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et mieux

musique a son éloquence, et cette éloquence consiste non-seulement à exprimer, comme la parole que la parole, le sentiment qui leur est commun; mais à le varier, à le développer, à lui donner par accroissement tous les caractères dont il est susceptible; et c'est là son grand avantage sur la simple déclamation.

De combien de manières une femme, qui se croit trahie par un époux qu'elle aime, ne ditelle pas:

Perche tradir mi,
Sposo infedel?

D'abord c'est un reproche tendre; bientôt un reproche plus vif, plus douloureux et plus amer; enfin c'est de l'indignation, et dans l'expression variée de ces trois nuances de sentiment, la musique peint les effets de la réflexion sur une ame où l'amour, la douleur, le dépit se succèdent. Rien de plus naturel sans doute et rien de plus touchant.

De combien de façons encore une femme qui tremble pour les jours d'un époux adoré, ne ditelle pas :

Non vivo, non moro;

Ma provo un tormento

Di viver penoso,

Di luongo morir.

Or ce sont là les variétés, les nuances, les gradations que la musique exprime en répétant le

mot sensible, avec ces accents imprévus que le génie trouve dans la nature, et dont lui seul semble avoir le secret.

Dans le récitatif et dans le dialogue, c'est l'intérêt de l'action qui domine, et rien ne doit la retarder; dans les situations où l'air trouve sa place, c'est de tel sentiment que l'on est occupé; et si on n'est pas ennemi de son plaisir, on laissera à la musique tous les moyens d'en rendre l'impression plus pénétrante et plus profonde. La simple déclamation a le choix de l'expression la plus touchante; mais elle n'en a qu'une: on ne lui permet pas de renchérir sur elle-même. Le chant a demandé à varier la sienne, à condition de la rendre plus belle et plus sensible par degrés; on lui a accordé cette licence; et quand l'oreille des Français aura mieux appris à goûter tous les charmes de la musique, ils seront aussi indulgents que les Italiens l'ont été. En éloquence et en poésie, l'amplification a son luxe comme en musique; ce luxe est vicieux. Mais l'orateur, le poëte, le musicien, n'ont tort d'amplifier l'expression que lorsqu'ils l'affaiblissent ou qu'ils ne la fortifient pas; et tant que celle du chant nʼinsiste que pour redoubler de chaleur, de véhémence, et d'énergie, il n'y a qu'un goût minutieux et faux qui puisse le trouver mauvais.

Il est à craindre, je l'avoue, qu'un pareil chant, au milieu de la scène, interrompant le dialogue, ne ralentisse l'action et ne refroidisse l'intérêt;

que

et c'est les Italiens l'ont presque cela pour toujours relégué, ou à la fin des scènes, ou dans les monologues; c'est communément là qu'un personnage, livré à lui-même, peut donner plus de développement à la passion qui l'agite, au sentiment dont il est occupé.

Mais au milieu même de la scène la plus vive et la plus rapidement dialoguée, il est des circonstances où ces élans impétueux de l'ame, cette espèce d'explosion des mouvements qu'elle a réprimés, trouvent place, et loin de refroidir la situation, y répandent plus de chaleur. Que devient alors, demandera-t-on, l'interlocuteur à côté duquel on chante? Ce qu'il devient dans une scène tragique, lorsqu'emporté par une passion violente, le personnage qui est en scène avec lui, l'oublie et se livre à ses mouvements. Que devient OEnone, pendant le délire de Phèdre? que devient Electre ou Pylade pendant les accès de fureur où tombe Oreste? que devient Néoptolème, à côté de Philoctète rugissant de douleur? Tout personnage vivement intéressé à l'action ne saurait être froid ni sans contenance sur la scène; soit que son interlocuteur parle ou chante, il le met en jeu, en l'affectant lui-même des passions dont il est ému; et s'il ne sait que faire alors, c'est qu'il manque d'ame ou d'intelligence.

Ce qui nuit le plus réellement à la chaleur de l'action, ce sont ces 'longs préludes et ces longs

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épilogues de symphonie, qu'on nomme ritournelles. Quelquefois elles sont placées pour annoncer les mouvements de l'ame qui précèdent l'air, ou pour exprimer un reste d'agitation dans le silence qui le suit. Mais en général ces libertés que se donne le musicien, pour briller aux dépens du poëme, font une longueur importune; et l'on ne saurait être trop ménager de cette espèce d'ornements. Voyez Duo, Récitatif.

ALEXANDRIN. Ce vers, qu'on appelle héroïque, nous tient lieu du vers hexamètre, et à sa place nous l'employons dans la haute poésie; mais quant au nombre et au mètre, c'est au vers asclépiade latin que notre vers héroïque répond. Composé de douze syllabes ainsi que l'asclépiade, il en a la coupe et le rhythme, avec cette différence que le premier hémistische de l'asclépiade n'est pas essentiellement séparé du second par un repos dans le sens, mais seulement par une syllabe qui reste en suspens après le second pied; au lieu que dans le vers français, c'est dans le sens que doit être marquée la suspension de l'hémistiche.

Plus le vers héroïque français approche de l'asclépiade par les nombres, et plus il est harmonieux. Or ces nombres peuvent s'imiter de deux façons, ou par des nombres semblables, ou par des équivalents.

On sait que les nombres de l'asclépiade sont le spondée et le dactyle, et que chacun de ces deux pieds forme une mesure à quatre temps. Ainsi toutes les fois que le vers héroïque français se divise à l'oreille en quatre mesures égales, que ce soit des spondées, des dactyles, des anapestes, des dipyriques, ou des amphibraques, il a le rhythme de l'asclépiade, quoiqu'il n'en ait pas les nombres. Voyez NOMBRE.

Le mélange de ces éléments étant libre dans nos vers français, il les rend susceptibles d'une variété que ne peut avoir l'asclépiade, dont les nombres sont immuables. Cependant nos grands vers sont encore monotones; et cette monotonie a deux causes : l'une, parce qu'on ne se donne pas assez de soin pour en varier les césures; l'autre parce que, dans nos poëmes héroïques, les vers sont rimés deux à deux; et rien de plus fatigant pour l'oreille que ce retour périodique de deux finales consonnantes, répété mille et mille fois.

Il serait donc à souhaiter qu'il fût permis, surtout dans un poëme de longue haleine, de croiser les rimes, en donnant, comme a fait Malherbe, une rondeur harmonieuse à la période poétique. Peut-être serait-il à souhaiter aussi que, selon le caractère des images et des sentiments qu'on aurait à peindre, il fût permis de varier le rhythme et d'entremêler, comme a fait Quinault, le vers de huit avec celui de douze.

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