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cile a voulu seulement que les élections ne fussent point abandonnées à la populace, c'est parler sans preuve. Il n'y a point de passage formel qu'on n'élude par ces explications. Le concile ne dit aucun mot qui marque que le droit du peuple lui est conservé. Il aurait fallu, selon le sens de du Moulin, recommander au peuple d'élire avec ordre et sans trouble, mais non pas ordonner aux pasteurs de ravir injustement au peuple les élections qui lui appartenaient de droit. Enfin il est manifeste que ce concile a voulu ordonner ce qui est réglé en tant d'autres lieux, c'est-à-dire qu'après avoir consulté le peuple pour les élections on ne lui laissera pas la décision, et qu'elle sera réservée au clergé. Si ce droit d'élection appartient au peuple, pourquoi le lui arracher? Quoi! la tyrannie dont on accuse les pasteurs catholiques était-elle déjà établie dès ce temps si voisin de celui des apôtres ? Si M. Jurieu ose le dire, il faudra au moins qu'il avoue que l'antiquité est pour nous. Il ne peut pas ignorer que toutes les églises ont suivi la règle de ce concile. L'Orient et l'Occident sont uniformes pour donner le droit de décider, dans les élections, aux évêques de la province qui doivent imposer les mains. De là vient que celui qui consacrait était aussi le principal électeur, et que ces deux termes grecs, ἐκλογὴ et χειροτονία étaient pris indifféremment dans le langage ecclésiastique pour signifier tout ensemble l'élection et l'ordination. Le quatrième canon du grand concile de Nicée veut que le nouvel évêque soit établi par tous les évêques de la province assemblés. Par ce terme général d'établir, dont le concile se sert après saint Paul, il comprend l'élection et l'ordination. Tout est donné sans réserve aux évêques. Il ajoute que si quelque nécessité pressante, ou la distance des lieux, empêche quelques évêques de s'y trouver, il en faut au moins trois assemblés; que les absents ayant envoyé leurs suffrages par écrit, alors on fasse l'élection et ordination, ce qu'il exprime par le terme xpoXovízy. Ainsi ce qu'il appelle en cet endroit ordination comprend l'élection même : car, encore qu'un seul évêque suffise pour ordonner, le concile veut qu'il y en ait au moins trois assemblés. Il dit qu'on recevra par écrit les suffrages des évêques absents. Il veut enfin que la décision pour ce choix appartienne principalement au métropolitain, qui était le consacrant. Si le peuple de chaque église avait le droit de faire son pasteur, et de lui conférer le ministère, il était bien injuste qu'on lui ôtât ce droit sans le consulter, et qu'on le transférât à tous ces pasteurs étrangers.

Labb. Concil. t. II, p. 28.

