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Ce Chien parloit très-à-propos:

Son raisonnement pouvoit être

Fort bon dans la bouche d'un Maître ;

Mais n'étant que d'un simple Chien (11),
On trouva qu'il ne valoit rien :

On vous sangla le pauvre drille.

Toi donc, qui que tu sois, ô père de famille !
[Et je ne t'ai jamais envié cet honneur (12)];
T'attendre aux yeux d'autrui quand tu dors, c'est erreur.
Couche toi le dernier, et vois fermer ta porte.
Que si quelque affaire t'importe,

Ne la fais point par procureur.

(Depuis La Fontaine ). LATINS. Le Jay, Biblioth. Rhetor. T. II. pag. 752. Desbillons, Liv. IX. fab. 8.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Sa poulaille. Vieille expression que l'on ne regrette pas, Elle est ici terme de mépris, et par-là se trouve bien à sa place. J. B. Rousseau s'en est servi dans une de ses fables.

(2) Pourquoi sire Jupin, etc. Le début de cette fable avoit été d'ure exquise naïveté : la suite du récit justifie les espérances du commencement. L'enjouement qui y règne d'un bout à l'autre, la colère burlesque du renard et ses sermens, la poésie qui anime les descriptions qu'on va lire, la magnificence des similitudes, et l'éclat du reflet qu'elles rejettent sur un fonds en apparence stérile, le ton plaisamment tragique du poète, élèvent cette fable au premier rang des chefs-d'oeuvre de son auteur.

(3) Il choisit une nuit libérale en pavots. Un moderne fabuliste a cru pouvoir changer ainsi ce vers en se l'appropriant :

Il choisit une nuit en pavots libérale.

Il n'y a point à ce changement un grand effort d'imagination. (4) Avec l'aube du jour. De alba, blanc, parce que l'aube du jour est proprement cette blancheur qui commence à paroître aussitôt que le soleil se lève.

(5) Peu s'en fallut que le soleil

Ne rebroussat d'horreur, etc. Comme la fable suppose qu'il fit à l'aspect du festin qu'Atrée donna à son frère Thyeste, lorsqu'il lui servit à manger la chair de son fils Itis. Combien cette comparaison relève la médiocrité du sujet! et quel contraste dans cet étalage

De corps sanglans et de carnage,

Que le soleil refuse d'éclairer de ses rayons, quel contraste, dis-je, avec le calme de cette nuit libérale en pavots, où

Chacun étoit plongé dans un profond sommeil, etc!

C'est avec le même artifice que dans Virgile, le récit des cruelles inquiétudes auxquelles se livre Didon amoureuse, est précédé de la belle description d'une nuit douce et tranquille, où tout dort dans la nature, tout, excepté le cœur de l'infortunée Princesse. (V. Enéïde, L. IV. vers 80, etc.) Florian a imité cette figure

hardie dans sa fable 17 du Livre II.

(6) Tel, et d'un spectacle pareil. Ici la construction s'embarrasse; c'est que l'exactitude grammaticale est sacrifiée à la précision.

J'évite d'être long et je deviens obscur.

(7) Apollon irrité, etc. L'aîné des Atrides (ou petits-fils d'Atrée) Agamemnon, a enlevé Briséis à Chrysès, son père, prêtre d'Apol- lon, qui, pour venger l'outrage fait à son ministre, envoie dans le camp des Grecs la peste et la mort. (Iliad. ch. I.)

(8) L'ost des Grecs. Leur camp. Clém. Marot: (Chantroyal de la Concept.)

Ceux de son ost à grands tourmens submis.

(9) Ajax ... de moutons et de boucs fit un vaste débris. Débris pour carnage. C'étoit une irrégularité du temps même de La Fontaine. Ce trait de fureur est connu. Ce héros, fils de Télamon, disputa au sage Ulysse les armes d'Achille; son concurrent l'ayant emporté sur lui, dans le transport de son ressentiment, il se jeta sur un troupeau qu'il massacra, croyant y voir les Grecs qui avoient prononcé contre lui. Florian dans la fable citée plus haut: Il tue, étrangle, égorge, et sa griffe sanglante Entasse les mourans sur la terre étendus, Comme fit Diomède au quartier de Rhesus.

(10) A qui touche le fait. Le régime direct vaudroit mieux.

(11) Mais n'étant que d'un simple Chien. De même, Sosie dans Amphitrion.

Tous mes discours sont des sottises,
Partant d'un homme sans éclat;
Ce seroient paroles exquises,

Si c'étoit un grand qui parlât,

(12) Et je ne t'ai jamais envié cet honneur. Il fut père cependant lui-même, ce bon La Fontaine ; l'accusera-t-on d'avoir méconnu les droits de la nature? Non sans doute. Un tel soupçon est toujours un outrage pour le génie comme pour la vertu. Mais la préoccupation habituelle de son esprit suspendoit en lui le sentiment, et arrêtoit l'exercice de ses devoirs. Il étoit père comme il étoit époux, presque sans le savoir.

