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à tout, et même au plaisir d'admirer. Pourrois-je d'ailleurs mieux finir que par une leçon devenue depuis si mémorable pour avoir été alors inutile?

(M. de LA HARPE.)

Les sermons choisis de Benjamin Wicheot, ministre anglais, parurent à Londres en 1698, avec une préface du comte de Shaftesbury: c'est une chose bien singulière de voir un homme si célèbre et si peu croyant éditeur de sermons; mais en même temps sa préface est si belle, et si peu connue des étrangers, qu'ils nous sauront gré d'en trouver ici un assez long extrait.

Milord Shaftesbury observe d'abord que, quand on fait réflexion sur la nature de la prédication, que l'on considère l'excellence de cet établissement, le cas qu'on en a toujours fait dans le christianisme, le grand nombre de saints, hommes mis à part pour cette grande œuvre, à qui l'on accorde tous les avantages possibles pour annoncer les grandes vérités de la révélation, et pour inspirer aux hommes du respect pour la religion; quand on fait attention à la solemnité des assemblées religieuses, à la présence respectable et à l'autorité de l'orateur chrétien, il y a peut-être lieu de s'étonner qu'on ne lui voie pas produire de plus grands et de plus heureux effets dans le monde. On doit néanmoins reconnoître que cette institution est un si puissant appui de notre religion, que s'il n'y avoit point d'assemblées publiques ni de ministres autorisés, il n'y auroit en fort peu de temps non seulement plus de christianisme, mais de vertus; puisque, nonobstant tous les secours de la prédication et les appuis qu'elle fournit à la vertu, il s'en faut de beaucoup que les mœurs soient réformées, et que les hommes soient devenus meilleurs.

Mais, quelque raison que nous ayions de penser toujours respectueusement de cette institution, et des bons effets qu'elle produit sur les hommes, quelqu'avantageuse que soit l'idée que nous pouvons avoir du travail de ceux à qui le ministère de la parole est commis, il semble néanmoins qu'il n'est pas impossible qu'il n'y ait quelque chose de défectueux, et que le peu de succès ne doit pas être uni

quemeut attribué à la malice, à la corruption, à la stupidité des auditeurs ou des lecteurs.

On a vu que, dans quelques pays, et parmi certain ordre de chrétiens, le ministère de la parole n'a pas été entièrement consacré aux choses spirituelles, mais qu'une grande partie de ces divines exhortations a eu quelque chose de commun avec les affaires d'état. De quelqu'utilité

que cela ait pu être aux hommes ou à la paix du chris

tianisme, il faut avouer que la prédication en elle-même doit être d'autant moins propre à produire une heureuse révolution dans les mœurs, à proportion qu'elle a servi à produire des révolutions d'état, ou à appuyer d'autres intérêts que ceux du royaume de Jésus-Christ. Nous ne trouvons pas non plus que, depuis que la politique et les mystères de la religion ont été unis ensemble., l'une ni l'autre en aient tiré beaucoup d'avantages; du moins n'a-t-il jamais paru que la théologie soit devenue meilleure par la politique, ou que la politique ait été épurée par la théologie.

Entre les auteurs qui ont été zélés pour cette malheureuse alliance, et qui ont voulu faire un systême de politique chrétienne, on nomme le fameux Hobbes, Tequel, soit qu'il ait rendu quelque service au gouvernement civil ou non, a du moins fait bien du mal aux mœurs; et si les autres parties de la philosophie lui ont quelque obligation, la morale ne lui en a aucunement. Il est vrai que tout ce qu'il y a eu de grands théologiens dans l'église anglicane l'ont attaqué avec beaucoup de zèle et d'érudition; mais si l'on avoit travaillé avec autant de. soin à corriger ses principes de morale, qu'on en a mis à réfuter quelques-unes de ses erreurs, cela eût peut-être été un plus grand service pour l'essentiel de la religion. Je nomme ce philosophe, parce qu'en faisant l'énumération des passions qui tiennent les hommes unis en société et les engagent à avoir quelque commerce ensemble, il oublie de parler de la douceur de l'amitié, de la sociabilité, de l'affection naturelle et des autres dispositions de cet ordre; je dis qu'il oublie, parce qu'il est difficile de concevoir qu'il y ait un homme assez méchant pour n'avoir jamais

éprouvé par expérience aucun de ces sentimens, et pour pouvoir en conclure qu'ils ne se rencontrent point dans les autres.