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M. Jurieu a dû voir aussi, dans le décret de Gratien qu'il nous cite, la pape saint Martin qui parle dans le même esprit. « Il n'est pas permis au peuple, dit-il, de faire l'élection de ceux qu'on « élève au sacerdoce. » Remarquez qu'il ne dit pas : La coutume n'est point. Comme saint Cyprien, parlant de l'assistance du peuple aux élections, se contente de dire « Nous avons accoutumé de vous consulter; » ce pape dit absolument : « Il n'est pas permis au peuple; mais que cela soit au jugement « des évêques, afin qu'ils reconnaissent eux-mê<«<mes, etc. » Ilapu voir encore, chez Gratien, le pape Étienne qui dit à Romain, archevêque de Ravenne 2: « Il faut l'élection des prêtres et le consentement du peuple fidèle; car le peuple doit être instruit, << et non pas suivi. » Le pape Célestin a employé les mêmes paroles, et il dit de plus : « Nous devons « avertir le peuple de ce qui lui est permis, et de «< ce qui ne l'est pas, s'il l'ignore; et non pas con« sentir à ce qu'il veut 3. » Si nous avions à parler maintenant sur les témoignages et les oppositions du peuple, que l'Église admet encore dans les ordinations de ses ministres, pourrions-nous parler plus clairement et avec plus d'autorité pour montrer que la puissance de conférer le ministère n'appartient pas au peuple? Voici encore des paroles du concile VIII qui se tint dans la ville impériale. C'est le concile même qui parle : « Ce concile, se confor«< mant aux précédents conciles, ordonne que les «< consécrations et promotions d'évêques se fassent << par l'élection et le décret du collége des évêques, << et défend que tout laïque, soit prince, soit noble, « se mêle des élections, etc... puisqu'il ne convient « pas qu'aucun des grands ou des autres laïques ait aucune puissance en ces matières, mais qu'ils «se taisent, et qu'ils soient attentifs, jusqu'à ce << que l'élection de l'évêque futur soit conclue par « le collége de l'Église. Que si quelque laïque est «< invité par l'Église à s'en mêler et à y concourir, « il peut avec respect, s'il le veut, obéir à ceux qui l'appellent 4. » M. Jurieu dira sans doute qu'il ne se met guère en peine de l'autorité du concile VIII; mais il observera que je la rapporte uniquement pour montrer que cet esprit a été celui de l'Église dans tous les siècles, même dans ceux où la puissance séculière avait affaibli la discipline et l'autorité pastorale. Si le ministère était dans les mains du peuple, les rois, qui en sont les chefs, bien loin d'en être exclus, devraient y avoir

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1 Decret. dist. LXIII, cap. VIII.

Ibid. cap. XII.

Epist. m, cap. п; Conc. t. II, p. 1622. Decret. dist. LXIII, cap. II.

la principale part; ils devraient entrer dans les que, pour lui, il veut agir plus régulièrement, afin élections, non pour obéir aux évêques qui les ap-que personne ne se plaigne de lui. Il observe toutes les formes communes des élections : « Je veux,

pellent, mais pour exercer le droit du peuple; ce droit du peuple devrait être exercé indépendamment des évêques mêmes, puisque les évêques des diocèses voisins ne sont point du troupeau à qui appartient naturellement, selon M. Jurieu, le choix du pasteur. Le peuple pourrait donc consulter les évêques mais ce serait à lui à décider souverainement. Le prince, qui est le chef des peuples, devrait donc aussi décider avec une pleine autorité. Dira-t-on que les rois ont manqué de puissance pour défendre ce droit, et que les évêques, qui n'ont été que trop assujettis, surtout en Orient, à la puissance séculière, ont néanmoins opprimé les rois et les empereurs, et que les empereurs se sont laissé arracher leur droit avec celui de tous leurs peuples, sans former jamais une seule plainte? qui pourra croire cette fable?

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dit

On voit donc clairement que quand il est qu'un pasteur a été élu par le peuple, il faut entendre le sens de ces paroles par celles qui les précèdent et qui les suivent; comme quand le pape Étienne donne cette règle : « Nous voulons que quand on fait un évêque, les évêques étant assemblés avec le clergé, celui qui doit être élu le soit en présence du sénat et du peuple, qu'ainsi étant élu par tous il soit consacré, etc. » Il est manifeste qu'encore que ce pape dise étant élu par tous, à cause que le peuple présent concourt à l'élection, elle n'est faite néanmoins que par les évêques et le clergé en présence du peuple. Il est naturel d'appeler élection ou suffrages les acclamations d'un peuple qui consent. C'est ainsi que les habitants d'Hippone se comportèrent dans la désignation que saint Augustin fit de son successeur Éradius ou Eraclius, dont nous avons les actes authentiques rapportés par des notaires mot à mot. Saint Augustin raconte d'abord 2 qu'il était allé à Milève pour consoler les peuples qui étaient affligés de ce que Sévère, leur évêque, avait marqué avant sa mort son successeur sans les en avertir, croyant qu'il suffisait de le désigner au clergé. Saint Augustin reconnaît qu'en cela Sévère avait un peu manqué. En effet la règle, comme nous l'avons vu, était de consulter le peuple: mais il ne dit point que ce choix fût nul, et qu'on songeât à en faire un autre. Au contraire, il dit que le peuple était triste, c'est-à-dire fâché d'une chose faite sans lui, et qu'il ne pouvait défaire; mais qu'enfin sa tristesse se changea en joie. Ensuite saint Augustin déclare

