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besoin pour suppléer au don d'une oreille sensible, qui seule peut-être a manqué à quelquesuns de ceux qu'on estime, et qu'on ne lit pas. Voyez HARMONie de Style.

ATTENTION. C'est une action de l'esprit qui fixe la pensée sur un objet et l'y attache; au contraire de la dissipation, qui la dérobe à ellemême; de la rêverie, qui la laisse aller au hasard sur mille objets, dont aucun ne l'arrête; et de la distraction, qui l'amuse loin de l'objet qui la doit

occuper.

L'attention donne à l'esprit une fécondité surprenante et bien souvent inespérée : c'est peutêtre le plus grand secret de l'art, le plus grand moyen du génie (1). Ce que tout le monde aperçoit d'un coup-d'oeil dans la nature n'a rien de piquant dans l'imitation : le charme de celle-ci consiste à nous frapper de mille traits intéressants qui nous avaient échappé; or c'est l'attention qui les saisit, et qui, changée en habitude, distingue le regard pénétrant de l'artiste, du regard distrait, vague et confus de la multitude.

Il n'est pas bien décidé que le poëte, dont les peintures vous ravissent par la nouveauté des détails et leur vérité singulière, soit né avec plus

(1) Inter ingenium et diligentiam perpaululum loci reliquum est arti. (De Orat.)

de talent que vous pour imiter la nature : vous l'auriez peinte comme lui, si vous l'aviez étudiée avec là même attention que lui; mais tandis que vos yeux se promènent sans réflexion, comme sans dessein, sur ce qui se passe autour de vous; les siens ne cessent d'épier la nature, et d'observer ce qui lui échappe de singulier et de piquant.

Lorsque l'attention se porte sur ce qui se passe au-dedans de nous-mêmes, elle s'appelle réflexion; et lorsque la réflexion est profonde et long-temps fixe, elle s'appelle méditation : c'est la source des grandes pensées. Rien de superficiel n'est rare; rien de commun n'est précieux : c'est en creusant que le génie s'enrichit des trésors cachés dans les entrailles de la nature, semblable au chêne que nous peint Virgile, qui, plus il étend ses racines, plus il élève ses rameaux.

B.

BALLADE. Petit poëme régulier, composé de trois couplets et d'un envoi, en vers égaux, avec un refrain, c'est-à-dire avec le retour du même vers à la fin des couplets, ainsi qu'à la fin de l'envoi.

Dans la ballade, les trois couplets sont symétriquement égaux, soit pour le nombre des vers, soit pour l'enlacement des rimes. C'est une stance de huit, de dix, de douze vers, en deux parties. L'envoi n'en est qu'une moitié, et il répond communément à la seconde partie de la stance. Les parties correspondantes des trois couplets sont sur les mêmes rimes; et l'envoi conserve les rimes de la partie à laquelle il répond.

Ce petit poëme a de la grâce et de la régularité dans sa forme; et quand le refrain en est heureusement amené à la fin des couplets, il leur donne un tour très-piquant.

Nos anciens poëtes, comme Villon et Marot, n'y ont employé que les vers de dix et de huit syllabes: celui de douze n'était guère en usage; et sa gravité semblerait déplacée dans un poëme qui doit garder la naïveté du vieux temps.

La ballade a passé de mode depuis madame

Deshoulières; mais si quelqu'un veut s'y amuser encore, il fera bien de lui conserver le tour du style de Marot, sans trop affecter son langage. La Fontaine est un excellent maître dans l'art de rajeunir cette ancienne naïveté.

Comme la forme de la ballade est difficile à décrire avec précision, en voici un modèle pris de Marot, et dans lequel on remarquera, comme une singularité, qu'il y a deux refrains au lieu d'un.

BALLADE du frère Lubin.

Pour courir en poste à la ville,
Vingt fois, cent fois, ne sais combien;
Pour faire quelque chose vile;
Frère Lubin le fera bien.

Mais d'avoir honnête entretien,

Ou mener vie salutaire,

C'est à faire à un bon chrétien :

Frère Lubin ne le peut faire.

Pour mettre (comme un homme habile}

Le bien d'autrui avec le sien,

Et vous laisser sans croix ne pile;

Frère Lubin le fera bien.

On a beau dire, je le tien,

Et le presser de satisfaire;

Jamais ne vous en rendra rien :

Frère Lubin ne le peut faire.

Pour débaucher, par un doux style,
Quelque fille de bon maintien,
Point ne faut de vieille subtile;

Frère Lubin le fera bien.

Il prêche en théologien ;

Mais pour boire de belle eau claire,
Faites-la boire à notre chien:

Frère Lubin ne le peut faire.

Envoi.

Pour faire plutôt mal que bien,
Frère Lubin le fera bien;

Mais si c'est quelque bonne affaire,

Frère Lubin ne le peut faire.

Le temps de la galanterie fut celui de la ballade, ainsi que de tous ces petits poëmes qui composaient, nous dit Marot, le bréviaire du temple de l'amour.

Ce sont rondeaux, ballades, virelais,
Mots à plaisir, rimes et triolets,
Lesquels Vénus apprend à retenir

A un grand tas d'amoureux nouvelets,
Pour mieux savoir dames entretenir.

La régularité sévère de ces petites pièces de poésie en a fait abandonner le genre, et c'est ce qui aurait dû le rendre intéressant.

Le sentiment de la difficulté vaincue entre plus qu'on ne pense dans le plaisir que nous font les arts; et lorsque cette difficulté n'est pas trop gênante, qu'il y a de l'adresse à la vaincre, et qu'il en résulte un agrément de plus, elle est précieuse à conserver. C'est peut-être ce qui nous rend si chère l'habitude des vers rimés; c'est aussi ce qui nous doit faire regretter ces petits

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