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II.

De théologien controversiste, Brueys devint un auteur comique très estimable. La seule comédie du Grondeur suffirait pour lui faire une réputation distinguée: son Muet, imité de l'Eunuque de Térence, est demeuré au théâtre : enfin on lui doit encore la petite comédie de l'Avocat Patelin, d'après une ancienne facétie française; mais en conservant la gaieté franche de l'original, il l'a-beaucoup embelli.

Il est avéré que Palaprat, avec lequel il vécut long-temps dans la familiarité la plus intime, n'eut aucune part à ses bons ouvrages.

On doit regarder cet auteur comme un de ceux qui ont conservé parmi nous le goût de la véritable comédie. Il ne fut point de l'Académie.

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PALISSOT, Mémoires sur la Littérature.

III.

Brueys et Palaprat, nés tous deux dans le midi

L'abbé Brueys fut chargé par M. de Torcy de faire la pièce; mais, quoique applaudie, elle ne fut pas jouée. »

Remarquez que ce Recueil d'Anecdotes, qui est rempli de pareils contes, est imprimé avec approbation et privilège; jamais on ne joua les amours de Louis XIV sur aucun théâtre de Londres, et on sait que le roi Guillaume n'eut jamais de maîtresse. Quand il en aurait eu, Louis XIV était trop attaché aux bienséances pour ordonner qu'on fit une comédie des amours de Guillaume: M. de Torci n'était pas homme à proposer une chose si impertinente; enfin l'abbé Brueys ne songea jamais à composer ce ridicule ouvrage qu'on lui attribue. On ne peut trop répéter que la plupart de ces recueils d'anecdotes, de ces ana de ces mémoires secrets, dont le public est inondé, ne sont que des compilations faites au hasard par des écrivains mercenaires. VOLTAIRE, Siècle de Louis XIV.

de la France, et qui avaient la vivacité d'esprit et la gaieté qui caractérisent les habitants de cette belle province, réunis tous deux par la conformité d'humeur et de goût, et qui mirent en commun leur travail et leur talent, sans que cette association délicate ait jamais produit entre eux de jalousie, nous ont laissé deux pièces d'un comique naturel et gai. Je ne parle pas du Muet, dont le fond est imité de l'Eunuque de Térence: il y a des situations que le jeu du théâtre fait valoir, mais la conduite est défectueuse. La pièce, qui a cinq actes, pourrait finir au troisième. Il y a un rôle de père d'une crédulité outrée, et la scène du valet déguisé en médecin est une charge trop forte. Je veux parler d'abord de l'Avocat Patelin, remarquable par son ancienneté originaire, puisqu'il est du temps de Charles VII, et qui n'a rien perdu de sa naïveté quand on l'a rajeuni dans la langue du siècle de Louis XIV. C'est un monument curieux de la gaieté de notre ancien théâtre, et en même temps de sa liberté; car il paraît certain que ce fut un personnage réel, que ce Patelin joué sur les tréteaux du XVe siècle. Brueys et Palaprat l'ont fort embelli; mais les scènes principales et plusieurs des meilleures plaisanteries se trouvent dans le vieux français de la farce de Pierre Patelin, imprimée en 1656, sur un manuscrit de l'an 1460, sous ce titre: Des tromperies, finesses et subtilités de maître Pierre Patelin, avocat. Pasquier en parle dans ses Recherches avec des éloges exagérés, qui font voir que l'on ne connaissait encore rien de mieux. Mais