FABLE I V.

Le Songe d'un Habitant du Mogol.

(Avant la Fontaine). ORIENTAUX. Sâadi. Gulistan, dans d'Herbelot (Biblioth. Orient.).

JADIS certain Mogol (1) vit en songe un Visir (2),
Aux champs Elysiens possesseur d'un plaisir
Aussi pur qu'infini, tant en prix qu'en durée :
Le même songeur vit en une autre contrée
Un Hermite entouré de feux

Qui touchoit de pitié même les malheureux.
Le cas parut étrange, et contre l'ordinaire :
Minos (3) en ces deux morts sembloit s'être mépris.
Le dormeur s'éveilla, tant il en fut surpris.
Dans ce songe pourtant soupçonnant du mystère,
Il se fit expliquer l'affaire.

L'interprête lui dit : Ne vous étonnez point,

Votre songe a du sens; et si j'ai sur ce point
Acquis tant soit peu d'habitude,

C'est un avis des Dieux. Pendant l'humain séjour
Ce Visir quelquefois cherchoit la solitude;
Cet Hermite aux Visirs alloit faire sa cour.

Si j'osois ajouter au mot de l'interprête,
J'inspirerois ici l'amour de la retraite ;

Elle offre à ses amans des biens sans embarras,
Biens purs, présens du ciel, qui naissent sous les pas,
Solitude où je trouve une douceur secrette,
Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais (4),
Loin du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais?
Oh! qui m'arrêtera sous vos sombres asyles!

Quand pourront les neuf Sœurs, loin des cours et des villes,
M'occuper tout entier, et m'apprendre des cieux
Les divers mouvemens inconnus à nos yeux,
Les noms et les vertus de ces clartés errantes,
Par qui sont nos destins et nos mœurs différentes(5)!
Que si je ne suis né (6) pour de si grands projets,
Du moins que les ruisseaux m'offrent de doux objets!
Que je peigne en mes vers quelque rive fleurie !
La Parque à filets d'or n'ourdira point ma vie;
Je ne dormirai point sous de riches lambris :
Mais voit-on que le somme en perde de son prix ?
En est-il moins profond et moins plein de délices?
Je lui voue au désert de nouveaux sacrifices.

Quand le moment viendra d'aller trouver les morts,
J'aurai vécu sans soins, et mourrai sans remords (7).

(Depuis La Fontaine). ALLEMANDS. Hagedorn (Songe d'un Derviche).

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Certain Mogol. Habitant du royaume de ce nom dans les Indes.

(2) Un Visir. Nom d'un grand ministre à la cour d'un Prince de l'Orient.

(3) Minos. Roi et Législateur de Crète, dont la justice sévère fut si vantée, qu'on en a fait un des trois Juges chargés de prononcer dans les Enfers sur les bonnes ou mauvaises actions faites pendant la vie. Mais que fait Minos dans cette mythologie Persanne ?

(4) Ne pourrai-je jamais,

Loin du monde et du bruit, etc. Ceux qui aiment à comparer, trouveront de quoi satisfaire leur goût dans une foule de morceaux inspirés en l'honneur de la vie champêtre, par le dégoût du monde et le charme de la solitude. On les a réunis dans un Recueil intéressant et devenu rare, sous le titre (en latin) Délices de la vie champêtre. Affirmons que les vers de La Fontaine peuvent disputer à ceux de Boileau, de M. l'abbé de Lille, de Roucher, de M. Collin d'Harleville sur le même sujet, le mérite d'être une des plus heureuses imitations de ces vers célèbres du poète latin : O ubi campi

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Sperchius!.... ô qui me gelidis in vallibus Hæmi
Sistat, et ingenti ramorum protegat umbrâ!

(Georg. Lib. II. v. 486.)

(5) Par qui sont nos destins et nos mœurs différentes. M. Coste a judicieusement observé que cette adoption des principes chimériques de l'astrologie judiciaire mettoit notre poète en opposition avec lui-même, dans ces deux passages, où il les réfute avec autant de raison que d'éloquence; le ciel

Auroit-il imprimé sur le front des étoiles
Ce

que la nuit des temps enferme dans ses voiles?
(Liv. II. f. 13.)

Je ne crois point que la nature

Se soit lié les mains, et nous les lie encor, etc.

(L. VIII. f. 16.)

(6) Que si je ne suis né, etc. C'est encore Virgile qui a fourni

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