de la vie intérieure ne peuvent s'empêcher de reconnaître. Cependant, malgré ces principes, ils tendent toujours à supposer dans la pratique,

1 Joan. III, 8.

Rom. vIII, 9; et Joan. XIV, 16

I. Cor. VI, 17.

que la loi extérieure, ou tout au plus une certains lumière de doctrine et de raisonnement, nous éclaire au dedans de nous-mêmes, et qu'ensuite c'est notr: raison qui agit par elle-même sur cette instruction. On ne compte point assez sur le docteur intérieur, qui est le Saint-Esprit, et qui fait tout en nous. Il est l'âme de notre âme : nous ne saurions former ni pensée ni désir que par lui. Hélas! quel est donc notre aveuglement! Nous comptons comme si nous étions seuls dans ce sanctuaire intérieur; et, tout au contraire, Dieu y est plus intimement que nous n'y sommes nous-mêmes.

Vous me direz peut-être : Est-ce que nous sommes inspirés? Oui, sans doute : mais non pas comme les prophètes et les apôtres. Sans l'inspiration actuelle de l'esprit de grâce, nous ne pouvons ni faire, ni vouloir, ni croire aucun bien. Nous sommes done toujours inspirés; mais nous étouffons sans cesse cette inspiration. Dieu ne cesse point de parler; mais le bruit des créatures au dehors, et de nos passions au dedans, nous étourdit, et nous empêche de l'entendre. Il faut faire taire toute créature, il faut se faire taire soi-même, pour écouter dans ce profond silence de toute l'âme cette voix ineffable de l'époux. Il faut prêter l'oreille; car c'est une voix douce et délicate, qui n'est entendue que de ceux qui n'entendent plus tout le reste. Oh! qu'il est rare que l'âme se taise assez pour laisser parler Dieu! Le moindre murmure de nos vains désirs, ou d'un amour-propre attentif à soi, confond toutes les paroles de l'Esprit de Dieu. On entend bien qu'il parle, et qu'il demande quelque chose; mais on ne sait point ce qu'il dit, et souvent on est bien aise de ne le deviner pas. La moindre réserve, le moindre retour sur soi, la moindre crainte d'entendre trop clairement que Dieu demande plus qu'on ne lui veut donner, trouble cette parole intérieure. Faut-il donc s'étonner si tant de gens, même pieux, mais encore pleins d'amusements, de vains désirs, de fausse sagesse, de confiance en leurs vertus, ne peuvent l'entendre, et regardent cette parole intérieure comme une chimère de fanatiques? Hélas! que veulentils donc dire avec leurs raisonnements dédaigneux? A quoi servirait la parole extérieure des pasteurs, et même de l'Écriture, s'il n'y avait une parole intérieure du Saint-Esprit même qui donne à l'autre toute son efficace? La parole extérieure, même de l'Evangile, sans cette parole vivante et féconde de l'intérieur, ne serait qu'un vain son. C'est la lettre qui seule tue, et l'esprit seul peut nous vivifier. O Verbe! ô parole éternelle et toute-puis

1 I. Cor. III, 6.

pécheurs qui se convertissent: ceux-ci sentent les remords de leur conscience, et ces remords sont la voix de Dieu qui leur reproche intérieurement leurs vices. Quand ces pécheurs sont bien touchés, ils n'ont pas de peine à comprendre cette voix secrète; car c'est elle qui les pénètre si vivement. Elle est en eux ce glaive à deux tranchants dont parle saint Paul 1 ; il va jusqu'à la division de l'âme d'avec ellemême. Dieu se fait sentir, goûter, suivre; on entend cette douce voix qui porte jusqu'au fond du cœur un reproche tendre, et le cœur en est déchiré : voilà la vraie et pure contrition. Dieu parle dans les personnes éclairées, savantes, et dont la vie, extérieure