le témoignage des auteurs qui ont travaillé sur les antiquités françaises, et les traductions que l'on fit de cette pièce en plusieurs langues, prouvent qu'elle eut de tout temps un très grand succès, parce qu'en effet le naturel a le même droit sur les hommes dans tous les temps, et qu'il y en a beaucoup dans cet ouvrage. Sans doute le procès de M. Guillaume contre un berger qui lui a volé des moutons, et les ruses de Patelin pour lui escroquer six aunes de drap, sont un fond bien mince, et qui est proprement d'un comique populaire : le juge Bartolin qui prend une tête de veau pour une tête d'homme, est de la même force qu'Arlequin qui mange des chandelles et des bottes. Mais Patelin et sa femme, M. Guillaume et Agnelet, sont des personnages pris dans la nature, et le dialogue est de la plus grande vérité. Il est plein de traits naïfs et plaisants, qu'on a retenus et qui sont passés en proverbes. On rira toujours de la scène où le marchand drapier confond sans cesse son drap et ses moutons; et celle où Patelin, à force de patelinage( car son nom est devenu celui d'un caractère), vient à bout d'attrapper une pièce de drap, sans la payer, à un vieux marchand avare et retors, est menée avec toute l'adresse possible. Il y a bien loin du moment où le rusé fripon aborde M. Guillaume, dont il n'est pas même connu, à celui où il emporte le drap; et pourtant il fait si bien, que la vraisemblance est conservée, et qu'on voit que le marchand doit être dupe.

Le Grondeur doit être mis fort au-dessus de l'Avocat Patelin: il est vrai que le troisième acte, qui

est tout entier du genre de la farce, ne vaut pas, à beaucoup près, celle de Patelin; mais les deux premiers sont bien faits, et il y a ici un caractère parfaitement dessiné, soutenu d'un bout à l'autre et toujours en situation, celui de M. Grichard. La pièce fut mal reçue dans sa nouveauté; mais le temps en a décidé le succès, et on la regarde aujourd'hui comme une de nos petites pièces qui a le plus de mérite et d'agrément.

LA HARPE, Cours de Littérature.

BRUMOY (PIERRE), né à Rouen en 1688, jésuiteen 1704, enseigna d'abord les humanités en province, et fut ensuite appelé à Paris où on le chargea de l'éducation du prince de Talmont et de la rédaction de quelques articles du journal de Trévoux. Éditeur de l'Histoire de Tamerlan de Margat, son confrère, il fut forcé d'abandonner la capitale pour subir un exil qui fut très court. A son retour il accepta la continuation de l'Histoire de l'Église anglicane, conduite jusqu'au XIe vol. par les PP. de Longueval et Fontenay; il publia le XI et il mettait la main au XII' quand la mort le frappa, le 7 avril 1742. Ses principaux ouvrages sont : le Théâtre des Grecs, 3 vol. in-4° et 6 vol. in-12., ouvrage d'un mérite reconnu, malgré ses imperfections, et malgré la préférence que l'auteur accorde toujours par un préjugé de collège aux anciens sur les modernes. On désirerait moins de métaphores et plus de précision dans le style; mais on doit louer l'auteur d'avoir su couvrir d'un voile tout ce qui

pouvait blesser la pudeur. Cet éloge, dit-on, devrait être partagé; car le P. Fleuriau donna des soins à la composition de ce répertoire; Recueil de diverses pensées en prose et en vers, 4 vol. in-12. On lit avec plaisir le poème sur les passions plein de noblesse et de descriptions variées. Un autre poème sur la verrerie, d'ailleurs orné de très beaux vers, occupe agréablement l'esprit. Apologie des Anglais et des Français, ou observations sur le livre de Muralt intitulé: Lettre sur les Anglais et les Français, 1726, in-12. Desfontaines fut son collaborateur. Examen du poème de la Grace, Bruxelles, Paris, 1723, in-8°, * fait avec les PP. Rouillé et Longnant, tous deux membres de la société de Jésus.

Il composa enfin quelques tragédies, parmi lesquelles on distingue le Sacrifice d'Isaac, qui rachète la lâcheté et la faiblesse du style par de grandes beautés. Il termina les Révolutions d'Espagne du P. d'Orléans, revit l'Histoire de Rienzi du P. du Cerceau. Il avait donné pour son coup d'essai la Vie de l'impératrice Éléonore.

JUGEMENTS.

I.

Le Théâtre des Grecs du P. Brumoy passe pour le meilleur ouvrage qu'on ait en ce genre, malgré ses fautes et l'infidélité de la traduction. Il a prouvé par ses poésies qu'il est bien plus aisé de traduire et de louer les anciens, que d'égaler par ses propres productions les grands modernes. On peut d'ailleurs lui reprocher de n'avoir pas assez senti la supériorité

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