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SAILL I E.

PENSÉE ENSEE Vive qui paroît neuve, ingénieuse, piquante, et qui n'est cependant pas réfléchie. Pour peu qu'on considère les choses avec une certaine étendue, les saillies s'évanouissent, dit l'auteur de l'Esprit des Lois. Elles ne naissent d'ordinaire que parce que l'esprit se jette tout d'un côté et abandonne les autres. Si l'on examine de près les saillies qu'on voit dans une multitude d'ouvrages qu'on aime et qu'on admire tant aujourd'hui, l'on remarquera qu'elles ne tiennent à rien, qu'elles ne vont à rien, et ne produisent rien; elles ne doivent donc leurs succès qu'à la frivolité d'esprit qui caractérise ce siècle.

Avoir des sailles, c'est passer, sans gradation, d'une idée à une autre ; ce qui demande sans doute de la vivacité et un esprit agile. Ces transitions soudaines et inattendues causent toujours une grande surprise. Si elles se portent à quelque chose de plaisant, elles excitent à rire; si à quelque chose de profond, elles étonnent; si à quelque chose de grand, elles élèvent: mais ceux qui ne sont pas capables de s'élever, ou de pénétrer d'un coup d'œil des rapports trop approfondis, n'admirent que ces rapports bizarres et sensibles que les gens du monde saisissent si bien; et le philosophe, qui rapproche, par de lumineuses sentences, les vérités en apparence les plus séparées, réclame inutilement contre cette injustice. Les hommes frivoles, qui ont besoin de temps pour suivre ces grandes démarches de la réflexion, sont dans une espèce d'impuissance de les admirer, attendu que l'admiration ne se donne qu'à la surprise, et vient rarement par degré.

Les sallies tiennent, en quelque sorte, dans l'esprit, le même rang que l'humeur peut avoir dans les passions. Elles ne supposent pas nécessairement de grandes lumières; elles peignent le caractère de l'esprit. Ainsi ceux qui approfondissent vivement les choses ont des saillies de réflexion; les gens d'une imagination heureuse,

des saillies d'imagination; d'autres, des saillies de mémoire; les méchans, de méchanceté; les gens gais, de choses plaisantes, etc.

Les gens du monde, qui font leur étude de ce qui peut plaire, ont porté plus loin que les autres ce genre d'esprit; mais, parce qu'il est difficile aux hommes de ne pas outrer ce qui est bien, ils ont fait, du plus naturel de tous les dons, un jargon plein d'affectation. L'envie de briller leur a fait abandonner, par réflexion le vrai et le solide, pour courir sans cesse après les illu→ sions et les jeux d'imagination.

(ANONYME.)

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LOUIS

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Is IX, dit Saint-Louis, naquit en 1215. Il n'avoit que douze ans lorsqu'il monta sur le trône en 1226; la régence fut confiée à la reine Blanche, sa mère. Cette princesse, aussi courageuse que sage, disoit à son fils, né pour le bonheur de la France: « Mon fils, dans cet âge » où la raison, comme une tendre fleur près d'éclore, » s'embellit aux rayons de la vertu, et se flétrit au » souffle empoisonné du vice, j'aimerois mieux vous voir » périr à mes yeux, que de vous voir perdre l'innocence » de votre baptême. » Heureux le roi qu'on prépare ainsi aux périls de la royauté !

Elle lui répétoit aussi ces belles paroles, qui devroient être gravées autour de tous les diadêmes : « Souvenez» vous que rien ne peut être glorieux au prince de ce » qui est onéreux au peuple. Quand vous croirez être » au dessus des hommes, songez que Dieu est au dessus » de vous entre un roi et un malheureux, il n'y a qu'une » ligne de distance; entre Dieu et un roi est l'infini. »

Cette princesse, par son courage, sut dissiper la ligue des grands vassaux révoltés; il fallut négocier, prendre les armes, les quitter, les reprendre encore. Henri III, roi d'Angleterre, appelé en France par le duc de Bretagne, ne se montra que pour s'enfuir : le duc fut forcé d'implorer la clémence du roi, qui lui déclara qu'après la mort de son fils, la Bretagne retourneroit à la couronne. Louis, parvenu à l'âge fixé par les lois, gouverna par lui-même, mais il n'en fut pas moins docile aux conseils de la reine Blanche; ce fut elle qui l'unit à Margueritte de Provence, fille de Raimond Berenger on prétend que, peu de temps après cette heureuse alliance, le vieux de la Montagne, craignant, au fond de l'Asie, un jeune prince qui faisoit l'admiration de l'Europe, fit partir deux émissaires pour l'assassiner ; que ces misérables furent découverts que Louis leur pardonna, et les renvoya chargés de présens.

