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est chancelante et votre corps affaibli. Objet de haine pour les hérétiques et de honte pour les catholiques, vous êtes l'affliction des vôtres, la risée de vos ennemis, et, poursuivi par les remords de la conscience, vous usurpez faussement le nom d'évêque. Approbateur d'une secte empestée qui ne vous plaît point; frappé d'anathème et retranché du corps dans lequel seul demeure Jésus-Christ; dépouillé du bienfait de tous les suffrages, de tous les sacrifices, de tous les sacrements, qu'êtes-vous donc? Qu'attendez-vous? Quelle est votre vie et quelle espérance peut-il vous rester, à vous que les hérétiques poursuivent d'une haine implacable et qu'ils chargent d'injures? Et tout cela, pourquoi? Parce que, entre tous les hérétiques, vous errez de la manière la plus tolérable; parce que vous reconnaissez la présence véritable du Christ sur l'autel et le libre arbitre de l'homme; parce que, dans votre diocèse, vous ne foulez aux pieds aucun catholique; parce que vous êtes estimé de vos concitoyens et des hommes de bien; parce que vous ne dépouillez pas, comme vos confrères, votre palais et vos terres. Assurément ces choses-là vous seront profitables si vous rentrez dans le sein de l'Église; si, avec vos proches dans la foi, vous souffrez, ne fût-ce qu'un peu, et réfléchissez d'une manière salutaire. Mais maintenant que vous êtes en dehors de cette Église et son ennemi; maintenant que, comme un coupable transfuge, vous combattez sous un chef étranger, c'est en vain que vous vous appliquez à expier des péchés nombreux par des apparences de vertu. Vous n'y gagnerez rien, si ce n'est peut-être, dans les supplices éternels, d'être un peu moins tourmenté qu'un Judas, qu'un Luther, qu'un Zwingle, ou que ces mêmes Hooper, Humphrey et Sampson, vos antagonistes.

Qu'importe, je vous le demande, le genre de mort? (Car pour la mort elle-même il n'y a pas à s'en occuper.) Qu'importe qu'on soit précipité d'un rocher dans la mer ou que de la rive d'un fleuve on soit jeté dans ses eaux?... Qu'importe que l'on combatte pour un plus grand nombre d'articles de foi, si l'on périt parce qu'on chancelle sur quelques-uns? Qu'importe d'éviter les flammes si l'on est suffoqué par la fumée ? Celui-là ne croit aucun article de foi qui refuse de croire l'un ou l'autre de ces articles. Car dès qu'il a franchi avec opiniâtreté les limites de l'Église, colonne et fondement de la vérité à qui Jésus-Christ, vérité suprême, première et absolue, source, chef, lumière, voie et règle des fidèles, inspire toutes choses, quels que soient les dogmes catholiques qu'il conserve, s'il en attaque un seul malicieusement, dès lors il n'adhère plus aux autres articles de cette foi orthodoxe sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu, mais à ses idées et à son propre jugement. C'est inutilement que vous défendez la religion des catholiques si vous n'en adoptez que ce qu'il vous plaît et si vous retranchez ce dont vous ne voulez pas. La voie est une, droite et connue; bornée, non par des limites que vous ou moi y poserons ou qu'y poserait un jugement privé, mais par les lois sévères de l'humilité et de l'obéissance. Si vous vous en écartez, vous sortez de la voie. » Campian, rappelant alors cette sentence du Sauveur : « Celui qui ne recueille point avec moi disperse, » demande au prélat anglican s'il est disposé à suivre les errements des sacramentaires et des luthériens, condamnés aujourd'hui par les conciles œcuméniques auxquels, lui, Richard Cheney, croit qu'il faut s'en rapporter en toute confiance. Puis, le faisant ressouvenir de la circonstance

