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vocation était grande, « the provocation was great (1). » La répression fut-elle trop sévère ? Quelques auteurs l'ont pensé. Mais ont-ils tenu compte des exagérations que le fanatisme aveugle de Fox lui a suggérées ? Qui ne sait que son martyrologe menteur présente une multitude de sectaires qui ne souffrirent jamais ni la mort ni la prison ? (2) Ont-ils observé que dans ces circonstances critiques nulles lois nouvelles ne furent portées contre les hérétiques ; mais qu'on se borna à exécuter rigoureusement celles qui avaient été promulguées à une époque antérieure ? C'est ce qu'il est permis de révoquer

en doute.

Quoi qu'il en soit, il est manifeste que le gouvernement de Marie, légitime à tous égards, et harcelé par des ennemis déjà convaincus de trahison pour la plupart, montra, même dans ses sévérités les plus critiquées, une modération que peu de gouvernements ont imitée. Les ministres de la reine y voyaient une condition indispensable de sécurité et d'avenir, une nécessité suprême; ils firent violence aux sentiments de la femme et se chargèrent par là de toute la responsabilité des actes de la souveraine. Ainsi raisonne et juge le bon sens le plus vulgaire, quand il se soustrait à toute influence comme à tout préjugé. Mais ce jugement, devait-on l'attendre des passions qui bientôt deviendront maîtresses dans ce royaume et commenceront par y renverser l'œuvre de la reine catholique ? Habiles à personnifier leur haine contre un gouvernement qui ne pouvait se défendre sans comprimer l'hérésie en révolte, ces passions firent retomber sur la tête de Marie le sang versé pour une cause dont nul Anglais, fidèle aux lois de son pays, n'eût voulu nier la légitimité. Le triomphe des sectaires, après la mort de cette princesse, donnera un libre cours à leurs impostures comme à leurs violences; et, dans l'impossibilité de rappeler à la vie les grands coupables qui expièrent sous ce règne des crimes longtemps impunis, ils ne rougiront pas de prodiguer des éloges presque sacrilèges à des hommes traîtres à Dieu et à la patrie. Cette réaction de l'opinion publique, rendue protestante sous Élisabeth, se révéla surtout à l'égard du trop fameux Cranmer, dont les derniers moments, comme la vie tout entière, furent signalés par les plus étranges contra

1. Collier, Eccles. Hist., vol. II, p. 404.

2. Un ouvrage récent réfute d'une manière détaillée les mensonges de Fox. Voir A Critical review of Fox's Book of Martyrs by the late W. E. Andrews.

Mauvaise foi

des calomniateurs de Marie Tudor.

dictions. On dirait que les anglicans, par les louanges outrées prodiguées à la mémoire de cet hérésiarque, ont voulu le venger de toutes les flétrissures jetées sur son caractère et sur sa conduite. Est-ce, en effet, avec conviction que Hume a pu dire: «Que c'était un homme d'un mérite incontestable, plein de candeur et de sincérité, et orné de toutes les qualités propres à rendre son commerce avantageux et agréable; un homme à qui ses vertus morales attiraient le respect de tous, et que son courage, au jour de son martyre, a rendu le héros du parti protestant ? (1) » Est-ce sérieusement que l'anglican Burnet à pu écrire : « L'archevêque Cranmer a commis aussi peu de fautes et a possédé autant d'éminentes vertus que jamais aucun pontife des âges passés. Ceux qui comparent les temps anciens et les temps modernes trouvent en lui tant et de si excellentes qualités, qu'ils n'hésitent pas à le comparer aux plus grands évêques de la primitive Église, non seulement à un saint Chrysostôme, à un saint Ambroise, à un saint Augustin, mais aux Pères de premier ordre qui suivirent immédiatement les Apôtres, comme saint Ignace, saint Polycarpe et saint Cyprien . » On reste muet de stupéfaction quand, rapprochant ces paroles, on les met en présence des incontestables réalités de l'histoire écrite par des protestants euxmêmes. Quoi ! ce Cranmer, étudiant de Cambridge qui, s'étant épris d'une fille d'auberge, se marie et perd sa position d'agrégé » (2) dans cette université dont il viole les règlements; ce Cranmer, envoyé par Henri VIII en Allemagne pour acheter des adhésions au divorce, et qui, « tout en conservant les apparences d'un prêtre catholique, se marie clandestinement à une nièce de son ami Osiandre (3), » dont il partage les erreurs luthériennes ; ce parjure qui dissimule au pape et au roi Henri ses deux alliances matrimoniales et ses opinions hérétiques; puis, quand ce prince le désigne au siège de Cantorbéry, accepte sans hésiter et proteste en secret contre le serment d'obéissance canonique qu'il fait au souverain pontife (4); ce prélat qui, contre la défense du pape, à qui il a juré

1. Hume, Hist. of Engl., Queen Mary.

2. Burnet, Hist. of Reform., vol. v, book IV. 3. Cunningham, Life of Illust. Engl., etc.

Vol. 1, p. 179.