1 Decret. dist. LXIII, cap. XXVIII.
Epist. CCXIII, t. II.

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dit-il, pour mon successeur, le prêtre Éradius. << Les notaires de l'église, comme vous voyez, re«< cueillent ce que j'ai dit; ils recueillent ce que vous dites. Mes paroles et vos acclamations ne tom<< bent point à terre. Pour vous le dire plus ouvertement, nous faisons maintenant des actes ecclésiastiques car je veux que ceci soit confirmé, « autant qu'il dépend des hommes. »> Saint Augustin prend ces précautions, non pour faire élire son successeur par le peuple; mais pour consulter le peuple sur cette élection, selon les canons. Si saint Augustin dans la suite veut s'assurer de la promesse de son peuple, c'est pour une autre chose qui dépendait des particuliers. Il demandait qu'on le lais'sât en paix vaquer uniquement à l'étude des livres sacrés, et que toutes les affaires allassent à Éradius.

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Si après tant d'exemples, auxquels on en pourrait ajouter beaucoup d'autres, M. Jurieu demande encore pourquoi, le clergé ayant le droit de faire seul les élections, on y appelait si soigneusement le peuple, saint Léon écrivant å Anastase, évêque de Thessalonique, lui répondra « qu'il ne faut pas << ordonner un pasteur pour un peuple malgré lui, « et s'il ne l'a point demandé; de peur que la ville « ne méprise ou ne haïsse l'évêque qu'elle n'aura point désiré, et qu'elle ne se relâche dans la piété << pour n'avoir pu obtenir celui qu'elle a voulu 1. » Cui non licuit habere quem voluit. C'est donc manifestement l'édification publique, la consolation des peuples, et non pas leur droit rigoureux qui les a fait appeler pour assister aux élections. Il faut remarquer que saint Léon parle ainsi, immédiatement après avoir montré que le droit de l'élection de l'évêque, qu'il appelle le souverain prêtre, réside dans l'assemblée des évêques comprovinciaux, et que le consentement unanime du clergé et du peuple n'est qu'une demande. Ille omnibus præponatur quem cleri plebisque consensus concorditer postulârit. Et il ajoute que s'il y a un partage, le jugement du métropolitain doit le vider en faveur de celui qui sera le plus désiré et le plus digne. Vous voyez donc toujours, d'un côté, le peuple qui est écouté, et qu'on tâche de satisfaire; de l'autre, l'ordre ecclésiastique qui décide. Ce témoignage du peuple, nécessaire selon les canons, est une circonstance que les électeurs doivent observer pour le bien des peuples, et non une partie essentielle de

Epist. XII, al. LXXXIV, cap. V.

l'élection même. Il était naturel que les canons demandassent le témoignage du peuple fidèle, après que saint Paul avait demandé celui même des gens du dehors; c'est-à-dire, qu'on choisît un homme respecté des païens.

