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SONGE (poésie.)

FICTION que l'on emploie dans tous les genres de poésie,

épique, lyrique, élégiaque, dramatique : dans quelquesuns, c'est une description d'un songe que le poète feint qu'il a ou qu'il a eu; dans le genre dramatique, cette fiction se fait en deux manières; quelquefois paroît sur la scène un acteur qui feint un profond sommeil, pendant lequel il lui vient un songe qui l'agite, et qui le porte à parler tout haut; d'autres fois l'acteur raconte le songe qu'il a eu pendant son sommeil. Ainsi, dans la Mariane de Tristan, Hérode ouvre la scène en s'éveillant brusquement, et, dans la suite, il rapporte le songe qu'il a fait. Mais la plus belle description d'un songe qu'on ait donnée sur le théâtre, est celle de Racine dans Athalie. C'est Athalie qui parle :

Un songe (me devrois-je inquiéter d'un songe? )
Entretient dans mon cœur un chagrin qui le ronge.
Je l'évite par-tout, par-tout il me poursuit.
C'étoit pendant l'horreur d'une profonde nuit.
Ma mère Jézabel devant moi s'est montrée,
Comme au jour de sa mort pompeusement parée.
Ses malheurs n'avoient point abattu sa fierté.
Même elle avoit encor cet éclat emprunté,
Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage,
Pour réparer des ans l'irréparable outrage.
Tremble, m'a-t-elle dit, fille digne de moi.
Le cruel dieu des juifs l'emporte aussi sur toi.
Je te plains de tomber dans ses mains redoutables,
Ma fille. En achevant ces mots épouvantables,
Son ombre vers mon lit a paru se baisser.

Et moi, je lui tendois mes mains pour l'embrasser,
Mais je n'ai plus trouvé qu'un horrible mélange
D'os et de chairs meurtris, et traînés dans la fange,
Des lambeaux pleins de sang, et des membres affreux
Que des chiens dévorans se disputoient entr'eux.

(M. de JAUCOURT.)

SONNE T.

PETIT poème de quatorze vers, qui demande tant de

qualités, qu'à peine, entre mille, on peut en trouver deux ou trois qu'on puisse louer. Despréaux dit que le dieu des

vers

Lui-même en mesura le nombre et la cadence,
Défendit qu'un vers foible y pût jamais entrer,
Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer:

voilà pour la forme naturelle du sonnet.

Il y a outre cela la forme artificielle, qui consiste dans l'arrangement et la qualité des rimes; le même Despréaux l'a exprimée heureusement: Apollon

Voulut qu'en deux quatrains de mesure pareille,

La rime avec deux sons frappât trois fois l'oreille ;
Et qu'ensuite six vers artistement rangés
Fussent en deux tersets par le sens partagés.

Le terset coinmence par deux rimes semblables, et l'arrangement des quatre derniers vers est arbitraire.

Ce poème est d'une très-grande beauté. On y veut une chaîne d'idées nobles, exprimées sans affectation, contrainte, et des rimes amenées de bonne grace.

sans

Boileau ne composa que deux sonnets dans le cours de sa vie. Voici le premier:

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Parmi les doux transports d'une amitié fidelle,
Je voyois près d'Iris couler mes heureux jours.
Iris que j'aime encor, et que j'aimai toujours,
Brûloit des mêmes feux dont je brûlois pour

Quand par l'ordre du ciel une fièvre cruelle
M'enleva cet objet de mes tendres amours,
Et de tous mes plaisirs interrompant le cours,
Me laissa de regrets une suite éternelle.

Ah! qu'un si rude coup étonna mes esprits!

Que je versai de pleurs ! que je poussai de cris!
De combien de douleurs ma douleur fut suivie!

Iris, tu fus alors moins à plaindre que moi.
Et, bien qu'un triste sort t'ait fait perdre la vie,
Hélas! en te perdant, j'ai plus perdu que toi.

