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En comparant toutes ces causes qui appellent le som→ meil ou qui l'empêchent, il est étonnant combien les causes du sommeil sont opposées les unes aux autres. Il suit la diminution du mouvement du sang quise porte au cerveau; il en suit l'augmentation: la fièvre cause l'insomnie, elle produit l'assoupissement; enfin une petite différence dans la dose du vin éveille ou assoupit; l'excès des esprits et le manque de cette liqueur nerveuse assoupissent également. Dans un sommeil ordinaire, l'ame est presque toujours occupée de songes ou de représentations de ses propres idées, dont les images paroissent devant elle, auxquelles elle prend le plus d'intérêt, de la réalité desquelles elle est souvent intimement persuadée.

Les songes ont leur source quelquefois dans des sensations présentes. Un embarras dans la circulation du sang fait le cochemar; l'association des idées fournit à l'ame d'une fille l'image d'un spectre, et quelquefois d'un objet qui l'occupe plus agréablement.

Quelqu'embarras moins violent m'a mille fois inquiété, en me faisant passer sous des voûtes qui alloient en s'abaissant par des maisons sans issue, par des chemins qui devenoient impraticables. Une indigestion, des flatuosités renfermées dans les intestins, la tête trop horisontale, une douleur quelconque, font naître des songes désagréables.

Il y a des songes qui naissent des sensations passées, des aventures de la veille, des livres qu'on a lus, des passions qui nous ont émus, de nos soucis. Un ami que nous avons perdu paroît long-temps encore dans nos songes. Il y a quelquefois, et sur-tout dans la parfaite santé, beaucoup d'ordre dans les songes, même des lectures suivies, des calculs faits.

Beaucoup de personnes parlent en dormant, et révèlent leurs pensées les plus secrètes. Il y a eu quelques individus qui sont allés plus loin, et qui, en dormant profondément et les yeux fermés, se sont levés la nuit, et ont fait des choses très-raisonnées et très-compliquées. C'est ce qu'on appelle des somnambules. ( Voyez ce mot.)

(M. le baron de HALLER.)

CE

SOM NAM BUL IS ME. *

ou

E nom, formé de deux mots latins, somnus sommeil, et ambulo, je me promène, signifie littéralement l'action de se promener pendant le sommeil; mais on a étendu plus loin la signification de ce mot dans l'usageordinaire, et l'on a donné le nom générique de somnambulisme à une espèce de maladie, d'affection, incommodité singulière, qui consiste en ce que les personnes qui en sont atteintes, plongées dans un profond sommeil, se promènent, parlent, écrivent, et font différentes actions comme si elles étoient bien éveillées quelquefois même avec plus d'intelligence et d'exactitude; c'est cette faculté et cette habitude d'agir endormi comme éveillé, qui est le caractère distinctif du somnambulisme; les variétés naissent de la diversité d'actions, et sont en conséquence aussi multipliées que les actions dont les hommes sont capables et les moyens qu'ils peuvent prendre pour les faire; elles n'ont d'autres bornes que celles du possible, et encore ce qui paroît impossible à l'homme éveillé ne l'est point quelquefois pour le somnambule son imagination échauffée dirige seule et facilite ses mou

vemens.

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On voit souvent des somnambules qui racontent en dormant tout ce qui leur est arrivé pendant la journée; quelques-uns répondent aux questions qu'on leur fait et tiennent des discours très-suivis ;, il y a des gens qui ont la mal-honnêteté de profiter de l'état où ils se trouvent pour leur arracher, malgré eux, des secrets qu'il leur importe extrêmement de cacher; d'autres se lèvent, composent, écrivent ou se promènent, courent les rues, les maisons; il y en a qui nagent et qui font des actions très-périlleuses par elles-mêmes, comme de marcher sur le bord d'un toit sans peur, et par-là sans danger; ils ne risquent que de s'éveiller; et si cela leur arrive, ou par hasard, ou par le secours funeste de quelque personne imprudente, ils manquent rarement de se tuer. Quelques somnambules ont les yeux ouverts

mais il ne paroît pas qu'ils s'en servent; la plupart n'ont, en se réveillant, aucune idée de ce qu'ils ont fait étant endormis; mais ils se rappellent d'un sommeil à l'autre les actions des nuits précédentes; il semble qu'ils aient deux mémoires, l'une pour la veille, et l'autre pour le sommeil. Lorsqu'on suit quelque temps un somnambule, on voit que son sommeil, si semblable à la veille, offre un tissu surprenant de singularités : il ne manque pas d'observations étonnantes dans ce genre; mais combien peu sont faites exactement, et racontées avec fidélité ! Ces histoires sont presque toujours exagérées par celui qui en a été le témoin, on veut s'accommoder au goût du public, qui aime le merveilleux et qui le croit facilement; et, à mesure qu'elles passent de main en main, elles se chargent encore de nouvelles circonstances; le vrai se trouve obscurci par les fables auxquelles il est mêlé, et devient incroyable; il importe donc de choisir des faits bien constatés par la vue et le témoignage d'un observateur éclairé. Laissant donc à part tous les contes imaginaires, ou peu prouvés, qu'on fait sur les somnambules, je vais rapporter quelques traits singuliers, qui pourront servir à faire connoître la nature de cette affection, dont la vérité ne sauroit être suspecte; je les tiens d'un prélat illustre (M. l'archevêque de Bordeaux), aussi distingué par ses vertus que par la variété et la justesse de ses connoissances; son nom seul fait une autorité respectable qu'on ne sauroit récuser.

