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l'avis du chevalier Temple. «Le premier verre de vin, >> dit-il, est pour moi; le second pour mes amis; le troi>> sième pour la joie, et le quatrième pour mes ennemis ». Mais, parce qu'un homme qui vit dans le monde ne sauroit observer ces sortes de règles à la rigueur, et qu'il ne fait pas toujours mal de les transgresser quelquefois, je lui conseillerois alors, de temps en temps, des jours d'abstinence pour rétablir son corps, le délivrer de la plénitude des humeurs, et procurer, par l'exercice, de l'élasticité aux ressorts affoiblis de sa machine.

(M. de JAUCOURT.)

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SORTE de surnom

ou d'épithète burlesque, qu'on donne le plus souvent à quelqu'un pour le tourner en ridicule.

Ce ridicule ne naît pas seulement d'un choix affecté d'expressions triviales propres à rendre ces épithètes plus significatives ou plus piquantes, mais de l'application qui. s'en fait souvent à des noms de personnes considérables d'ailleurs, et qui produit un contraste singulier d'idées sérieuses et plaisantes, nobles et viles, bizarrement opposées, telles que peuvent l'être dans un même sujet celles d'une haute naissance, avec des inclinations basses; de la majesté royale, avec des difformités du corps réputées honteuses par le vulgaire; d'une dignité respectable, avec des mœurs corrompues; ou d'un titre fastueux, avec la paresse et la pusillanimité.

Ainsi, lorsqu'avec les noms propres d'un souverain pontife, d'un empereur, d'un grand roi, d'un prince ma gnifique, d'un général fameux, on trouvera joints les surnoms de Groin de porc, de Barbe-Rousse, de Pied-Toriu, d'Eveille-Chien, de Pain en bouche, cette union excitera presque toujours des idées d'un ridicule plus ou moins grand.

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Quant à l'origine de ces surnoms il est inutile de la rechercher ailleurs que dans la malignité de ceux qui les donnent, et dans les défauts réels ou apparens de ceux à qui on les impose: elle éclate sur-tout à l'égard des personnes dont la prospérité ou les richesses excitent l'envie, ou dont l'autorité, quelque légitime qu'elle soit, paroît insupportable; elle ne respecte ni la tiare ni la pourpre, c'est une ressource qui ne manque jamais à un peuple opprimé; et ces marques de sa vengeance sont d'autant plus à craindre, que non seulement il est impossible d'en découvrir l'auteur, mais que ni l'autorité, ni la force, ni le laps de temps, ne sont capables de les effacer. On peut citer à cette occasion les efforts inutiles que fit un archiduc, appelé Frédéric, pour faire oublier le surnom de Bourseuide, dont il se trouvoit offensé : le peuple, dans un pays

où il étoit relégué, le lui avoit donné dans le temps d'une disgrace qui l'avoit réduit à une extrême disette. Lorsqu'une meilleure fortune l'eut rétabli dans ses états, il eut beau, pour marquer son opulence, faire dorer jusqu'à la couverture de son palais, employer la rigueur et les caresses auprès du peuple, le surnom lui resta toujours; mais il faut croire que si, au lieu de dorer son palais, il en eût destiné la dépense au soulagement de ses sujets, son sobriquet eût pu être changé dans le surnom de Bierfaisant, qui l'eût comblé de gloire.

Il arriva quelque chose de semblable à Charles de Sicile, surnommé Sans-Terre, sobriquet qui ne lui avoit été donné que parce qu'effectivement il fut long-temps sans états; il ne le perdit point, lors même que Robert son père lui eut cédé la Calabre.

Il est aisé de comprendre par ce qu'on vient d'observer de l'origine et de la nature des sobriquets, quelles sont les sources communes d'où on les tire. Toutes les imperfections du corps, tous les défauts de l'esprit des hommes, leurs mœurs, leurs passions, leurs mauvaises habitudes, leurs vices, leurs actions, de quelque nature qu'elles soient; tout y contribue.

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Il y en a souvent dont la malignité consiste dans l'emprunt du nom de quelque animal ou de quelques personnes célèbres, notées dans l'histoire par leurs figures ou par leurs vices, dont on fait une comparaison avec la personne que l'on a en vue; les Syriens tirèrent de la ressemblance du nez crochu d'Antiochus VIII au bec d'un griffon le sobriquet de grypus qui lui est resté ; et l'on connoît assez dans l'Histoire Ancienne les princes et les personnes célèbres à qui on a donné ceux de bouc, de cochon, d'âne, de veau, de taureau et d'ours, comme on donne aujourd'hui ceux de Silène, d'Ésope, de Sardanapale et de Messaline, aux personnes qui leur ressemblent par la figure

ou par

les mœurs.