I

sante du Père, c'est vous qui parlez dans le fond des âmes! Cette parole, sortie de la bouche du Sauveur pendant les jours de sa vie mortelle, n'a eu tant de vertu, et n'a produit tant de fruits sur la terre qu'à cause qu'elle était animée par cette parole de vie qui est le Verbe même. De là vient que saint Pierre dit: A qui irions nous? Vous avez les paroles de la vie éternelle1. Ce n'est donc pas seulement la loi extérieure de l'Évangile que Dieu nous montre intérieurement par la lumière de la raison et de la foi, c'est son esprit qui parle, qui nous touche, qui opère en nous et qui nous anime; en sorte que c'est cet esprit qui fait en nous et avec nous tout ce que nous faisons de bien, comme c'est notre âme qui animement régulière en tout, paraît ornée de beaucoup notre corps et qui en règle les mouvements.

de vertus; mais souvent ces personnes, pleines d'el

écouter Dieu. On tourne tout en raisons; on se fait des principes de sagesse naturelle, et des méthodes de prudence, de tout ce qui nous viendrait infiniment mieux par le canal de la simplicité et de la docilité à l'Esprit de Dieu. Ces personnes paraissent bonnes, quelquefois plus que les autres; elles le sont même jusqu'à un certain point: mais c'est une bonté mélangée. On se possède, on veut toujours se posséder selon la mesure de sa raison; on veut être toujours dans la main de son propre conseil; on est fort et grand à ses propres yeux. O mon Dieu! je vous rends grâces avec Jésus-Christ de ce que vous cachez vos secrets ineffables à ces grands et à ces sages, tandis que vous prenez plaisir à les révéler aux âmes faibles et petites! Il n'y a que les enfants avec qui vous vous familiarisez sans réserve : vous traitez les autres à leur mode. Ils veulent du savoir et des vertus hautes; vous leur donnez des lumières éclatantes, et vous en faites des espèces de héros. Mais ce n'est pas là le meilleur partage. Il y a quelque chose de plus caché pour vos plus chers enfants. Ceux-là reposent avec Jean sur votre poitrine. Pour ces grands qui craignent toujours de se ployer et de s'appetisser, vous les laissez dans leur grandeur, vous les traitez selon leur gravité. Ils n'auront jamais vos caresses et vos familiarités : il faut être enfant et jouer sur vos genoux pour les mériter. J'ai souvent remarqué qu'un pécheur ignorant et grossier, qui commence

Il est donc vrai que nous sommes sans cesse ins-les-mêmes et de leurs lumières, s'écoutent trop pour pirés, et que nous ne vivons de la vie de la grâce qu'autant que nous avons cette inspiration intérieure. Mais, mon Dieu, peu de chrétiens la sentent; car il y en a bien peu qui ne l'anéantissent par leur dissipation volontaire ou par leur résistance. Cette inspiration ne doit point nous persuader que nous soyons semblables aux prophètes. L'inspiration des prophètes était pleine de certitude pour les choses que Dieu leur découvrait, ou leur commandait de faire; c'était un mouvement extraordinaire, ou pour révéler les choses futures, ou pour faire des miracles, ou pour agir avec toute l'autorité divine. Ici, tout au contraire, l'inspiration est sans lumière, sans certitude; elle se borne à nous insinuer l'obéissance, la patience, la douceur, l'humilité et toutes les autres vertus nécessaires à tout chrétien. Ce n'est point un mouvement divin pour prédire, pour changer les lois de la nature, et pour commander aux hommes de la part de Dieu; c'est une simple invitation dans le fond de l'âme pour obéir, pour nous laisser détruire et anéantir selon les desseins de l'amour de Dieu. Cette inspiration, prise ainsi dans ses bornes et dans sa simplicité, ne renferme donc que la doctrine commune de toute l'Église elle n'a par elle-même, si l'imagination des hommes n'y ajoute rien, aucun piége de présomption ni d'illusion; au contraire, elle nous tient dans la main de Dieu, sous la conduite de l'Église, donnant tout à la grâce sans blesser notre liberté, et ne laissant rien ni à l'orgueil ni à l'imagination.

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à être touché vivement de l'amour de Dieu dans sa conversion, est plus disposé à entendre ce langage intérieur de l'esprit de grâce, que certaines personnes éclairées et savantes qui ont vieilli dans leur propre sagesse. Dieu, qui ne cherche qu'à se communiquer, ne sait, pour ainsi dire, où poser le pied dans ces âmes pleines d'elles-mêmes, et trop nourries de

Hebr. IV, 12.

2 Matth. XI, 12.

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