Il m'a raconté qu'étant au séminaire, il avoit connu un jeune ecclésiastique somnambule; curieux de connoître la nature de cette maladie, il alloit tous les soirs dans sa chambre dès qu'il étoit endormi; il vit, entre autres choses, que cet ecclésiastique se levoit, prenoit du papier, composoit et écrivoit des sermons; lorsqu'il avoit fini une page, il la relisoit tout haut d'un bout à l'autre ( si l'on peut appeller relire cette action faite sans le secours des yeux); si quelque chose alors lui déplaisoit, il le retranchoit et écrivoit par dessus les corrections avec beaucoup de justesse. J'ai vu le commencement d'un de ses sermons qu'il avoit écrit en dormant; il m'a paru assez bien fait, et correctement écrit; mais il y avoit une

correction qui étoit surprenante; ayant mis dans un endroit ce divin enfant, il crut, en le relisant, devoir substituer le mot adorable à divin; pour cela il effaça ce dernier mot, et plaça exactement le premier par dessus; après cela il vit que le ce, bien placé devant divin, ne pouvoit aller avec adorable; il ajouta donc fort adroitement un t à côté des lettres précédentes, de facon qu'on lisoit cet adorable enfant. La même personne, témoin oculaire de ces faits, pour s'assurer si le somnambule ne faisoit alors aucun usage de ses yeux, mit un carton sous, son menton, de façon à lui dérober la vue du papier qui étoit sur la table; mais il continua à écrire sans s'en apercevoir. Voulant ensuite connoître à quoi il jugeoit de la présence des objets qui étoient sous ses yeux, il lui ôta le papier sur lequel il écrivoit, et en substitua plusieurs autres à différentes reprises; mais il s'en aperçut toujours, parce qu'ils étoient d'une inégale grandeur: car quand on trouva un papier parfaitement semblable, il le prit pour le sien, et écrivit les corrections aux endroits correspondans celui qu'on lui avoit ôté ; c'est par ce stratagême ingénieux qu'on est venu à bout de ramasser quelques-uns de ses écrits nocturnes. M. l'archevêque de Bordeaux a eu la bonté de me les communiquer; ce que j'ai vu de plus étonnant, c'est de la musique faite assez exactement; une canne lui servoit de règle; il traçoit avec elle, à distance égale, les cinq lignes nécessaires, mettoit à leur place la clé, les bémols, les diésis, ensuite marquoit les notes, qu'il faisoit d'abord toutes blanches; et, quand il avoit fini, il rendoit noires celles qui devoient l'être. Les paroles étoient écrites au dessous. Il lui arriva une fois de les écrire en trop gros caractères, de façon qu'elles n'étoient pas placées directement sous leur note correspondante; il ne tarda pas à s'apercevoir de son erreur; et, pour la répail effaça ce qu'il venoit de faire en passant la main par dessus, et refit plus bas cette ligne de musique avec toute la précision possible.

rer,

Autre singularité dans un autre genre, qui n'est pasmoins remarquable; il s'imagina, une nuit, au milieu de

l'hiver, se promener au bord d'une rivière, et d'y voir tomber un enfant qui se noyoit; la rigueur du froid ne l'empêcha point de l'aller secourir; il se jeta tout de suite sur son lit, dans la posture d'un homme qui nage; il en imita tous les mouvemens; et, après s'être fatigué quelque temps à cet exercice, il sent au coin de son lit un paquet de la couverture, croit que c'est l'enfant, le prend avec une main, et se sert de l'autre pour revenir en nageant au bord de la prétendue rivière; il y pose son paquet, et sort en frissonnant et claquant des dents, comme si en effet il sortoit d'une rivière glacée; il dit aux assistans qu'il gêle et va mourir de froid, que tout son sang est glacé; il demande un verre d'eau-de-vie pour se réchauffer; n'en ayant pas, on lui donne de l'eau qui se trouvoit dans la chambre; il en goûte, reconnoît la tromperie, et demande encore plus vivement de l'eau-de-vie, exposant la grandeur du péril qu'il couroit; on lui apporte un verre de liqueur ; il le prend avec plaisir, et dit en ressentir beaucoup de soulagement; cependant il ne s'éveille point, se couche, et continue de dormir plus tranquillement. Ce même somnambule a fourni un très-grand nombre de traits fort singuliers; ceux que je viens de rapporter peuvent suffire au but que nous nous sommes proposé. J'ajouterai seulement que, lorsqu'on vouloit lui faire changer de matière, lui faire quitter des sujets tristes, désagréables, on n'avoit qu'à lui passer une plume sur les lèvres, dans l'instant il tomboit sur des questions tout-à-fait différentes.

Quoiqu'il soit très-facile de reconnoître le somnambulisme par les faits incontestables que nous avons détaillés, il n'est pas aisé d'en découvrir la cause et le mécanisme ; l'étymologie de cette maladie est un écueil funeste à tous ces faiseurs d'hypothèses, à tous ces demi-savans qui ne croient rien que ce qu'ils peuvent expliquer, et qui ne sauroient imaginer que la nature ait des mystères impenétrables à leur sagacité, d'autant plus à plaindre que leur vue, courte et mal assurée, ne peut s'étendre jusqu'aux bornes très-voisines de leur horison; on peut leur demander :

1o Comment il se peut faire qu'un homme, enséveli dans

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