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constamment environnés, et ils les reçoivent sans intermé diaire et sans modifications. Ils dépendent du sol qu'ils exploitent, des rivières dont ils habitent les bords, ils ont toujours sous les yeux la vaste étendue de l'horizon, la verdure des forêts, l'éclat du ciel; et mieux que personne ils connaissent l'hiver et ses frimats, et les vents glacés du nord. L'histoire de tous les peuples confirme cette opinion, et partout chez les nations détruites, les habitants de la campagne ont conservé le type des ancêtres dont la puissance est renversée. C'est dans la campagne de Rome que vivent encore des hommes qui ressemblent aux fameux dominateurs de l'ancien monde. Les vallées de la Thessalie et de l'Epire ont conservé des Hellènes qui ont reparu de nos jours semblables aux Grecs d'Athènes et de Sparte, et le vrai type gaulois se montre encore partout en France loin des villes dont les habitants subissent toujours en tous pays les influences modificatives du contact des étrangers.

Telle est, messieurs, l'influence que la disposition du sol et la nature du climat ont exercé sur les établissements, et par contre-coup sur le caractère national. Ces analogies sont toutes naturelles, et d'autant plus exactes que les institutions humaines n'ont pas essayé de les combattre; au contraire, les règlements, les lois semblent avoir été dictées par des hommes éclairés et philosophes, qui, la terre et le ciel devant les yeux, ont voulu qu'ils leur servissent de règle et de guide. Les préjugés antérieurs, les coutumes, les habitudes de leur pays, de la terre, du climat où ils avaient vécu, n'ont pu rien sur eux; et c'est un hommage que nous devons aux premiers fondateurs du Canada civilisé, de reconnaître la justesse de leur coup-d'œil et la grandeur de leurs vues, en découvrant des terres nouvelles, et en se conformant aux exigences de la nature dès le début des établissements qu'ils y ont formés. Leur pensée, l'ordre qu'ils ont établi d'accord avec la nature ont dominé presque sans modification jusqu'à aujourd'hui; les législateurs de

notre temps suivront-ils leurs traces? De là dépendent nos destinées futures. Pour nos destinées passées, en mettant de côté les faits humains, le gouvernement, le changement de quelques-unes de nos institutions, le mélange des populations, nos destinées, celles qui dépendent des faits naturels que j'ai décrits, ont suivi leur cours; elles n'ont pas été froissées et n'ont pu l'être, notre pays est encore trop nouveau, la nature produit encore des impressions trop puissantes pour être combattues.

La population canadienne s'est décuplé depuis cent ans; toujours sociable, toujours unie, toujours uniforme dans son langage, ses usages, ses goûts, elle occupe toutes les côtes du Saint-Laurent depuis le golfe, et toute la vallée basse du grand fleuve jusqu'aux terres hautes au nord, et sur une largeur égale au midi, et depuis que des faits humains auxquels néanmoins les Canadiens n'obéissent pas entièrement leur ont interdit d'occuper les rives du fleuve au-delà des limites du Bas-Canada et les bords des lacs, ils ont suivi les autres rivières, et leurs habitations toujours en ligne, toujours rapprochées les unes des autres, ornent les bords du Richelieu, de la Chaudière, de l'Outaouais, et enfin et tout dernièrement les rives reculées du Saguenay, pour arriver auxquelles il leur faut franchir vingt lieues de rochers inhospitaliers et inhabitables. Les rangs pressés d'établissements qui s'échelonnent derrière ceux qui ont été formés les premiers, reculent tous les jours vers l'intérieur, et ne doivent pas s'arrêter. Nos établissements sont déjà rendus sur l'Outaouais jusqu'à quatre-vingts lieues en remontant depuis Montréal, ils rejoindront bientôt le lac Huron toujours en suivant le cours des eaux; le Saguenay est la grande route de toutes les terres intérieures; et cette plaine élevée sera bientôt envahie par les Canadiens. Ils s'y porteront en foule, quand la propriété du sol pourra leur être acquise avec facilité; et la patrie canadienne, restreinte au midi et au sud-ouest, s'étendra vers le nord; et partout sur tous ces vastes espaces, le Canadien obéira

aux mêmes influences naturelles qui l'ont dominé jusqu'ici, partout il portera ses usages, ses coutumes, son caractère sociable et son unanimité de cœur et de pensée.

En exprimant cette espérance que la patrie canadienne s'étendra dans ces régions, je ne crois pas, messieurs, m'abandonner à une illusion vaine ou présomptueuse. Tout dans notre caractère indique que nous sommes assimilés à notre sol, à notre climat, et à la distribution de nos établissements conformes eux-mêmes à la nature du pays. Le sol de la patrie nous est cher, nous y sommes attachés par tous les liens depuis deux siècles; notre tempérament est fait à la rigueur des hivers, et notre instinct de sociabilité nous empêche de nous en éloigner en grandes masses, quoique d'autres causes obligent beaucoup de Canadiens à sortir isolément du pays dans le temps présent. Où irons-nous donc maintenant que nos terres deviennent trop étroites pour contenir la surabondance de notre population rapidement croissante, où irons-nous ?-Vers le nord, messieurs; et de proche en proche, sans jamais consentir à être trop éloigné du voisin, nos établissements suivront le cours des rivières, les bords des lacs, et s'étendront sur de vastes espaces sans cesser d'être contiguës, sans que jamais un Canadien soit privé de la société, du secours d'un autre Canadien.

