Obrazy na stronie
PDF
ePub

qui reparoissoit dans une jeune cour, avec des habits et des airs passés de mode depuis long-temps. Le duc de Sully, qui s'en aperçut, dit au roi : « Sire, quand le roi » votre père, de glorieuse mémoire, me faisoit l'hon» neur de me consulter, nous ne commencions à parler » d'affaires, qu'au préalable on n'eût fait passer dans » l'antichambre les baladins et les bouffons de la cour. »> M. l'abbé de l'Écluse a rédigé dans un nouvel ordre les Économies royales de Sully. C'est un très-bon ouvrage, mais qui n'a point fait tomber le mérite de l'original au jugement des curieux. Il n'a pu insérer dans son abrégé quantité de choses instructives sur les affaires d'état; et en même temps il a passé sous silence quelques anecdotes singulières. Telle est, par exemple, celle qu'on lit dans les Economies, page 219. « Je me sou» viendrai toujours, dit M. de Sully, de l'attitude et de » l'attirail bizarre où je trouvai ce prince (Henri III) » dans son cabinet, en 1586. Il avoit l'épée au côté, > une cape sur les épaules, une petite toque sur la tête, > un panier plein de petits chiens, pendu à son cou par » un large ruban; et il se tenoit si immobile, qu'en nous >> adressant la parole, il ne remua ni tête, ni pieds, ni

>> mains. >>

M. de JAUCOURT.)

1

ROUGE U R.

Nous ne considérons ici la rougeur que comme affec

tion et sentiment.

Pompée ne pouvoit s'empêcher de rougir toutes les fois qu'il paroissoit dans l'assemblée du peuple. Fabianus célèbre orateur, éprouvoit aussi la même chose quand le sénat l'appeloit dans une affaire en qualité de témoin: ce n'étoit pas chez eux une foiblesse d'esprit, c'étoit un effet de surprise qu'ils ne pouvoient vaincre; car ce à quoi l'on n'est pas accoutumé, dit Sénèque, frappe vivement les personnes qui ont de la disposition à rougir.

Quoique la rougeur soit, en général, un apanage de la décence et de la modestie, elle n'en est pas toujours unedémonstration. Sempronia, cette femme d'une naissance illustre, qui entra dans la conjuration de Catilina, avoit une beauté incomparable, rehaussée par cette apparence de pudeur qui n'auroit jamais fait soupçonner le désordre de sa conduite et les crimes dont elle étoit coupable.

Nous avons vu une célèbre actrice à Londres, dont on ne soupçonnoit pas l'innocence, qui rougissoit quand elle vouloit, et qui avoit le même empire sur sa rougeur que sur ses larmes: mais la rougeur estimable est ce beau coloris produit par la pudeur, par l'innocence, et qu'un ancien nommoit spirituellement le vermillon de la vertu il la rend aussi toujours plus belle et plus piquante.

(ANONYME.)

ROUSSE A U. (Jean-Jacques.)

JEAN-JACQUES

EAN-JACQUES ROUSSEAU, né à Genève, le 28 juin 1712, et mort à Ermenonville, à dix lieues de Paris, le 2 juillet 1778.

Ce seroit une chose également curieuse et intéressante de suivre, dans tout le cours de la vie de Rousseau, les rapports de son caractère avec ses ouvrages, d'étudier à la fois l'homme et l'écrivain, d'observer à quel point l'humeur et la misanthropie de l'un ont pu influer sur le style de l'autre, et combien cette sensibilité d'imagination qui, dans la conduite, fait si souvent ressembler l'homme à un enfant, sert à l'élever au dessus des autres hommes dans ses écrits. C'est sous ce point de vue que le philosophe se plaît à étudier les personnages extraordinaires; et, s'il préfère cette recherche instructive à la pompe mensongère du panégyrique, ce n'est pas que lá louange lui soit importune, c'est que la vérité lui est chère. S'il veut être le juge des hommes célèbres, ce n'est pas pour en être le détracteur; c'est pour apprendre à connoître l'humanité, qu'il faut sur-tout l'observer dans ce qu'elle a produit de grand. Ce n'est pas par un sentiment d'orgueil ou d'envie qu'il observe les fautes et les foiblesses, c'est au contraire pour en montrer la cause et l'excuse; et le résultat de cet examen, qui fait voir le bien et le mal, nés tous deux de la même source, est une leçon d'indulgence,

