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ARTICLE I.

Est-on libre, avec la grâce, de faire ou de ne pas faire le bien?

517. Il est de foi que le libre arbitre n'a point été détruit par le péché d'Adam; qu'il subsiste même sous l'influence de la grâce efficace; que, dans l'état présent, l'homme est vraiment libre, d'une liberté de choix ; libre, exempt, non-seulement de toute contrainte ou coaction, mais de toute nécessité simple, absolue ou relative, de toute propension, impulsion, détermination, délectation invincible; et qu'il peut, à volonté, obéir ou résister à la grâce, lui donner ou lui refuser sa coopération. « Qu'il soit anathème, celui qui dit que le libre arbitre de l'homme a été perdu et éteint depuis le péché d'Adam, et que ce n'est plus qu'un vain nom, une « fiction introduite dans l'Église par Satan (1)! Qu'il soit anathème, «< celui qui dit que le libre arbitre de l'homme, mù et excité de « Dieu, ne coopère en rien, en consentant à la grâce qui l'excite et « l'appelle, pour se disposer et se préparer à obtenir la justification, et qu'il ne peut refuser son consentement, s'il le veut ; mais « que, comme un être inanimé, il ne fait absolument rien, et qu'il « est purement passif (2)! Anathème, celui qui dit qu'il n'est pas « au pouvoir de l'homme de rendre ses voies mauvaises, mais que Dieu opère le mal comme le bien, non-seulement en tant qu'il le « permet, mais proprement et par lui-même! de sorte que la tra<< hison de Judas n'est pas moins son propre ouvrage que la voca«<tion de saint Paul (3). »

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518. Le pape Innocent X, dont la constitution a été reçue dans toute l'Église, a condamné comme hérétiques les trois propositions suivantes de Jansénius : « Pour mériter et démériter dans l'état « de nature tombée, la liberté qui exclut la nécessité n'est point

(1) Si quis liberum hominis arbitrium post Adæ peccatum amissum et exstinctum esse dixerit; aut rem esse de solo titulo, imo titulum sine re; figmentum denique a Satana invectum in Ecclesiam ; anathema sit. Concile de Trente, sess. Iv, can. v.- (2) Si quis dixerit, liberum hominis arbitrium a Deo motum et excitatum, nihil cooperari assentiendo Deo excitanti atque vocanti, quo ad obtinendam justificationis gratiam se disponat, ac præparet; neque posse dissentire, si velit, sed veluti inanime quoddam nihil omnino agere, mereque passive se habere; anathema sit. Ibidem, can. Iv.—(3) Si quis dixerit, non esse in potestate hominis vias suas malas facere; sed mala opera, ita ut hona, Deum operari, non permissive solum, sed etiam proprie, et per se; adeo ut sit proprium ejus opus non minus proditio Judæ, quam vocatio Pauli; anathema sit. Ibidem, can. vi

requise dans l'homme; la liberté qui exclut la coaction suffit. « Les semi-pélagiens admettaient la nécessité de la grâce intérieure « et prévenante pour chaque acte en particulier; et ils étaient hé« rétiques en ce qu'ils voulaient que cette grâce fût telle, que la vo<< lonté de l'homme pût lui résister ou lui obéir. - Dans l'état de - nature tombée, on ne résiste jamais à la grâce intérieure (1). » On ne peut donc mériter ni démériter, dans l'état présent, qu'autant qu'on est libre de toute nécessité; qu'autant que nous pouvons, à volonté, résister ou consentir à la grâce.

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519. L'Église a également flétri les erreurs de Quesnel, et particulièrement les propositions ainsi conçues sur l'efficacité de la grâce: « La grâce de Jésus-Christ est une grâce souveraine, sans laquelle on ne peut jamais confesser Jésus-Christ, et avec la« quelle on ne le renie jamais. La grâce est une opération de « la main toute-puissante de Dieu, que rien ne peut empêcher ni • retarder. La grâce n'est autre chose que la volonté toute• puissante de Dieu, qui commande et qui fait tout ce qu'il com☐ mande. Quand Dieu veut sauver une âme, et qu'il la touche « de la main intérieure de sa grâce, nulle volonté humaine ne lui « résiste. Il n'y a point de charmes qui ne cèdent à ceux de la grâce, parce que rien ne résiste au Tout-Puissant.