Cette patrie plus étendue sera en tout point la même que la patrie d'aujourd'hui, sauf plus d'espace pour le terrain et plus de nombre pour les hommes. Le nord du Canada sera le domaine des Canadiens-français, tout le nord. Eux seuls aimeront à y vivre. En effet, remarquez les populations qui arrivent chaque année par milliers dans notre pays, elles s'en vont vers l'ouest et le midi, elles suivent la route du grand fleuve, jusques au-delà de nos limites; les efforts du gouvernement de l'Angleterre, malgré les lois modernes d'établissement qui sont toutes en faveur de l'émigré, ne peuvent le retenir dans le Bas-Canada, et le nombre de ceux qui s'y fixent diminue chaque année, excepté dans les villes,

où j'ai dit que ne résidait point la force d'un peuple. Le Bas-Canada, la campagne nous restera donc, et ne cessera de s'étendre, et le nord sera à nous. Quels que soient les événements, d'ici à vingt-cinq ans, la patrie canadienne comptera plus d'un million d'enfants du sol, et quel fait humain, quelle puissance au monde pourrait éteindre, anéantir ce peuple, défendu par cette force d'inertie qu'il possède à un si haut degré et qui lui permet de résister à toutes les influences, par cette sociabilité qui lui donne l'unanimité, l'union et la force, et par-dessus tout défendu par cette position isolée vers le nord, à l'extrémité d'un continent, position inexpugnable presque de tous les côtés; qui fait ressembler le Canada à une île bordée de toutes parts de bancs de glaces redoutés de l'envahisseur. Telles sont les raisons sur lesquelles je fonde mes espérances et qui me font croire que, grâce à notre sol et à notre climat, grâce au caractère et à l'état social qui en résultent, ainsi qu'à notre isolement, notre nationalité ne périra pas, que le peuple canadien ne s'effacera pas de la terre, mais qu'il aura une longue durée et survivra à bien d'autres nations qui croient leur existence et leurs destinées éternelles.

1848.

GUILLAUME LEvesque.

DISCOURS PRONONCÉ DEVANT L'INSTITUT CANADIEN DE MONTRÉAL.

CONSIDÉRATIONS SUR NOTRE SYSTÈME D'ÉDUCATION POPULAIRE, SUR L'ÉDUCATION EN GÉNÉRAL ET LES MOYENS LÉGISLATIFS D'Y POURVOIR.

MESSIEURS,-Avant d'entrer en matière, je dois vous faire remarquer que, pour me conformer à l'acception commune du mot éducation en ce pays, j'ai dû, dans le cours de cette lecture, l'employer fréquemment dans le sens plus restreint des mots enseignement ou instruction. Le mot

éducation, comme vous savez, comprend tous les perfectionnements dont l'homme en société est susceptible. Ainsi, l'éducation est morale et religieuse, physique et intellectuelle tout à la fois. L'enseignement, l'instruction, dans leur acception ordinaire, ne se rapportent qu'à l'intelligence, et ne comportent conséquemment qu'une partie du sens du mot éducation. Ceci expliqué, entrons en matière.

Au milieu de la tourmente politique, qui nous a ballotés pendant le demi-siècle écoulé, et dont nous ressentons encore les oscillations, l'éducation du peuple, comme l'éclair au milieu de l'orage, est, de tous les sujets qui ont attiré l'attention pendant cette période, celui qui a su le mieux percer les nuages qui obscurcissaient l'horizon politique, et partager l'opinion publique avec les grandes questions de réforme et de liberté constitutionnelles, qui n'ont cessé d'être à l'ordre du jour. La presse, comme toujours, a pris sur le sujet une vive et féconde initiative; la tribune lui a fait un éloquent et fidèle écho, et la législature, cédant à ces deux voix du peuple, a été, depuis une quinzaine d'années surtout, prodigue de lois et de secours en faveur de l'éducation. Aussi, je crains presque d'être accusé de témérité, en venant vous entretenir d'un sujet sur lequel le dernier mot doit avoir été dit depuis longtemps.

Oui, le dernier mot a été dit; les hommes éclairés et amis de leur pays sont tous d'accord sur les avantages, sur la nécessité, sur l'obligation d'instruire le peuple. Mais que signifie donc cette opposition si vive et en apparence si générale sur plusieurs points du pays que rencontrent vos lois d'éducation parmi le peuple? Ici, vous voyez ce peuple, si plein de vénération pour ses pasteurs spirituels, rester sourd à leurs exhortations en faveur de l'éducation. Là, le ministre de l'évangile, pour ne pas compromettre son saint ministère, juge prudent de s'abstenir. Plus loin, les hommes les plus influents, les plus justement respectés sont l'objet de la défiance publique. Ailleurs, nos bons habitants toujours si paisibles, si soumis aux lois, opposent la force ouverte aux a

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