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ils ne commencent qu'à s'abreuver à la coupe de la vie, voilà que tout-à-coup le malheur vient flétrir de son souffle empoisonné leurs candides existences. Oh! que dans ce monde, il y a d'amères illusions! Pourquoi plutôt la mort ne va-t-elle pas chercher ses victimes au milieu de cette foule errante, vagabonde, malheureuse, criminelle? Regardez ce jeune homme. Comme il est pâle! comme ses joues sont creuses et desséchées ! ses yeux hagards! ses lèvres livides d'amertume! Il maudit tout: Dieu, le monde, l'instant qui le vit naître. Ses jours lui sont à charge. Croyez-vous que la mort va le frapper? Non.... A lui misère, honte, horreur, et longues années!... et longues années! ou le crime ! car un poignard la forcera peut-être à le laisser passer sous sa sombre bannière. Encore ce sera avec regret qu'elle l'acceptera. N'a-t-il pas maudit la vie?... Pourquoi la mort ne le maudirait-elle pas à son tour?

Autrement remplirait-elle la triste mission que le ciel lui a confiée ? N'est-ce pas une vengeance qu'elle accomplit? Tenez, voyez-là dans sa rage, moissonner les plus belles fleurs. Elle n'attend pas même qu'elles aient exhalé leur parfum. C'est ainsi qu'elle a cueilli au printemps ces jeunes enfants, eux que la vie avait bercé des plus doux rêves; eux qui s'étaient promis le matin encore de ce jour-là, félicité et bonheur. Et maintenant il ne reste plus qu'un cadavre de tant de jeunesse et d'amour; puis une jeune femme pâle comme la mort et mourante elle-même.

Ils

Cependant les Iroquois ont cessé leur massacre. seront émus devant cette grande douleur. Mais Talasco est toujours inflexible, il a levé son casse-tête.

-Arrête, père, s'écria Françoise, arrête ! reconnais du moins ton fils, il fut mon époux, et il est mort.

-Mort, et bien qu'il en porte la marque, répondit le sauvage, et d'un seul coup, il sépara la tête d'Eugène de son corps. Un cri d'horreur s'éleva dans les airs. C'était la première expiation de la jeune femme d'avoir trop aimé. Il n'y eut bientôt, sur les riants rivages du St. Louis, que des

ruines et des ossements, et l'on n'entendit que les chants funèbres de l'oiseau de nuit, planant au-dessus des derniers flots de fumée........

Quelques jours plus tard, une autre scène se passait à Onnontagué. Tous les sauvages, réunis autour de leur chef, étaient bien tristes. Talasco se leva, et s'approchant de sa fille, il lui souleva lentement la tête:

-Ecoute, enfant, lui dit-il, veux-tu renoncer à ce signe, (et il montra le crucifix que Françoise avait à son cou,) qui te fait reconnaître pour l'esclave des chrétiens? Parle, car ton sang pourrait bien couler avant le coucher du soleil, sur l'autel du Dieu Aréouski.

-Arrête, frère, dit l'un des sauvages, le jeune buisson ne se jette pas si promptement au feu. Attends jusqu'au nouveau lever de l'aurore, la voix de la mère ramènera au nid le petit qui s'égare.

-Non, non, mon père, ne me renvoie pas à ma mère. Je ne renoncerai pas à mon Dieu. Tu peux me frapper, ton couteau est déjà teint du sang de celui qui fut mon époux. Frappe, te dis-je, je ne crains rien. Ne suis-je pas Iroquoise?

-Tu l'as dit, le pur sang des Iroquois coule dans tes veines. Je reconnais bien ma fille... Frères, préparez le bucher.... Les ombres de cette nuit couvriront ses cendres.

La jeune femme monta d'un pas ferme sur la charpente qui devait lui servir de tombeau. Une auréole de gloire brillait sur sa figure; ce n'était plus une femme.... c'était un ange !.... Les flammes s'élevèrent avec fureur dans les airs. Elle pressa le crucifix sur ses lèvres. Talasco furieux, se précipita sur le bucher, et le lui arrachant, il lui fit avec son couteau une large incision en forme de croix :

-Voilà, cria-t-il, le signe que tu aimes, le signe des ennemis de ton père. Meurs et qu'il soit le compagnon de

ta mort.