Mais dans une occasion où les évêques avaient enfin cédé à l'entêtement du peuple, saint Avitus, évêque de Vienne, témoigne combien il est scandalisé de ce renversement de l'ordre. « Il est, dit-il 1, « d'un exemple fort mauvais qu'on dise que l'ordina<<tion sacerdotale est gouvernée par le peuple. » De là vient que le peuple, qui était sujet à donner son suffrage avec confusion, a perdu insensiblement cette espèce de droit dont la charité des pasteurs l'avait mis en possession. C'était si peu un droit naturel, qu'il paraît toujours par toutes les lois ecclésiastiques que le clergé s'en rendait toujours le maître, comme d'une des choses qui dépendaient le plus du gouvernement pastoral; d'où il faut conclure que ce droit venait d'une condescendance du clergé pour faire goûter davantage au peuple l'autorité de ses pasteurs, et non pas d'une institution divine et irrévocable. De là vient aussi que le peuple trop licencieux, abusant du pouvoir qu'on lui avait laissé, en a été dépouillé sans contradiction. Maintenant on peut dire que le roi a fait revivre en sa personne sa personne l'ancien droit du peuple. Encore même son autorité pour les élections des évêques est bien plus grande que celle du peuple n'a jamais été. Il choisit seul, sans consulter le clergé de l'église vacante. Il donne un titre par écrit, contre lequel on ne réclame point. On peut donc juger par son droit, qui est infiniment plus grand que celui du peuple n'a jamais été, quel était autrefois celui du peuple. Cette nomination que le roi fait n'est point une vraie élection. Le prince, bien loin de disposer de la puissance spirituelle, et de conférer le ministère de pasteur, ne donne pas même un titre canonique pour recevoir cette puissance; il ne fait que présenter un homme à l'Église et demander pour lui qu'il soit pourvu et ordonné, et l'Église acquiesce à son choix. C'est l'ordre des pasteurs, en la personne du pape son chef, qui élit, qui institue; qui, par un titre canonique, destine au ministère celui que le prince n'a fait que proposer. On doit juger, par cette discipline présente de l'ancienne pour les suffrages du peuple dans les élections. Ne serait-il pas absurde de prouver maintenant que les clefs et le ministère appartiennent au roi, parce qu'il nomme aux évêchés? Enfin l'autorité absolue avec laquelle les pasteurs ont décidé sur la forme des élections, y ont admis Jes laïques à certaines conditions, et les ont ensuite 'Ep. LXVI, Sirm. op. t. II.

exclus, fait assez voir que toute la véritable puissance de disposer du ministère a toujours résidé dans les seuls pasteurs.

2

CHAPITRE XVI.

CONCLUSION.

Les protestants ne peuvent donc avoir recours ni au droit naturel du peuple de disposer des clefs, ni à l'ordination qui leur est venue par les Vaudois, ni à celle qu'ils ont reçue par les prêtres catholiques. C'est en vain que M. Claude dit; « Quand même il y aurait eu de l'irrégularité, cette irrégularité au«rait été suffisamment réparée par la main d'asso<< ciation et par le consentement que tout le corps de « la société a donné à leurs vocations . » Il sent le faible de sa cause, et il ne peut s'abstenir de nous le laisser voir. Voilà une irrégularité qui le blesse et qu'il tâche de réparer. Comment le fait-il? par la main d'association. Mais qui a jamais ouï dire que l'Écriture ou l'antiquité eussent enseigné aux chrétiens à suppléer ainsi l'ordination des pasteurs? Où est-elle, cette main d'association? Saint Paul nous apprend qu'elle lui fut donnée par plusieurs apôtres : mais ce n'était pas pour rectifier son apostolat et pour suppléer ce qui manquait à sa mission, il la tenait de Jésus-Christ seul; il y avait déjà un grand nombre d'années qu'il l'exerçait sur les églises, et qu'il avait demeuré avec saint Pierre quinze jours à Jérusalem. Cette main d'association ne regardait donc pas la vocation et la validité du ministère de cet apôtre; elle n'était qu'un signe de concorde entre les apôtres sur les questions légales qu'ils avaient agitées, et sur la discipline uniforme qu'ils devaient garder en prêchant l'Évangile aux Juifs et aux Gentils. Quel rapport y a-t-il de ce fait avec celui des protestants qui croient réparer une irrégularité aussi essentielle que le défaut de mission divine, en tendant la main à ceux qui usurpent ainsi le ministère? Mais la trouvera-t-on ailleurs, cette main d'association qui est si puissante pour faire pasteurs sans ordination ceux qui ne le sont pas? ici l'Écriture les abandonne. Trouveront-ils quelque asile dans l'antiquité; y a-t-il un seul auteur ancien qui nous prouve par quelque exemple, ou qui nous insinue par son propre sentiment, que cette main d'association vaut l'ordination que les apôtres ont pratiquée? Encore si cette main d'association était une action réelle, en sorte qu'on eût imposé les mains à ces ministres mal établis, il ne resterait plus qu'à savoir si ceux qui leur auraient imposé les maius 1 Réponse aux Préjugés, p. 372. 2 Gal. 11, 9.