Il le fit très-jeune, et ne le désavouoit que par le scrupule trop délicat d'une certaine tendresse qui y est marquée, et qui ne convenoit pas, disoit-il, à un oncle pour

sa nièce, Son autre sonnet mérite aussi d'être transcrit :

Nourri dès le berceau près de la jeune Orante,
Et non moins par le cœur que par le sang lié,
A ses jeux innocens enfant associé,

Je goûtois les douceurs d'une amitié charmante.

Quand un faux Esculape à cervelle ignorante,
A la fin d'un long mal vainement pallié,
Rompant de ses beaux jours le fil trop délié,
Pour jamais me ravit mon aimable parente.

Oh! qu'un si rude coup me fit verser de pleurs!
Bientôt ma plume en main signalant mes douleurs,
Je demandai raison d'un acte si perfide.

Oui, j'en fis dès quinze ans ma plainte à l'univers ;
Et l'ardeur de venger ce barbare homicide
Fut le premier démon qui m'inspira des vers.

Notre poète satyrique n'a rien écrit de plus gracieux: A ses jeux innocens enfant associé : Rompant de ses beaux jours le fil trop délié: Fut le premier démon qui m'inspira des vers. Boileau a bien prouve par ce morceau qu'on peut parler en poésie de l'amitié enfantine aussi bien que de l'amour, et que tout s'ennoblit dans le langage des dieux.

La loi qui exige que la rime finale soit d'un autre genre que la rime initiale, a pourtant été violée dans le célèbre sonnet de Desbarreaux.

Grand Dieu, tes jugemens sont remplis d'équité:
Toujours tu prends plaisir à nous être propice;
Mais j'ai tant fait de mal, que jamais ta bonté
Ne me pardonnera sans blesser ta justice.

Oui

Oui, mon Dieu, la grandeur de mon impiété
Ne laisse à ton pouvoir que le choix du supplice:
Ton intérêt s'oppose à ma félicité,

Et ta clémence même attend que je périsse.

Contente ton desir, puisqu'il t'est glorieux:
Offense-toi des pleurs qui coulent de mes yeux:

Tonne, frappe, il est temps; rends-moi guerre pour guerre.

J'adore en périssant la raison qui t'aigrit;

Mais dessus quel endroit tombera ton tonnerre,

Qui ne soit tout couvert du sang de Jésus-Christ?

Le sonnet peut devenir épigramme: en voici un exemple fourni par Sarrazin, qui semble n'avoir point songé à faire un sonnet, tant il y a de douceur, de facilité, de naturel, comme l'exige toutefois la structure du sonnet:

Lorsq'Adam vit cette jeune beauté

Faite pour lui d'une main immortelle,

S'il l'aima fort, elle, de son côté,

Dont bien nous prend, ne lui fut point cruelle.

Cher Charleval, alors en vérité

Je crois qu'il fut une femme fidelle.

Mais comme quoi ne l'auroit-elle été ?
Elle n'avoit qu'un seul homme avec elle.

Or en cela nous nous trompons tous deux:
Car, bien qu'Adam fût jeune et vigoureux,
Bien fait de corps et d'esprit agréable,

Elle aima mieux, pour s'en faire conter,
Prêter l'oreille aux fleurettes du diable,
Que d'être femme et ne pas coqueter.

Nous terminerons cet article par le

sonnet de l'Avorton:

Toi qui meurs avant que de naître,
Assemblage confus de l'être et du néant,
Triste avorton, informe enfant,
Rebut du néant et de l'être!

Et que

Toi que l'amour fit par un crime, l'honneur défait par un crime à son tour, Funeste ouvrage de l'amour,

De l'honneur funeste victime!

Tome X.

Сс

Donne fin aux remords par qui tu t'es vengé;
Et du fond du néant où je t'ai replongé,

N'entretiens point l'horreur dont ma faute est suivie.

Deux tyrans opposés ont décidé ton sort;
L'amour, malgré l'honneur, t'a fait donner la vie ;
L'honneur, malgré l'amour, t'a fait donner la mort.

(M. de JAUCOURT.)

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