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< devant le peuple. » Il n'est point parlé là de pré- Qui ne s'attendrait d'y trouver que ces deux frères dication, mais seulement des catéchèses ou leçons prêchaient et administraient les sacrements? Non; sur l'Écriture que faisait Origène, et qui étaient il est dit seulement qu'ils exhortaient les marchands bien différentes des prédications solennelles des pas-romains à s'assembler pour faire les prières chréteurs au milieu des mystères. M. Jurieu dit que les évêques assurent que c'est la coutume, et Eusèbe écrit au contraire que les évêques ont dit seulement: Il est vraisemblable que cela s'est fait en d'autres lieux que nous ne savons pas. Ainsi un homme préoccupé tourne tout à son sens, et croit voir dans les livres ce qui n'y est pas : il prend une vraisemblance pour une certitude; et la conjecture qu'une chose se fait peut-être en quelques endroits inconnus, pour une coutume constante et manifeste des églises. Nous pourrions nous arrêter ici, puisque les exemples cités par M. Jurieu ne vont pas plus loin. Mais comme du Moulin, dans son traité de la vocation des Pasteurs, et ensuite M. Claude, en ont cité d'autres, il ne sera pas inutile de les parcourir : car rien ne montre mieux la force de nos preuves, que la faiblesse de celles que nos adversaires ont ramassées avec tant de soin.

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Théodoret, après Rufin, rapporte « qu'un Tyrien ayant pénétré jusqu'au fond des Indes pour con« naître la philosophie des nations étrangères,» périt par la cruauté des barbares. Ses deux neveux qui étaient avec lui, nommés Ædésius et Frumentius, furent menés au roi du pays. Ils gagnèrent sa confiance, et gouvernèrent sa maison. « Après la mort « du roi, son fils les aima encore plus qu'il n'avait fait. Comme ils avaient été élevés dans la piété, «ils exhortaient les marchands lorsque quelques« uns, selon la coutume romaine, étant arrivés, << voulaient s'assembler, et célébrer les cérémonies << sacrées1.» Voilà les paroles de Théodoret, traduites sur le grec à la lettre. Mais celles de Rufin, qui est l'original de cette histoire, déterminent le sens de ces paroles qui pourrait être équivoque. Il dit qu'ils exhortaient les marchands à « faire en chaque lieu des assemblées où ils se trouvassent pour prier se«<lon la coutume romaine 2. » Enfin les deux frères demandent au roi, pour récompense de leurs services, de retourner en leur patrie. Ils l'obtiennent. Ædésius revient à Tyr où il demeure. Frumentius, plus détaché de sa famille, va trouver Athanase, évêque d'Alexandrie, et lui représente combien les Indes étaient disposées à voir la lumière spirituelle. «< Et qui est plus propre quevous, lui répondit Athanase, à dissiper leurs ténèbres? Il lui communiqua la grâce pontificale, et l'envoya pour cultiver cette nation. >> Voilà cette histoire si célèbre parmi les protestants.

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RUFIN. Hist. lib. 1, cap. Ix, édit. Basil. 1611.
THEOD. Hist. eccles. lib. 1, cap XXIII.

tiennes.Comment prouvera-t-on qu'ils administraient la cène et faisaient les autres fonctions réservées aux seuls pasteurs? De plus, qui a dit aux docteurs protestants que ces marchands romains n'avaient point avec eux quelque prêtre? le zèle des deux frères pour les exhorter n'en est point une preuve, car les laïques parmi nous exhortent tous les jours fraternellement d'autres laïques qui ont leurs pasteurs. Il est vrai qu'il paraît que les Indiens n'avaient point de prêtres fixes parmi eux, jusqu'à ce que Frumentius fût renvoyé dans leur pays par saint Athanase avec la grâce pontificale. Mais les marchands romains qui passaient sur leurs côtes, pour le commerce, pouvaient en avoir dans leurs vaisseaux. Remarquez que l'objection se tourne en preuve pour nous contre l'église protestante. Frumentius, dit l'historien, quitte sa famille, et méprise tant de mers à traverser. Il retourne aux Indes; mais c'est Athanase qui l'envoie, et qui lui communique avant son départ la grâce pontificale. Voilà ce que c'est que l'ordination. Ce n'est pas une simple cérémonie; c'est cette même grâce que l'imposition des mains de l'Apôtre avait répandue sur Timothée, qui passe encore d'Athanase sur Frumentius. Imposer les mains, et communiquer la grâce du ministère, c'est la même chose dans le langage chré

tien.