étaient eux-mêmes bien ordonnés. Par là nous retomberions encore dans toutes nos difficultés. Mais, de plus, cette main d'association n'est qu'une manière de parler, c'est-à-dire, pour parler sans figure, que sans aucune cérémonie religieuse, ni imposition réelle des mains, les premiers pasteurs de la réforme furent reçus pour pasteurs par le troupeau même lorsqu'ils entrèrent en fonction; et que ceux d'entre eux qui avaient l'ancienne ordination reconnurent les autres pour vrais ministres. Ainsi ces manières de parler, qui éblouissent d'abord, si on les réduit à leur juste valeur, signifient ce qui a été dit et réfuté tant de fois, savoir: que le peuple ayant le droit de disposer des clefs, son consentement sans ordination donne une parfaite mission aux usurpateurs du ministère. Dès lors il n'y aura plus d'intrus ni de faux pasteurs à punir, pourvu qu'ils sachent séduire quelque partie d'un peuple grossier et inconstant, et se faire donner la main d'association. Sans doute nos frères auraient horreur d'un tel principe, si l'habitude ne les empêchait d'en découvrir les pernicieuses conséquences.

Mais il faut qu'ils avouent qu'ils n'ont point parmi eux le ministère selon l'institution divine. J'ai montré que cette institution l'attache au sacrement de l'ordination, qui est l'imposition des mains des pasteurs. Leurs premiers ministres, comme nous l'avons vu, n'avaient point reçu cette ordination de la main des pasteurs qui avaient été ordonnés par d'autres donc ils n'étaient point pasteurs. Ceux qu'ils ont ordonnés pour leur succéder n'ont pu avoir une mission et une ordination plus valide que la leur même : il n'y a donc point eu jusqu'ici de vrais ministres dans leur réforme. Que peuvent-ils répondre? S'ils n'ont point reçu le ministère par la voie qui nous est donnée dans l'institution, comment ontils pu l'avoir? il ne leur reste à alléguer qu'une voie extraordinaire et miraculeuse qui est au-dessus des lois de l'institution. Mais quand on leur demande des miracles, ils se récrient que c'est une injustice. « Si les miracles étaient nécessaires, dit du Moulin, « ce serait pour ceux qui n'ont nulle vocation ordi<< naire. >> Nous avons prouvé qu'ils ne l'avaient point, cette vocation ordinaire. Point de vocation sans l'imposition des mains des pasteurs; point d'imposition des mains, ni des catholiques ni des Vaudois. Il n'y a plus de ressource pour eux que par les miracles. Les prophètes en faisaient sans cesse. A leur seule parole, ils ouvraient et fermaient le ciel. Ce n'était pourtant pas pour transporter le ministère de ia Synagogue, et pour changer la foi de leur temps, il ne s'agissait que de redresser les particuliers, et d'annoncer la colère prête à éclater. Les apôtres

marchaient sur les traces de Jésus-Christ: il les avait conduits par la main dans la moisson qu'il leur des tinait; il semblait avoir assez fait de miracles pour les dispenser d'en faire; ses œuvres parlaient pour eux; leur ministère était immédiatement fondé sur la puissance de celui qui les envoyait avec tant de signes et de prodiges : cependant ils font eux-mêmes, selon sa prédiction, des miracles encore plus grands que les siens. Voilà quel a été le ministère extraordinaire des prophètes et des apôtres. C'est ainsi que Dieu autorise ceux qu'il conduit hors de la voie commune, et par lesquels il veut changer ce qui se trouve établi.