Le comte de la Marche leva l'étendard de la révolte

en 1240; Henri III, roi d'Angleterre, épousa sa querelle; bientôt les bords de la Charente furent couverts de combattans on en vint aux mains près de Taillebourg; ce fut là que Louis IX soutint, presque seul, sur un pont, le choc de l'armée ennemie; vaincue, elle s'enfuit vers Xaintes; Louis la poursuit et la taille en pièces; Henri va chercher un asyle en Angleterre, le comte de la Marche se soumet, et le roi lui pardonne. Ce prince traita les prisonniers comme il auroit traité ses sujets; il tomba, peu de temps après, dans une maladie dont les suites furent fatales aux Français, aux Sarrasins, à lui-même il fit vœu d'aller porter la guerre en Palestine, si le ciel lui rendoit la santé. On ne conçoit guère comment un roi si sage, si doux, si juste, put promettre à Dieu qu'il ôteroit la vie à des milliers d'hommes s'il la lui rendoit: on conçoit moins encore comment il accomplit de sang-froid un serment indiscret qui lui étoit échappé dans un des plus violens accès de sa maladie.

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Il partit, et laissa les rênes de l'état entre les mains de la reine Blanche; ses frères le suivirent. Louis, en descendant sur les côtes d'Égypte, signale son arrivée par une victoire; celle de la Massoure donne encore aux Sarrasins une plus haute idée de son courage; ce fut là qu'on le vit pleurer et venger la mort du comte d'Artois son frère; mais bientôt la fortune change, une famine cruelle désole l'armée; pour comble de malheurs, Louis est pris avec ses deux frères; il avoit été modeste dans ses prospérités, il fut grand dans les fers. Sa liberté coûta cher à l'état; au reste, on ne pouvoit racheter à trop haut prix un si grand prince: il fut délivré, mais il alla perdre encore en Palestine quatre années qu'il auroit pu consacrer au bonheur de ses sujets. Enfin, la mort de la reine-mère le força de revenir en France : il laissa l'Asie étonnée de sa valeur, et plus encore de ses vertus. Les Sarrasins se racontoient avec surprise tous ses exploits dont ils avoient été témoins, comme il s'étoit défendu long-temps seul contre une multitude d'assaillans, comme il avoit pénétré souvent jusqu'aux derniers rangs de ses ennemis, avec quelle fermeté il avoit vu dans sa prison de

vils assassins lever le bras sur sa tête, avec quelle grandeur d'ame il leur avoit pardonné.

Mais déjà il est en France, le peuple le reçoit avec les transports de la joie la plus vive. L'amour de l'équité lui dicta une sage ordonnance contre les duels usités alors dans toutes les contestations; mais s'il eut assez d'autorité pour proscrire de ses domaines cet abus exécrable, il n'eut pas assez de crédit sur l'esprit de ses barons pour l'interdire dans leurs terres; et, après sa mort, cette licence, conservée dans les domaines des grands vassaux, reflua bientôt dans ceux du roi. Ennemi de tout ce qui sentoit l'impiété, il avoit condamné les blasphémateurs à avoir la langue percée avec un fer chaud; mais il sentit que le délire de la fureur pouvoit quelquefois affoiblir la noirceur de ce crime, et il réduisit la peine à une amende pécuniaire. Il établit le premier la justice de ressort ; et les sujets, opprimés par les sentences arbitraires des juges des baronnies commencèrent à pouvoir porter leurs plaintes à quatre grands bailliages royaux, créés pour les écouter. Sous lui, des lettrés commencèrent à être admis aux séances des parlemens, dans lesquels des chevaliers, quí, rarement savoient lire, décidoient de la fortune des citoyens. Il joignit à la piété d'un religieux la fermeté éclairée d'un roi, en réprimant les entreprises de la cour de Rome, par cette fameuse pragmatique, qui conserve les anciens droits de l'église, nommés libertés de l'église gallicane.

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Conjointement avec la régente sa mère, qui savoit régner, il modéra la puissance de la juridiction trop étendue des ecclésiastiques: distinguant sagement entre les lois civiles auxquelles tout doit être soumis, et les lois de l'église dont l'empire doit ne s'étendre que sur les consciences, il ne laissa pas plier les lois du royaume sous l'abus des excommunications. Ayant, dès le commencent de son administration, contenu les prétentions des évêques et des laïcs dans leurs bornes, il avoit réprimé les factions de la Bretagne, il avoit gardé une neutralité prudente entre les emportemens de Grégoire 1X et les vengeances de Frédéric II.

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