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La vraie

« idée de la grâce est que Dieu veut que nous lui obéissions, et il « est obéi; il commande, et tout se fait; il parle en maître, et tout

(1) Le pape Innocent X, par la bulle Cum occasione, du 31 mai 1653, a con. damné, comme il suit, les cinq propositions de Jansénius, extraites du livre intitulé Augustinus Cornelii Jansenii, episcopi Yprensis: « Primam prædictarum << propositionum : Aliqua Dei præcepta hominibus justis volentibus et co« nantibus, secundum præsentes quas habent vires, sunt imposibilia; deest « quoque illis gratia qua possibilia fiant ; temerariam, impiam, blasphemam, « anathemate damnatam et hæreticam declaramus, et uti talem damnamus. « Secundam: Interiori gratiæ, in statu naturæ lapsæ, nunquam resisti« tur; hæreticam declaramus, et uti talem damnamus. Tertiam: Ad me« rendum et demerendum, in statu naturæ lapsæ, non requiritur in ho<< mine libertas a necessitate, sed sufficit libertas a coactione; hæreticam - declaramus, et uti talem damnamus. - Quartam : Semi-pelagiani admitteabant prævenientis gratiæ interioris necessitatem ad singulos actus, « etiam ad initium fidei : et in hoc erant hæretici, quod vellent eam gra« tiam talem esse, cui posset humana voluntas resistere vel obtemperare; "falsam et hæreticam declaramus, et uti talem damnamus. — Quintam : Semi« pelagianum est dicere, Christum pro omnibus omnino hominibus mortuum - esse aut sanguinem fudisse; falsam, temerariam, scandalosam; et intellec<< tam eo sensu, ut Christus pro salute duntaxat prædestinatorum mortuus sit, impiam, blasphemam, contumeliosam, divinæ pietati derogantem, et hæ« reticam declaramus, et uti talem damnamus. >

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« est soumis. La grâce de Jésus-Christ est une grâce forte, «< puissante, suprême, invincible, comme étant une opération de « la volonté toute-puissante, une suite et une imitation de l'opé<< ration de Dieu, incarnant et ressuscitant son Fils (1). » Il résulte, de la condamnation de ces différentes propositions, que la grâce de Jésus-Christ n'est point invincible; qu'elle n'est point une opération du genre de celle qui tire les créatures du néant, qui ressuscite les morts; qu'on peut empêcher ou retarder l'effet de la grâce; qu'on n'est pas toujours fidèle à la volonté de Dieu; qu'on ne fait pas tout ce qu'il commande; qu'on est libre, en un mot, de suivre ou de ne pas suivre le mouvement de la grâce, de faire ou de ne pas faire le bien avec la grâce.

520. L'enseignement de l'Église est fondé sur l'Écriture et la tradition. Nous avons prouvé dans le Traité de Dieu (2), par les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, que l'homme est véritablement libre dans l'ordre moral et dans l'ordre du salut. Aussi les Pères, tout en reconnaissant la nécessité de la grâce, proclament en même temps la liberté de l'homme. Qu'il nous suffise de citer saint Augustin, sur l'autorité duquel les jansénistes prétendent pouvoir appuyer leurs erreurs. Voici comment il s'exprime sur ces paroles de saint Paul, Ne vous laissez point vaincre par le mal: « C'est à la volonté même que s'adresse le précepte de ne << pas se laisser vaincre ; il l'avertit qu'elle n'est vaincue que parce « qu'elle le veut. Car vouloir et ne vouloir pas, sont des actes pro« pres de la volonté (3). » Il dépend donc, selon le Docteur de la grâce, de la volonté de l'homme, de vaincre la tentation ou de se