Que pouvons-nous donc croire de ces hommes qui viennent dans les derniers temps entasser docteurs sur docteurs, suivant la prédiction de saint Paul? Ils disent que l'Église est tombée, et qu'ils sont suscités pour la redresser. Ils veulent faire une seconde fois ce que les apôtres avaient fait la première. Ils entreprennent enfin bien plus que les prophètes : car les prophètes n'ont jamais ébranlé l'ancien ministère et ceux-ci transportent le nouveau, dont l'an cien n'était que la figure.

Les croirons-nous sur leur parole, quand ils parlent contre la mère qui les a enfantés? Non, sans doute. Consultons l'Écriture, qu'ils nous objectent sans cesse, et qui ne leur doit pas être suspecte : nous avertit-elle que cet édifice tombera en ruine et en désolation; que son état sera interrompu; que toutes sortes de superstitions et d'idolâtries y auront vogue; que ses sacrements seront abâtardis, falsifiés et anéantis du tout? « Montrez-nous, disait << saint Augustin, parlant aux donatistes 1, montrez<< nous par des textes clairs et formels cette affreuse ruine de l'Église; » montrez-nous-la, disons-nous de même encore aux protestants. Ainsi saint Augustin a répondu par avance pour nous; et les protestants, comme les donatistes, accusent en vain l'Église d'une corruption que l'Écriture n'a jamais prédite.

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La synagogue, qui n'était établie que pour un temps, et qui n'était que l'ombre de l'Église, tombe; et les prophètes de siècle en siècle annoncent sa chute pour y préparer de loin le peuple de Dieu. L'Église, faite pour remplir tous les temps, et pour être éternelle comme son époux, tomberait sans que les prophètes ni de l'ancienne ni de la nouvelle alliance l'eussent jamais prévu, pour préparer les enfants de Dieu contre la séduction! Qui pourrait le penser?

Qu'on ne nous dise point que l'Apocalypse a prédit la chute de l'Église. Nous demandons aux pro De unit. Eccl. cap. XVII, no 44; 1. Jx.

testants, comme saint Augustin aux donatistes, des passages clairs et formels; en un mot, une autorité qui ne souffre aucune équivoque. Les protestants, qui ne peuvent s'accorder entre eux sur le sens de l'Apocalypse, montrent assez combien elle est obscure. M. Jurieu lui-même avoue, au commencement de l'explication qu'il en a donnée, que tous ceux qui ont marché devant lui, jusqu'à Joseph Medde même, son célèbre guide, se sont égarés: qu'il marchait lui-même d'abord sans savoir où il allait, et que ce n'est qu'après de longs désirs, et par une espèce d'inspiration, qu'il a compris les mystères. Ainsi les protestants sincères qui liront son ouvrage, doivent en conclure qu'il faut cesser de chercher dans l'Apocalypse cette claire prédiction de la chute de l'Église que nous demandons avec saint Augustin.

Il ne faut pas s'étonner si les protestants cherchent dans l'Apocalypse cette ruine, comme les donatistes la cherchaient dans le Cantique des Cantiques. C'est que quand on est pressé par la vérité, on cherche à éluder les endroits les plus clairs par les plus obscurs. Mais en vain cherchera-t-on cette chute dont Jésus-Christ a promis de nous garantir. L'Écriture ne peut se contredire elle-même. Une Église à laquelle le Sauveur a donné son Esprit de vérité, afin qu'il y demeure éternellement 1; une Église fondée sur la pierre1, que les vents ne peuvent ébranler; une Église contre laquelle les conseils de l'enfer ne peuvent prévaloir; une Église avec laquelle Jésus-Christ baptisera et enseignera tous les jours jusqu'à la fin du siècle 3; une Église à laquelle Dieu donne des docteurs et des pasteurs pour la consommation du corps des élus 4 jusqu'au jour où Jésus-Christ viendra juger le monde; une Église qu'il faut que chaque fidèle puisse consulter à chaque moment 5, et dont on doit sans interruption écouter les pasteurs, comme écoutant JésusChrist 6; enfin dont on ne peut mépriser les pasteurs sans mépriser celui qu'ils représentent, ne peut sans doute jamais tomber dans l'abîme de l'idolâtrie, ni se trouver avec un ministère anéanti qu'on ait besoin de ressusciter.