4. Cranmer suivit là, dit Burnet, une ligne de conduite plus conforme aux maximes des canonistes et des casuistes qu'à sa sincérité et à sa droiture personnelle. » Il serait difficile d'être plus indulgent et plus injuste tout à la fois. Hume aussi trouve moyen de louer son héros jusque dans les actes qui le flétrissent. « Cette

soumission, prononce la dissolution du mariage de Henri VIII avec Catherine d'Aragon, « conduite qu'il est impossible de ne point blâmer... et qui mériterait de l'être bien plus encore s'il est vrai, comme on l'a assuré, que Cranmer avait assisté auparavant au mariage de Henri avec Anne (1); » ce lâche complaisant d'un roi corrompu qui, trois ans plus tard, déclare << que jamais cette alliance n'a été ni légitime ni conforme aux lois, mais nulle et de nul effet;» qui, le lendemain du supplice d'Anne Boleyn, unit Henri VIII avec Jeanne Seymour, puis bientôt, cette nouvelle reine étant morte, avec Anne de Clèves, lui-même déclarant alors qu'il ne trouve aucun « empêchement légitime à la célébration de ce mariage (2), » dont, cinq mois après, il prononce la dissolution pour satisfaire aux nouveaux caprices du roi ; ce juge hypocrite enfin qui condamne à mort un homme, John Lambert, dont tout le crime était de soutenir une opinion luthérienne que iui, Cranmer, avait adoptée, mais qu'il n'osait manifester à cause de Henri! (3) Toutes les hontes s'accumulent à la fois sur la tête de cet homme. Souscrire les six articles du statut du sang auxquels il ne croit pas, et qui font condamner au bûcher tant de malheureux; souscrire le bill qui impose au clergé, ou plutôt maintient la loi du célibat, quand depuis longtemps il entretient secrètement sa seconde femme; célébrer une messe solennelle pour le repos de l'âme du roi de France, François I, lorsque déjà il regarde la messe comme un acte d'idolâtrie, Cranmer ne recule devant aucune lâcheté, et toute sa conduite, pendant les treize dernières années du règne de Henri, n'est qu'une continuelle dissimulation. Et quand enfin, (c'est Burnet lui-même conduite, dit-il, n'était pas très compatible avec cette sincérité sévère et cette délicatesse de conscience dont Cranmer faisait profession. » Hume, Hist. of Engl., vol. x, p. 62.

1. Cunningham. It is impossible to acquit Cranmer of blame in this transaction...... Ce dernier fait est encore affirmé par Burnet, vol. 1, p. 126; Hume, vol. IV, p. 392, et Lord Herbert......

2. Burnet dit lui-même : « Ce fut là le plus grand acte de complaisance que le roi ait jamais reçu du clergé, car tous savaient qu'il n'y avait aucun fondement dans le prétexte, etc...... Cranmer, vaincu par ces arguments ou plutôt par la peur...... » Hist. of Reform., vol. 1, p. 281.

3. Pour excuser cette honteuse et cruelle dissimulation, le Dr Southey s'exprime en ces termes : « Cranmer a été vite accusé d'avoir agi contre sa conscience dans cette horrible transaction; mais le prélat, à cette époque, croyait à la présence réelle... » Book of Church, vol. II, p. 80. Collier donne à peu près la même explication; car autrement, « Cranmer eût été un homme de conscience scandaleuse; ce qu'il est trop pénible de penser de lui. » Eccles. Hist., vol. II, p. 151. Quels efforts et quelles subtilités pour dissimuler des actes si avérés !