A toutes les passions et à toutes les bonnes dispositions, cet auteur a substitué une seule passion dominante ; savoir, la crainte qui ne laisse subsister qu'un desir immodéré d'ajouter pouvoir à pouvoir, desir qui, selon lui, ne s'éteint que par la mort; il accorde aux hommes moins de bon-naturel qu'aux bêtes féroces.

Si le poison de ces principes, contraires à la saine morale, ne s'étoit pas répandu au-delà de ce qu'on peut s'imaginer, sur-tout dans le temps que le docteur Wicheot vivoit, peut-être lorsqu'il s'agissoit des intérêts de la vertu, aurions-nous moins entendu parler de terreur et de châtimens, et davantage de rectitude morale et de bon naturel: du moins n'auroit-on pas pris l'habitude d'exclure le bon naturel et de rabaisser la vertu, qu'on attribue au seul tempérament. Au contraire, les défenseurs de la religion se seroient fait une affaire de plaider en faveur de ces bonnes dispositions, et de faire voir combien elles sont profondément enracinées dans la nature humaine, au lieu de prendre le contre-pied et d'avoir bâti sur leurs ruines; car certaines gens s'y prenoient ainsi pour prouver la vérité de la religion chrétienne.

On établissoit la révélation en déprimant les principes fondés dans la nature de l'homme, et l'on faisoit consister la force de la religion dans la foiblesse de ces principes comme si un bon naturel et la religion étoient ennemis : chose si peu connue parmi les païens même, que la piété, par laquelle ils désignoient la religion comme le nom le plus honorable qu'ils pouvoient lui donner, consistoit en grande partie en de bonnes dispositions naturelles, et qu'on entendoit par là non seulement l'adoration et le culte de la divinité, mais l'affection des parens pour leurs enfans, celle des enfans pour la patrie, et en général celle de tous les hommes les uns pour les autres dans leurs différentes relations.

On a eu raison de reprocher à quelques sectes chrétiennes que leur religion paroissoit opposée au bon naturel

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et n'être fondée que sur la domination, sur l'amour propre et sur la haine, toutes dispositions qu'il n'est pas aisé de concilier avec l'esprit de l'Evangile. Mais on peut dire certainement de l'église anglicane, autant et plus que d'aucune autre au monde, que ce n'est pas là son esprit, et que c'est par des traits totalement opposés que cette église se fait connoître, plus que toutes les autres, pour vrai ment et dignement chrétienne.

(M. de JAUCOURT.)

SERVITEUR.

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JES noms de maître et de serviteur sont aussi anciens que l'histoire, et ne sont donnés qu'à ceux qui sont de Condition et de fortune différentes; car un homme libre se rend serviteur d'un autre, en lui vendant pour un certain temps son service, moyennant un certain salaire. Or, quoique cela le mette communément dans la famille de son maître, et l'oblige à se soumettre à sa discipline et aux occupations de sa maison, il ne donne pourtant de voir au maître sur son serviteur que pendant le temps qui est marqué dans le contrat ou le traité fait entre eux. Les serviteurs même que nous appelons esclaves, ne sont soumis à la domination absolue et au pouvoir arbitraire de leurs maîtres que dans nos colonies, où cette infraction des lois de la nature est, en quelque sorte, nécessaire pour faire cultiver le sucre, l'indigo et les autres plantations de ces îles; mais, en France, sitôt que les nègres esclaves ont mis le pied sur le continent, ils deviennent, pour ainsi dire, libres, et pourroient quiter leur maître qui perd sa domination absolue sur un homme qui, s'il reste à son service, rentre dans la classe de tous les autres domestiques.

On se donne quelquefois à soi-même, dit M. de Voltaire, des titres fort humbles, pourvu que l'on en reçoive des autres de fort élevés. Le pape s'appelle lui-même serviteur des serviteurs de Dieu. Un bon prêtre du Holstein écrivit un jour à Pie IV: A Pie IV, serviteur des serviteurs de Dieu. Il alla ensuite à Rome solliciter son affaire, et l'inquisition le fit mettre en prison pour lui apprendre à parler.

(M. de JAUCOURT.)

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