Du Moulin n'avait garde d'ajouter ce que Théodoret rapporte immédiatement après cette histoire : C'est qu'une femme chrétienne, captive chez les Ibériens, obtint de Dieu, par sa pénitence, les dons apostoliques, c'est-à-dire, en ce lieu, le don des miracles. Par ses miracles, elle engagea le roi de cette nation à faire bâtir un temple au vrai Dieu. Le temple étant bâti, il manquait de prêtres. Cette femme persuada au roi d'en envoyer demander à l'empereur romain. C'était Constantin, qui lui envoya un prédicateur de la foi revêtu de la dignité pontificale. Vous voyez que ce nouveau peuple ne se croit point en droit de faire lui-même des pasteurs; il attend que le ministère lui vienne de la source divine, par le canal de la succession. Cette femme même, qui était manifestement inspirée comme les prophètes, et qui avait les dons apostoliques, bien loin de fonder cette église sur son ministère extraordinaire et miraculeux, a recours au ministère successif. Si on eût cru et s'il eût été

1 Hist. lib. 1, cap. xxiv.

libre de penser que le peuple peut faire des pasteurs dans les besoins pressants, sans doute on aurait cru que ce cas était arrivé alors. La distance des lieux, l'incertitude d'obtenir des prêtres de l'empereur, l'inconvénient de retarder l'œuvre, et de priver des sacrements dans cette attente tous ceux qui étaient disposés au christianisme; le péril de voir les esprits du peuple, et celui du roi même, changer avant que les prêtres de l'empire arrivassent; tout cela devait presser cette femme, et l'engager à faire des pasteurs du pays. Cependant rien ne l'ébranle; elle envoie demander des prêtres, et il paraît qu'on ne pensait seulement pas qu'on n'en pût avoir autrement que par l'imposition des mains des anciens pasteurs.

Tout le monde comprendra facilement qu'il faut entendre de même ce que firent l'armurier Maturien et l'esclave Saturnien, qui annoncèrent l'Évangile aux Maures pendant leur captivité. Du Moulin avoue qu'après avoir avancé l'ouvrage, ils firent venir à leur secours des prétres du territoire de l'empire romain. Tout cela montre seulement qu'ils parlèrent de Jésus-Christ aux barbares, qu'ils leurs inspirèrent la foi par leurs conversations et par leurs exemples, chose que nos laïques doivent toujours s'efforcer de faire dans les occasions. Mais je prie tous les protestants équitables de comparer ces deux artisans que du Moulin nous objecte, avec les deux laïques qui fondèrent, au siècle passé, leurs deux églises de Paris et de Meaux 2. Les uns font connaître Jésus-Christ au peuple barbare qui les tient captifs; et il ne paraît point qu'ils aient prêché solennellement ni administré les sacrements; au contraire, quand les Maures sont disposés à croire, ces deux laïques appellent des prêtres pour dresser l'Église, et pour exercer le ministère; au lieu que les deux laïques de la réforme protestante, non-seulement instruisent et préparent les esprits, mais encore prêchent, administrent les sacrements, s'érigent ouvertement en pasteurs, et dressent leurs églises. N'est-il pas étonnant que parmi tant d'exemples de l'antiquité que la réforme emploie, il ne s'en trouve aucun qui attribue aux laïques, dans les cas extrêmes, aucune fonction au delà de celles que nous permettons nous-mêmes tous les jours aux laïques, et qu'il ne paraisse jamais de pasteur reconnu pour tel en aucun lieu sans ordination?

Grotius, écrivant sur cette matière contre M. de de l'Aubépine, évêque d'Orléans, allègue quelques

VICT. Vitens. Ep. De Persec. Vandal. lib. 1, no 10. Ces deux confesseurs sont nommés Martinianus et Saturnianus dans les éditions les plus correctes de l'ouvrage de Victor de Vite. (Edit. de Vers.)

2 Hist. de Bèze.

autres monuments de l'antiquité : il rapporte le premier canon du concile d'Ancyre, qui veut que les diacres qui ont sacrifié dans la persécution, et ensuite combattu pour réparer leur faute, conservent leur honneur, excepté qu'ils s'abstiendront de tout sacré ministère, ou (si on veut le traduire ainsi) de tout ministère sacerdotal, d'offrir le pain ou le calice, ou de précher.