Mais quand on seroit sûr d'être exacteinent instruit des faits, et de ne rien donner à l'esprit de parti, (deux conditions indispensables pour toute espèce de jugement, et dont pourtant on s'embarrasse fort peu, tant on est presse de juger), il ne faudroit pas encore choisir le moment où l'on vient de perdre un écrivain célèbre, pour soumettre sa mémoire à cet examen philosophique qui ne sépare point la personne et les ouvrages. Le talent, comme on l'a dit ailleurs, n'est jamais plus intéressant qu'au moment où il disparoît pour toujours. Auparavant on souffroit qu'il fût déchiré pour l'amusement de la malignité; à peine alors veut-on permettre qu'il soit jugé pour l'instruction; et si,

pendant la vie, les torts de l'homme nuisent à la renominée de l'écrivain, c'est tout le contraire après la mort cette renommée couvre tout de son éclat, et la postérité qui jouit des écrits prend sous sa protection l'auteur dont elle a recueilli l'héritage. D'ailleurs, il faut l'avouer, ce sentiment est équitable. A l'instant où l'homme supérieur nous est enlevé par la mort, il semble qu'on ne doit rien sentir que sa perte. La tombe sollicite l'indulgence en inspirant la douleur, et il y a un temps à donner au deuil du génie avant de songer à le juger.

Bornons-nous donc à jeter un coup d'œil rapide sur les productions du citoyen de Genève, devenu l'un des ornemens de la littérature française.

Il commença tard à écrire, et ce fut pour lui un avantage réel qu'il dut à des circonstances malheureuses. Condamné depuis l'enfance à mener une vie pauvre, laborieuse et agitée, il eut tout le temps d'exercer son esprit par l'étude, et son cœur par les passions; et l'un et l'autre débordoient, pour ainsi dire, d'idées et de sentimens, lorsqu'il se présenta une occasion de les répandre. Aussi parut-il riche, parce qu'il avoit amassé long-temps, et cette terre qui étoit neuve n'en fut que plus féconde.

les

Communément on écrit trop tôt; et, si l'on en excepte ouvrages d'imagination dans lesquels les essais sont par donnables à la jeunesse, comme les premières études à un peintre, il faudroit d'ailleurs étudier lorsqu'on est jeune, et composer lorsqu'on est mûr, L'esprit des jeunes auteurs n'est guère que de la mémoire; leur jugement n'est pas formé, et leur goût n'est pas sûr., Ils affoiblissent les idées d'autrui ou exagèrent les leurs, parce qu'ils manquent éga¬ lement de mesure et de choix. Aussi, tandis qu'il est assez commun de voir à cet âge du talent pour la poésie, rien n'est plus rare que de voir un jeune homme en état d'écrire bonne page de prose.

une

Le premier ouvrage de Rousseau est celui qu'il a le plus élégamment écrit, et c'est le moins estimable de tous. On sait qu'une question singulière, proposée par une académie, et qui peut-être n'auroit pas dû l'être, donna lieu à ce fameux discours qui commença la réputation de Reusseau, et qui ne prouvoit que le talent assez facile de mettre

de l'esprit dans un paradoxe. Ce discours, où l'on préten doit que les arts et les sciences avoient corrompu les mœurs, n'étoit qu'un sophisme continuel, fondé sur cet artifice si commun et si aisé, de ne présenter qu'un côté des objets et de les montrer sous un faux jour. Il est ridi→ cule d'imaginer que l'on puisse corrompre son ame en cul→ tivant sa raison. Le principe d'erreur qui règne dans tout le discours, consiste à supposer que le progrès des arts et la corruption des mœurs, qui vont ordinairement ensemble, sont l'un à l'autre comme la cause est à l'effet. Point du tout. L'homme n'est point corrompu, parce qu'il est éclairé; mais, quand il est corrompu, il peut se servir, pour ajouter à ses vices, de ces mêmes lumières qui pouvoient ajouter à ses vertus. La corruption vient à la suite de la puissance et des richesses, et la puissance et les richesses produisent en même temps les arts qui embellissent la société. Or, il est de la nature de l'homme d'user de sa force en tous sens. Ainsi les moyens de dépravation ont dû se multiplier avec ses connoissances, comme la chaleur qui fait circuler la sève, forme en même temps les vapeurs qui font naître les orages. Ce sujet, ainsi considéré, pouvoit être très-philosophique; mais l'auteur ne vouloit être que singulier. C'étoit le conseil que lui avoit donné un homme de lettres célèbre, avec lequel il étoit alors fort lié. «Quel >> parti prendrez-vous, dit-il au Genevois, qui alloit com» poser pour l'académie de Dijon. Celui des lettres, dit » Rousseau. Non, c'est le pont aux ânes. Prenez le >> parti contraire, et vous verrez quel bruit vous ferez. »

Il en fit beaucoup en effet. Il eut l'honneur assez rare d'être réfuté par un souverain (1); ensuite il eut le bonheur de trouver', dans un professeur de Nancy, un adversaire très-mal-adroit: ainsi il lui arriva ce qu'il y a de plus heureux dans une mauvaise cause; sa thèse fut célèbre et mal combattue. Il battit, avec l'arme du ridicule, des adversaires qui avoient raison de mauvaise grace. D'ailleurs la discussion valoit mieux que le discours, et Rousseau se trouvoit dans son élément, qui étoit la controverse. Il vint

(1) Le feu roi de Pologne, Stanislas.

« PoprzedniaDalej »