Mais de toutes les expressions figurées, celle qui forme les plus ingénieux sobriquets (si l'on veut convenir qu'il y ait quelque sel dans cette sorte de production de l'esprit), c'est l'allusion fondée sur une connoissance de faits singuliers, dont l'idée prète une sorte d'agrément au ridicule; Tome X.

Y

tel qu'un attachement à quelque mode singulière de coif fure ou d'habillement, quelque coutume particulière, quelqu'action peu importante: ainsi les sobriquets de CourtMantel, donnés à Henri II, roi d'Angleterre ; de LongueÉpée, à Guillaume, duc de Normandie; et de Hache, à Baudoin VII, comte de Flandres, n'ont jamais pu blesser la réputation de ces princes.

Bien des gens se trouveroient offensés de ceux qui ont pour objet quelques légères imperfections du corps ou de l'esprit, certains événemens, et certaines actions qui quoiqu'innocentes, ont une espèce de ridicule. Si Socrate, par exemple, se montroit peu sensible au surnom de Camard, beaucoup d'autres le regarderoient comme une injure celui de Cracheur n'étoit point honorable à Uladislas, roi de Bohême.

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Mais les sobriquets les plus piquans sont ceux qui tombent sur les difformités du corps les plus considérables, ou sur les plus grandes disgraces de la fortune, et dont la honte est souvent plus difficile à supporter que le chagrin qui les accompagne.

Enfin, il y en a qui sont glorieux, quoique caractérisés d'une manière plaisante, et qui tient même de la raillerie; ce sont ceux qui n'ont pour objet que ce qu'il y a de plus rare dans les qualités du corps, de plus noble dans celles de l'esprit et du cœur, de plus admirable dans les mœurs, et de plus grand dans les actions. Ainsi les surnoms de Bras-de-Fer et de Cotte-de-Fer, imposés, l'un à Baudoin Ier, comte de Flandre', et l'autre à Edmond II, roi d'Angleterre, sont de vrais éloges de la force du corps dont ces princes étoient doués; tel est aussi celui de Temporiser, presque toujours choquant, et qui fait pour Fabius l'apologie de sa politique militaire, comme celui de Sans-Peur marque, à l'égard de Richard, duc de Normandie, et de Jean, duc de Bourgogne, leur intrépidité.

Les sobriquets ou surnoms que se donnent réciproquement les habitans d'une petite ville, d'un bourg ou d'un hameau, ne consistent ordinairement qu'en quelques épithètes triviales et si grossières, qu'il n'y auroit point d'honneur à en rapporter des exemples.

(M. de JAUCOURT.)

BIENVEILLANCE envers les autres hommes.

La sociabilité est cette disposition qui nous porte à faire à nos semblables tout le bien qui peut dépendre de nous, à concilier notre bonheur avec celui des autres, et à subordonner toujours notre avantage particulier à l'avantage commun et général.

Plus nous nous étudierons nous-mêmes, plus nous serons convaincus que cette sociabilité est conforme à la volonté de Dieu; car, outre la nécessité de ce principe, nous le trouvons gravé dans notre cœur. Si, d'un côté, le créateur y a mis l'amour de nous-mêmes; de l'autre, la même main y a imprimé un sentiment de bienfaisance pour nos semblables ces deux penchans, quoique distincts l'un de l'autre, n'ont rien d'opposé, et Dieu les a gravés dans nos ames pour agir de concert. Aussi les eœurs généreux trouvent-ils la satisfaction la plus pure à faire du bien aux autres hommes, parce qu'ils ne font en cela que suivre un penchant naturel.

Du principe de la sociabilité découlent toutes les lois de la société.

1o Cette union que Dieu a établie entre les hommes exige d'eux que, dans tout ce qui a quelque rapport à la société, de bien commun soit la règle suprême de leur conduite, et qu'attentifs aux conseils de la prudence, ils ne cherchent jamais leur avantage particulier au préjudice de l'avantage public.

2o L'esprit de sociabilité doit être universel. La société. humaine embrasse tous les hommes avec lesquels on peut avoir quelque commerce, puisqu'elle est fondée sur les relations qu'ils ont tous ensemble, en conséquence de leur nature et de leur état.

3o La raison nous dit que des créatures du même rang, de la même espèce, nées avec les mêmes facultés, pour vivre ensemble et pour participer aux mêmes avantages, ont en général un droit égal et commun. Nous sommes done obligés de nous regarder comme naturellement égaux, et de nous traiter comme tels; ce seroit démentir

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