Il est manifeste que ce ministère sacré ou sacerdotal n'est que celui de servir le prêtre à l'autel. Le diacre est le ministre sacerdotal, c'est-à-dire du prêtre ou du pontife. Nous avons vu, par saint Cyprien, que le diacre offrait au peuple le pain et le calice. Ainsi il faut conclure que ce terme d'offrir signifie souvent la simple distribution de l'eucharistie. Voilà des diacres auxquels, après leur chute, on conserve leur rang, à condition néanmoins qu'ils ne serviront à l'autel ni ne prêcheront.

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Grotius, ajoute un canon du premier concile d'Arles, qui dit : « Pour les diacres que nous avons appris qui offrent en plusieurs lieux, il a été jugé que cela << ne se doit nullement faire 1. » Je veux bien supposer avec cet auteur, contre toute vraisemblance, qu'il s'agit dans ce canon de la consécration réservée au seul prêtre. Si quelques diacres avaient commencé à se l'attribuer témérairement, s'ensuitil qu'ils pussent le faire? La défense expresse du concile, qui condamne sans modification cette entreprise, servira-t-elle de titre pour l'autoriser ?

Il rapporte encore un canon de Laodicée, qui assure qu'il ne faut pas que les sous-diacres donnent le pain ou bénissent le calice; c'est-à-dire qu'ils ne doivent usurper ni la fonction des diacres pour distribuer l'eucharistie, ni celle de donner des bénédictions, qui est une action de supériorité. Si on veut que cette bénédiction soit la consécration, il s'ensuivra seulement qu'on a défendu aux sousdiacres d'envahir le ministère des prêtres.

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nille qui célébra les mystères? Non; il est dit seulement qu'elle reçut le sacrement. N'ajoutons point aux actes ce qui n'y est pas. Supposons même, ce qui est d'ailleurs certain par saint Cyprien, qui est que les prêtres allaient célébrer les mystères dans les prisons pour les confesseurs.

Qu'il est consolant pour l'Église catholique de voir un aussi savant homme que Grotius réduit à des preuves si faibles lorsqu'il veut combattre notre doctrine!

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CHAPITRE XIV.

De l'élection des pasteurs.

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« déchirerait l'Église; personne, par complaisance « pour soi-même et par enflure de cœur, ne formerait dehors et séparément une nouvelle hérésie, si ce n'est toutefois que quelqu'un ait assez « de témérité sacrilége et d'égarement d'esprit pour « penser que l'évêque soit établi sans le jugement << de Dieu. » Il ajoute, en parlant de lui-même : Quand un évêque a été substitué en la place du défunt, quand il a été choisi en paix par le suf«frage de tout le peuple, quand il est protégé par le secours de Dieu dans la persécution, qu'il est « fidèlement joint à tous ses collègues, et que pen<< dant quatre années d'épiscopat il a été connu de << son peuple. >> Vous voyez que saint Cyprien, pour cérémontrer que son élection a été légitime, représente d'abord le jugement de Dieu : puis il ajoute qu'elle a été paisible, agréée du peuple, approuvée par les évêques voisins; que sa constance dans la persécution, et l'intégrité de ses mœurs reconnue de tout le peuple pendant quatre ans, ôtent tout prétexte aux schismatiques de le déposer pour élire un nouvel évêque. Ainsi le suffrage du peuple, qui ne signifie tout au plus que son consentement, est mis, avec plusieurs autres circonstances que M. Jurieu ne regarde pas lui-même comme nécessaires à une élec

Pour montrer que l'ordination n'est qu'une monie, et que c'est l'élection qui fait les pasteurs, M. Jurieu dit : « Quand deux actions concourent << dans un établissement, celle qui est fondée sur « un droit naturel est proprement de l'essence; et a celle qui est de droit positif, et qui n'est qu'une cérémonie, ne peut être essentielle 1. » D'où il conclut que l'élection, qui selon le droit naturel appartient au peuple, est la seule essentielle à l'établissement des pasteurs. Mais, outre que nous avons déjà montré que l'ordination seule fait les pasteurs, je vais lui montrer encore que sa preuve, quand même elle ne serait point contredite, ne conclut rien pour lui. Laissons donc pour un moment l'ordination attachons-nous à l'élection seule. Si M. Jurieu ne prouve que l'élection appartient au peuple il n'aura rien prouvé. Cependant, au lieu de le prouver exactement, il le suppose comme une vérité manifeste dans saint Cyprien, à cause qu'il y est parlé des suffrages du peuple dans les élections.