—Merci, mon père, murmura la jeune femme chancelante. C'est là en effet le signe de mon amour.... je le porterai là

haut.... Eugène.... mon Dieu.... au ciel.... avec lui.........

le

Un tourbillon de fumée la déroba aux regards des spectateurs. C'était la dernière expiation de sa faute et sa jeune âme, qui dans la vallée du St. Louis, n'avait vécu que pour cœur, était allée rejoindre au ciel celle de son Eugène, pour là s'enivrer au sein des délices célestes, de ces divines jouissances d'amour que la Cité Sainte lui enviait, et dont elle lui avait refusé de goûter sur la terre la suavité, comme si elle avait été jalouse de ce bonheur, à la coupe duquel, dans sa grandeur et sa bonté, elle avait permis à tout homme de boire à longs traits.

C. V. DUPONT (1).

1844.

BONHEUR EN FAMILLE.

(Impromptu.)

À UNE DEMOISELLE.

La douce paix de cet asile
Sourit à votre âme tranquille.
A l'abri du toit paternel,

Du malheur vous bravez l'orage;
Puissent vos jours, sans un nuage,
Ignorer un destin cruel!

Goûtez-la cette paix profonde
Que ne donna jamais le monde,
Hélas! ni ses prestiges vains.
Le bonheur n'y semble qu'un songe,

L'amitić souvent un mensonge :

Ainsi le veulent les humains!

(1) M. C. V. Dupont était étudiant en droit à Québec. Il s'est noyé en 1845 près du Quai des Indes, dans le port de Québec.

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Voyez-les au sein de leur joie :
Des soucis trop facile proie,
Le plaisir même est leur écueil.
Heureuse au toit qui vous abrite,
Pour la vanité qui s'agite
Ne dépassez jamais le seuil!

Naguère j'ai vu mes années
Comme les vôtres fortunées;
Mon ciel était toujours d'azur.
Mais de longs chagrins avant l'âge,
M'offrant le malheur en partage,

Ont troublé ce calme si pur!

F. M. DEROME.

1844.

LANGAGE D'UN PAPILLON.

INÉDIT.

Au parterre et sur la colline
Je poursuis mon vol incertain,
Car incessamment je butine;
Mais je n'ai pas de lendemain!

Souvent je repose mes ailes
Au calice brillant des fleurs,
Oubliant que bientôt comme elles
S'éteindront mes vives couleurs.

Je meurs ne faisant que de naître,
Après un fugitif plaisir.
Est-ce là ce qu'on appelle être,
Que vivre et puis sitôt mourir!

Mais, déjà quittant le parterre,
A tout il me faut dire adieu;
-Tel, s'il n'est plus sur cette terre,
L'espoir doit s'envoler vers Dieu!

F. M. DEBOME.

1844.

LE GÉNIE DES FORÊTS.

Il est dit qu'une fois, sur les arides plaines,
Qui s'étendent là-bas, dans les vieilles forêts,
L'esprit des noirs brouillards qui couvrent ces domaines
Dormit à l'ombre d'un cyprès.

Mais il n'était pas seul: l'air pensif, en cadence,
Pressés autour de lui, des hommes s'agitaient;
Un chant rompit bientôt leur lugubre silence:
Voici quel chant ils écoutaient.

Foule de guerriers sans courage,
Je le sais et tu t'en souviens,

Parce que tu n'aimais qu'un indigne carnage,
Mes pères ont maudit les tiens.

Parce que tu mangeais des entrailles de femme,
Tu t'engraissais des chairs de tes amis,
Et que jamais, chez toi, n'étincelle la flamme,
Qu'autour de tremblants ennemis.

Va voir, si tu le peux, au seuil de nos cabanes,
Les pâles et rouges débris

Des chevelures et des crânes

Qu'en ton sein autrefois ma hache avait surpris.

Foule de guerriers sans courage,
Je le sais et tu t'en souviens,

Parce que tu n'aimais qu'un indigne carnage,
Mes pères ont maudit les tiens.

Viens donc! apporte la chaudière,

Tu boiras le jus de mes os!

Viens donc assouvis ta colère,

Tu ne m'entendras pas pousser de vains sanglots!

Ils frappent les haches brisées
A leurs pieds tombent en éclats;
Ils frappent leurs mains épuisées
Restent sans vigueur à leurs bras.
Lui, cependant, avec un rire horrible,
Le cou tendu, les yeux sans mouvement,

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