qui l'a avoué,) cet hypocrite « est délivré de la sujétion trop redoutable à laquelle il était soumis sous Henri, et qu'il se résout à marcher plus énergiquement dans l'extirpation des abus,» on le voit s'efforcer de surmonter les répugnances d'Édouard à signer l'arrêt de mort de Jeanne de Kent, et, quelques jours après, du hollandais Von Paris (1).» Cet homme, qui met sans rougir un titre menteur en tête du symbole qu'il a rédigé, et ne trouve pour s'excuser ensuite qu'un nouveau mensonge (2); ce conspirateur d'abord audacieux, qui signe le testament par lequel un roi adolescent déshérite ses deux sœurs pour donner la couronne à une femme hérétique ; qui encourage la révolte; qui somme sa légitime souveraine de reconnaître l'autorité de l'usurpatrice imposée, et qui, pour justifier plus tard sa trahison, ne trouve dans son âme d'autre raison que l'impossibilité d'empêcher cette injustice, «< chose qu'on ne peut admettre, puisque le chef de la prélature anglaise devait avoir assez de fermeté et assez d'intelligence de son devoir envers son roi et son pays pour résister aux entreprises d'un roi enfant, qui voulait faire un acte en lui-même injuste, illégal et impolitique (3); » c'est un anglican lui-même qui arrache à Cranmer cette pitoyable excuse de la peur... enfin, ce misérable, sacrilège, hérésiarque, parjure, conspirateur, traître à l'Angleterre comme à Dieu, entend prononcer sur lui une sentence de mort, et alors encore il donne, par ses aveux et ses rétractations, par sa pusillanimité en face du trépas aussi longtemps qu'il espère échapper, et par son obstination hautaine et désespérée quand le supplice paraît inévitable, le dernier témoignage de son infamie. Tellement que Burnet luimême reconnaît «< cette dernière chute de Cranmer », qu'il

1. « Il n'est pas possible, ajoute Cunningham (Life of Cranmer), de délivrer Cranmer de l'accusation d'intolérance. Si la contrainte peut être apportée comme une excuse de la part qu'il a eue dans quelques actes de persécution sous Henri VIII, comme par exemple dans l'affaire de Lambert, cette raison ne saurait être un palliatif pour la conduite qu'il tint sous le jeune et doux successeur de Henri.»> 2. Les 42 articles, dit le Dr Neal, ne furent point portés au Parlement, ni acceptés dans la convocation, comme le titre semble l'exprimer ; et lorsque, sous le règne suivant, on en fit un reproche à Cranmer comme d'une tromperie, il reconnut l'accusation, mais en disant qu'il ignorait le titre et qu'il s'en était plaint au conseil.

3. Cunningham's Life of Cranmer. « But it is impossible to accept of his excuse, that he only yelded ultimately to Edward's personal entreaties. The head of the english prelacy should have sufficient firmness and a sufficient sense of what was his duty to his king and his country, to have resisted the entreaties of a BoyKing that he would commit an action in itself injust, illegal and impolitic. >

appelle « la seule tache de sa vie (1). » Et voilà l'homme que cet historiographe de l'anglicanisme ne rougit pas de mettre en parallèle, pour ses éminentes vertus, « avec les plus grands saints et les plus illustres pontifes des premiers âges de l'Église, avec les successeurs immédiats des Apôtres! » Quelle justice pouvait attendre de la postérité la reine Marie, quand des hommes aussi distingués par leur condition et leurs talents osaient ainsi falsifier les faits et les documents les plus authentiques de l'histoire ?

Cependant la position de cette princesse devenait de jour en jour plus difficile. D'une part les rigueurs que son conseil lui représente comme nécessaires, faisaient appréhender à plusieurs de nouvelles calamités; de l'autre, tout annonçait que sa clémence, longtemps inutile, deviendrait inévitablement dangereuse avec des ennemis irréconciliables. L'épreuve était au-dessus des forces de l'infortunée Marie. Trompée dans ses espérances de maternité, malheureuse dans plusieurs expéditions militaires, sans cesse agitée par des provocations, des conspirations et des attentats contre sa personne ou son gouvernement, tout contribuait à assombrir ses pensées et à miner une constitution que tant de secousses avaient déjà violemment ébranlée. Une dernière épreuve l'attendait encore : c'était la perte de l'évêque Gardiner, son grand chancelier, l'homme dont les conseils lui étaient surtout indispensables en ce moment. Se souvenant sur son lit de mort de la chute qu'il avait faite sous Henri VIII, le prélat repentant répandait des larmes en abondance. « J'ai renié avec Pierre, s'écriait-il, je me suis éloigné avec Pierre; mais je n'ai pas encore pleuré amèrement avec Pierre. » Le trépas de ce ministre, qui, par sa prudente fermeté, sa vigilance et son adresse, était parvenu, de concert avec le cardinal Pole, à rétablir les affaires religieuses du royaume, pouvait être regardé comme un malheur public. Quand son influence n'aurait pas été aussi sensible, on eût pu la reconnaître au changement qui se manifesta immédiatement dans la conduite des sectaires. L'occasion leur paraissait favorable: Marie, pour la première fois depuis son avènement au trône, demandait des subsides. Aussitôt qu'il en est instruit, le duc de Noailles recommence ses perfides menées

1. Burnet, Hist. of Reform., vol. II, p. 336. Dans la préface de ce même ouvrage, Burnet reconnaît que le mérite de Cranmer « se serait élevé trop haut s'il n'y avait dans sa vie ces faiblesses qui en quelques occasions parurent en lui. » Le lecteur a vu et peut apprécier ces faiblesses (feeblenesses).

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