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Mais M. Jurieu veut-il de bonne foi apprendre, de saint Cyprien même, ce que signifie le mot de suffrage? C'est dans l'épitre LV, à Corneille, que ce Père parle de sa propre élection. Ses paroles serviront de réponse à M. Jurieu. « Les hérésies et les « schismes ne naissent point d'ailleurs que de ce qu'on n'obéit pas au pontife de Dieu, et qu'on ⚫ ne pense point qu'il ne peut y avoir en chaque temps dans une église qu'un seul évêque et un seul juge vicaire de Jésus-Christ. Si, selon les « préceptes divins, tous les frères lui obéissaient, personne n'entreprendrait rien contre l'assemblée des pasteurs; personne, après le jugement de « Dieu, après le suffrage du peuple, après le con- sentement des évêques, ne voudrait se faire le juge, non pas de l'évêque, mais de Dieu même; personne, en rompant l'unité de Jésus-Christ, 1 Syst. p. 578

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tion,

Il faut encore montrer à M. Jurieu quelle idée saint Cyprien donne de ce suffrage du peuple dans les autres épîtres qu'il a citées contre nous. La trentetroisième est écrite aux prêtres, aux diacres de Carthage, et à tout le peuple, sur l'ordination d'Aurélius. L'évêque absent l'avait ordonné lecteur sans les en avertir. « Mes très-chers frères, leur dit-il, << nous avons accoutumé, dans les ordinations du clergé, de vous consulter auparavant ; mais il ne « faut point attendre le témoignage des hommes quand les suffrages divins les préviennent, etc

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« Sachez donc, mes très-chers frères, qu'il a été or«< donné par moi, et par mes collègues qui étaient présents. » Qu'on ne nous dise point que ce n'était qu'une ordination de lecteur. A l'occasion d'un lecteur ordonné, saint Cyprien parle généralement et sans restriction de toutes les ordinations du clergé. Remarquez qu'il ne dit pas, nous sommes obligés de compter vos suffrages; mais seulement,

nous avons accoutumé de vous consulter. Ce n'était donc qu'une coutume de l'Église, qui use toujours d'une conduite douce pour faire aimer son autorité. Et quand on demandait le suffrage du peuple, on ne faisait que le consulter. Mais encore, pourquoi le consultait-on? C'est, dit saint Cyprien, qu'on attendait les témoignages humains. Vous voyez que cette consultation se réduisait à s'assurer des

moeurs de l'élu par le témoignage du peuple; et que saint Cyprien, après avoir appelé le suffrage du peuple les témoignages humains, ajoute qu'il n'a pas été nécessaire de les attendre, parce que les suffrages divins ont précédé : c'est-à-dire, ou que ce Père avait eu une révélation particulière sur ce choix comme il en avait souvent sur les affaires de l'Église, ou qu'il avait assez reconnu la vocation divine sur Aurélius par sa constance dans le tourment et par l'intégrité de ses mœurs.

Dans l'épitre XXXIV, ce Père parle avec la même autorité sur une semblable ordination de Célerin. Si M. Jurieu méprise ces élections de lecteurs, je le prie de remarquer que saint Cyprien choisit à la fin de cette épître ces deux lecteurs avec la même autorité pour les élever au sacerdoce. Au reste, sachez, dit-il, que je les ai déjà désignés pour les honorer du sacerdoce. Il ajoute qu'ils recevront dès ce jour-là les mêmes distributions que les prêtres; et qu'il les fera asseoir avec lui, lorsqu'ils auront atteint un âge plus mûr. Ainsi ce n'est point une désignation vague et incertaine; c'est un choix fixe et déterminé qui commence à s'exécuter sans attendre l'avis du peuple, et auquel il ne manque rien pour être une véritable élection. C'est encore ainsi que saint Cyprien manda au clergé de Carthage1 de recevoir au rang des prêtres Numidicus qu'il a élevé au sacerdoce. Quand je serai présent, ajoutet-il, il sera encore élevé à une plus grande fonction, c'est-à-dire à celle de l'épiscopat. Vous voyez que le peuple n'est pas seulement consulté. Ainsi, lorsque saint Cyprien assure qu'il ne veut rien faire que par l'avis du clergé, et même du peuple, c'est qu'il veut profiter des avis de tous; c'est qu'il veut, par cette condescendance paternelle, faire aimer son autorité mais il se réserve, comme il paraît par ces exemples, de décider seul quand il le juge convenable. Enfin l'assurance qu'il donne, de n'agir point d'ordinaire sans consulter, montre qu'il veut bien suivre une règle à laquelle il n'était pas assujetti en rigueur; et au contraire les cas où il décide seul font assez voir qu'il avait le droit de le faire.