où cet aveu avait échappé de ses lèvres : « Vous rappelez-vous, continue-t-il, de ce que vous me dites à moimême, d'une manière grave et religieuse, il y a trois ans, un soir que nous soupions ensemble dans la maison du très honorable Thomas Dulton? La conversation était tombée sur saint Cyprien. Afin de mieux sonder vos sentiments, je vous objectai ce synode de Carthage qui avait erré touchant le baptême donné par des hérétiques; et vous me répondites alors, ce qui est bien vrai, que le Saint-Esprit était promis, non à une province, mais à l'Église; que cette Église était universellement représentée dans un concile œcuménique, et qu'on ne pouvait montrer qu'un concile semblable eût erré sur une doctrine quelconque. Reconnaissez vos armes, ces armes avec lesquelles vous combattez votre adversaire sur le mystère de l'Eucharistie. Vous proclamez l'univers chrétien, l'assemblée des évêques dépositaire du dépôt, c'est-à-dire de l'ancienne foi; vous les recommandez au peuple comme les interprètes de l'Écriture. Vous vous riez avec raison de la fiction impudente de certains faussaires et la rejetez. Mais maintenant que dites-vous? » Campian poursuit son argument. Il représente cette assemblée de légats, de cardinaux, d'évêques, de docteurs, de tous les personnages les plus remarquables par leur autorité, leur vertu, leur science, leur étonnante érudition, venus de toutes les parties de l'Europe et de l'Angleterre elle-même. << Tous ces hommes, aussi longtemps que vous vivrez comme vous le faites maintenant, vous frappent, vous rejettent, vous retranchent, vous condamnent. Pourquoi donc, puisque vous êtes en guerre avec vos collègues, ne vous soumettez-vous pas entièrement et sans restriction aux doctrines professées par ces pères?....

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sous Elisabeth et les premiers Stuarts. 219

Avez-vous vu dans la cène du Seigneur quelque chose qu'ils n'aient point vu, qu'ils n'aient point discuté, qu'ils n'aient point résolu ? Vous êtes donc vaincu par vos juges, qui forment par leur nombre, leur qualité et leur autorité, le témoignage le plus grave et le plus fort qu'il soit possible de trouver dans tout l'univers. » Le jeune et pieux néophyte termine sa lettre par un appel chaleureux au cœur du vieillard. Il ne doute pas que la conviction ne soit dans son esprit ; « mais les richesses et les jouissances du siècle n'étouffent-elles point la bonne semence ? » C'est ici que Campian, avec une délicatesse extrême, déploie toutes les ressources de sa parole éloquente et onctueuse. L'hérésie est impitoyable, il le sait; elle condamne à la persécution, à la spoliation, à la captivité, à la mort quelquefois ceux qui ont le courage de l'abandonner. Mais tous ces périls. l'Anglais qui revient généreusement à la foi de ses pères peut les éviter. « Ah! si vous aviez goûté les douceurs de notre exil, lui dit-il; si vous aviez purifié votre conscience; si vous aviez considéré des yeux et du cœur ces exemples vivants de piété qui resplendissent en ces lieux dans les évêques, les prêtres, les religieux, les savants des académies, les hauts dignitaires et les laïques de tout âge, de toute condition et de tout sexe!... » Que s'il ne peut voler librement où il voudrait, du moins qu'il arrache son âme à ses chaînes pesantes. En finissant, Campian demande pardon au vieil évêque anglican, au nom de l'affection qu'il lui porte, pour les paroles qu'il vient de lui adresser. Il serait si heureux d'éloigner de sa tête vénérable le danger grave et imminent qui la menace. Il l'attend donc près de lui; il l'attend autant qu'il l'aime (1). »

1. Dodd's Church History, t. II, p. 305.

Edmond Campian ne revit point le respectable ami de ses jeunes années; mais il eut la consolation d'apprendre que Richard Cheney avait renoncé à l'erreur pour rentrer dans le sein de l'Église romaine. Cette conversion, qui mérita au vieillard les honneurs de la persécution, fut certifiée par Jean Goodman, autre évêque anglican de Glocester, qui, quelques années plus tard, donna un semblable exemple au monde chrétien. L'histoire n'en cite plus d'autres à cette époque. L'hérésie, par la séduction des richesses, des honneurs et des dignités, avait entraîné loin de la vérité catholique les âmes lâches ou infidèles : pour retenir ses victimes sous son joug et les multiplier de plus en plus, elle va désormais ajouter à de nouvelles intrigues la terreur, la spoliation et les supplices.

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