Ici M. Jurieu, honteux des faibles réponses que tous les autres ministres nous ont faites avant lui, semble se déclarer pour nous contre eux et contre sa propre Confession de foi, quoiqu'il ait juré de l'enseigner au peuple. L'Église, selon lui, n'est

1 Joann. XIV, 16. Matth. XVI, 18. * Ibid. XXVIII, 20. Ephes. IV, II.

5 Matth. XVIII, 17. Luc. X, 16.

point tombée en ruine et en désolation : c'est seule. ment une confédération particulière qui s'est corrompue. Encore même cette confédération, qui est la romaine, malgré ses erreurs contre la médiation de Jésus-Christ et malgré son idolâtrie, n'a jamais cessé de composer avec toutes les autres l'Église universelle à laquelle appartiennent toutes les promesses. Je laisse à ce ministre à justifier ce nouveau système inconnu à tous les saints Pères, et dont on ne trouve aucune trace dans toute l'antiquité. Qu'il explique, s'il le peut comment chaque fidèle pourra écouter cette Église, qui, selon lui, ne parle jamais, ou du moins dont la voix confuse est composée des clameurs de tant de sectes qui se contredisent. Est-ce donc là le corps de Jésus-Christ: Quoi! ce corps monstrueux composé de tant de membres disproportionnés, divisés entre eux, et si défigurés? ce corps qui ne fait pas même un corps, puisque tous ses membres, bien loin d'être liés, d'agir de concert, et de se mouvoir avec subordination, ne font que s'abhorrer, que se déchirer, que se condamner à la mort, et que se livrer à Satan?

Osera-t-on dire que cette Babel, où il ne paraît qu'orgueil et confusion de langues, soit la cité pacifique où règne la sainte unité? Dira-t-on que tous ces hommes composent la famille du Père céleste, eux qui regardent réciproquement la table où leurs frères célèbrent la cène comme la table des démons, à laquelle ils ne peuvent participer sans renoncer à Jésus-Christ? La prière que Jésus-Christ fit à son Père pour unir ses enfants entre eux comme il est uni avec lui, ses promesses mêmes si pacifiques n'aboutiront-elles donc qu'à ce triste et scandaleux acccomplissement? Le fruit de ces grandes promesses pour l'unité et pour la pureté de la foi dans l'Église ne consistera-t-il que dans une lâche dissimulation et dans une tolérance mutuelle et politique sur un nombre prodigieux d'erreurs? Que disje? on ne se tolère pas même. Ainsi il faut encore, suivant ce système, que l'unité et la vérité se trouvent jusqu'au milieu de la dissension et dans un amas d'erreurs où l'on se réprouve les uns les autres.

Quelle unité, fondée sur une liaison imaginaire entre tant de sectes qui refusent de s'unir, et qui ne se donnent réciproquement que des anathèmes! Où est-elle cette unité de foi, dans cet assemblage confus de société dont chaque membre enseigne. comme un point essentiel de sa foi, ce qui est rejeté par tous les autres comme un blasphème?

Qu'on n'espère plus éblouir les simples, en disant que l'Église universelle conserve dans toutes les confédérations qui la composent les points fondamentaux. Il est facile à M. Jurieu de régler, comme

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