M. Jurieu n'a rien dit de l'épître LXVIII du même Père; mais comme il pourrait s'en servir dans la suite, il n'est pas inutile de lui montrer combien elle est contraire à ses sentiments. Elle est écrite au clergé et au peuple fidèle d'Espagne, sur Basilide et Martial, qui, étant tombés pendant la persécution, avaient été déposés. On avait ordonné Sabin et Félix en leur place. Voici les paroles dont il semble d'abord que les protestants pourraient tirer quelque avantage : « Le peuple obéissant aux préceptes • Epist. xxxv.

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divins, et craignant Dieu, peut se séparer de son « pasteur qui pèche, et ne doit pas prendre de part « aux sacrifices d'un prêtre sacrilége; principale<< ment puisqu'il a le pouvoir, ou de choisir de dignes « pasteurs, ou d'en refuser d'indignes : ce que nous « voyons qui vient de l'autorité divine. >> Jusque-là, qui ne croirait que saint Cyprien a jugé, comme les protestants, que les élections des pasteurs dépendent absolument du peuple? Mais cet exemple doit montrer combien il est facile de se tromper sur les sentiments des auteurs, quand on s'arrête à des passages qui semblent formels, et qu'ils sont détachés de la suite. Il faut se souvenir qu'il n'est question dans cette épître que de montrer, non au peuple seul, mais au clergé et au peuple ensemble, qu'ils peuvent abandonner un pasteur légitimement déposé pour sa chute, et en la place duquel un autre aura été mis par une ordination canonique. La suite lève toute équivoque. « Principalement, dit saint Cyprien, puisque le peuple a le pouvoir de choisir de dignes << pasteurs ou d'en refuser d'indignes. Ce que nous « voyons qui vient de l'autorité divine qui a voulu « que le pasteur fût choisi en présence du peuple << aux yeux de tout le monde, et qu'il fût reconnu di<< gne et capable par le jugement et par le témoignage public, comme le Seigneur, dans les Nombres,

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qui se faisait avec tant de soin et de précaution,

« le peuple étant assemblé, de peur que quelque indigne ne se glissât dans le ministère de l'autel ou « dans la place épiscopale.... C'est pourquoi il faut observer, selon la tradition divine et l'usage apostolique, ce qui s'observe chez nous et presque « dans toutes les provinces, que, pour bien faire << une ordination, les évêques de la province qui « sont voisins s'assemblent devant le peuple à qui « on doit ordonner un pasteur; et que l'évêque soit « élu en présence du peuple, qui connaît parfaite«ment la vie d'un chacun, et qui a observé leur << conduite. C'est ce que nous voyons qui a été fait « chez vous dans l'ordination de notre collègue Sabin, etc. >>

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Il est manifeste que ce Père ne représente cette convocation du peuple que comme une coutume

de la part des églises; et non pas comme une loi es- de confiance à un pasteur qu'il aurait lui-même désentielle, suivie partout sans exception : l'exem-siré. pie qu'il apporte de l'ordination d'Éléazar montre combien il était éloigné de penser que la présence du peuple lui donnât le droit d'élire, puisque les Israélites ne furent que les simples spectateurs de la transmission du père au fils, d'un ministère que Dieu avait rendu successif et indépendant de toute élection. Il dit sans cesse qu'il faut appeler le peuple par précaution, pour s'assurer par son témoignage des mœurs de ceux qu'on élit.

Enfin il montre que toutes ces précautions ont été observées pour Sabin, afin de donner plus d'autorité à son ordination; et d'engager plus fortement le peuple, ébranlé par les artifices du pasteur❘ déposé, à reconnaître toujours le nouveau pasteur dont il avait prouvé lui-même l'élection.

En voilà assez pour montrer que le droit d'élection réside, selon saint Cyprien, dans le corps des pasteurs et que les peuples n'y sont admis que comme témoins que l'on consulte en esprit de paix et d'union. C'est pourquoi, quand même l'élection ferait l'essence de l'établissement des pasteurs, ils ne tiendraient point leur ministère du peuple; et ainsi l'autorité que M. Jurieu emploie contre nous se tournerait encore contre lui.

CHAPITRE XV.

Suite sur l'élection des pasteurs.

M. Jurieu nous cite quatre chapitres tirés de la dist. LXIII du décret de Gratien, sans en rapporter aucune parole. Mais nous avons autant d'intérêt à les examiner en détail, qu'il en avait de ne le faire pas. Le premier est de saint Grégoire pape1. Laurent, évêque de Milan, étant mort, on avait élu Constance diacre. La relation qu'on en avait envoyée au pape marquait que l'élection s'était faite unanimement: mais comme elle n'était pas souscrite, et qu'il y avait à Gènes beaucoup de citoyens de Milan qui s'y étaient réfugiés à cause des violences des barbares, le pape ordonna à Jean, son sousdiacre, d'y passer, « pour n'omettre aucune précaution; afin que s'il n'y a point de division entre « cux sur cette élection, et qu'il reconnaisse que ◄ tous persévèrent à consentir, etc.... >> Je crois n'avoir pas besoin de montrer que tout cela se réduit manifestement aux règles que nous avons tirées de saint Cyprien pour la coutume d'appeler le peuple, de le consulter, et de s'accommoder autant qu'on le pouvait à son inclination, afin qu'il obéît avec plus i Decret. dist. LXIII, cap. x.

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Le second chapitre est du pape Gélase, qui mande à Philippe et à Gérontius, évêques, qu'on lui a appris qu'une élection a été faite par un petit nombre des moins considérables du lieu dont le pasteur était mort. « C'est pourquoi, dit-il 1, mes très-chers frères, il faut que vous assembliez souvent les « divers prêtres et les diacres, et tout le peuple de << toutes les paroisses de ce lieu, afin que chacun « étant libre, et les cours étant unis, etc.... >> Voilà une conduite paternelle. Il veut qu'on assemble le peuple avec le clergé comme nous l'avons toujours reconnu, et qu'on tâche de les faire convenir. Est-ce là reconnaître dans le peuple un droit rigoureux de conférer la puissance pastorale?

Le troisième chapitre est de saint Léon, qui écrit aux évêques de la province de Vienne en ces termes2: « Pour l'ordination des pasteurs, on attend « les vœux des citoyens, les témoignages des peuples, l'avis des personnes considérables, et l'é«<lection du clergé. » Il ajoute : « Qu'on prenne la

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souscription des clercs, le témoignage des per

« sonnes considérables, le consentement des magistrats et du peuple. »> Voilà des termes décisifs qui ne souffrent aucune équivoque. La présence, le témoignage, le conseil, le désir des laïques est attendu; mais l'élection, et la souscription aux actes est réservée au seul clergé. N'est-il pas étonnant qu'on ait cru nous pouvoir faire une objection d'un passage qui en fait une si concluante contre les protestants?

Le quatrième chapitre Sacrorum 3 est extrait des capitulaires de Charlemagne et de Louis le Débonnaire. Il y est marqué seulement que les évêques seront pris du diocèse même, au choix du clergé choix doit être expliqué par les règles canoniques et du peuple, selon les règles canoniques. Ainsi ce que nous avons déjà éclaircies.

Mais M. Jurieu, qui a cherché dans le décret de Gratien ces endroits, comment a-t-il pu s'empêcher d'y voir une foule d'autorités qui accablent sa réforme sur cet article? N'a-t-il pas vu, sans

sortir de ce livre, que le concile de Laodicée, qui est si ancien et si autorisé dans l'Église, a parlé ainsi dans son canon troisième 4 : « Il ne faut pas permettre aux assemblées du peuple de faire l'é«<lection de ceux qui doivent être élevés au sacer« doce? >> Dire, comme du Moulin, que ce con

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1 Decret. dist. LXII, cap. XI.

2 Ibid. cap. XXXVIII.

3 Ibid. cap. XXIV.

4 Ibid. cap. VI.

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