(1) Propositions de Quesnel condamnées par la bulle UNIGENITUS: «Gratia Christi « est gratia suprema, sine qua confiteri Chrístum nunquam possumus, et cum qua << nunquam illum abnegamus. Prop. ix. Gratia est operatio manus omnipotentis Dei, quam nihil impedire potest aut retardare. Prop. x. — Gratia non <<< est aliud quam voluntas omnipotens Dei, jubentis et facientis quod jubet. « Prop. XI. — Quando Deus vult animam salvam facere, et eam tangit interior} « gratiæ suæ manu, nulla voluntas humana ei resistit. Prop. xii. Nulla << sunt illecebræ, quæ non cedant illecebris gratiæ, quia nihil resistit Omnipoa tenti. Prop. XVI. — Vera gratiæ idea est, quod Deus vult sibi a nobis obe « diri, et obedietur; imperat, et omnia fiunt; loquitur tanquam Dominus, et « omnia sibi submissa sunt. Prop. xx. — Gratia Jesu Christi est gratia fortis, << potens, suprema, invincibilis, utpote quæ est operatio voluntatis omnipoten«tis, sequela et imitatio operationis Dei incarnantis et resuscitantis Filium suum. Prop. xxi. » — — (2) Voyez, ci-dessus, le n° 101, etc. — (3) Utique cui dicitur, Noli vinci, arbitrium voluntatis ejus sine dubio convenitur. Velle enim et nolle propriæ voluntatis est. De la Gráce et du libre arbitre, c. III.

laisser vaincre par elle. Il dit aussi, dans ses livres de la Cité de Dieu « Quand deux personnes également disposées de corps et a d'esprit voient une beauté, que l'une la regarde avec des yeux las« cifs, tandis que l'autre conserve son cœur chaste, d'où vient que « l'une a cette mauvaise volonté, et que l'autre ne l'a pas? Quelle « est la cause de ce désordre? Ce n'est pas la beauté du corps, puis• que toutes les deux l'ont vue également, et qu'elles n'en ont pas « été également touchées. Ce n'est point non plus la différente dis<< position du corps ou de l'esprit de ces deux personnes, puisque << nous les supposons également disposées. Dirons-nous que l'une a « été tentée par une secrète suggestion du malin esprit, comme si ce « n'était pas par sa volonté qu'elle a consenti à cette suggestion? « Pour ôter toute difficulté, si toutes deux sont tentées de même, et « que l'une cède à la tentation et l'autre y résiste, que peut-on dire <«< autre chose, sinon que l'une a voulu demeurer chaste, et que « l'autre ne l'a pas voulu ? Et comment cela s'est-il fait, sinon par « leur propre volonté, attendu que nous supposons la même disposition de corps et d'esprit en l'une et en l'autre (1)? » Il n'était pas possible de donner une idée plus précise de la liberté de choix. Le même docteur dit encore, d'après saint Jérôme, que Dieu nous a créés libres, et que nous ne sommes point entraînés, par la nécessité, ni à la vertu ni au vice: nec ad virtutem nec ad vitia necessitate trahimur; qu'il n'y a pas de récompense où il y a nécessité : ubi necessitas, nec corona est (2); que notre libre arbitre est affranchi de tout lien de nécessité, ab omni vinculo necessitatis (3); que la miséricorde divine nous prévient en tout, mais que consentir ou ne pas consentir à la vocation de Dieu, cela dépend de notre propre volonté : Consentire autem vocationi Dei vel ab eo dissentire propriæ voluntatis est (4).

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(1) Si eadem tentatione ambo tententur, et unus ei cedat atque consentiat, alter idem qui fuerat, perseveret ; quid aliud apparet, nisi unum voluisse, alterum noluisse a castitate deficere? Unde, nisi propria voluntate ubi eadem fuerat in utroque corporis et animi affectio? Liv. xã, de la Cité de Dieu, c. vI.—(2) Quod ait a memorato (venerabili Hieronymo) dictum esse presbytero, liberi arbitrii nos condidit Deus, nec ad virtutem, nec ad vitia necessitate trahimur; alioquin ubi necessitas, nec corona est; quis non agnoscat? Quis non toto corde suscipiat? De la Nature et de la grâce, contre Pélage, c. LV. — (3) Liv. II, contre Faustus, c. v. — (4) In omnibus misericordia Dei prævenit nos: consentire autem vocationi Dei vel ab ea dissentire, sicut dixi, propriæ voluntatis est. Quæ res non solum non infirmat quod dictum est, quid enim habes quod non accepisti; verum etiam confirmat. Accipere quippe et habere anima non potest dona, de quibus hoc audit, nisi consentiendo : ac per hoc quid habeat et quid accipiat,

521. Il est donc constant que, selon saint Augustin, l'homme demeure libre sous l'empire de la grâce, quoique, nous le reconnaissons, ce docteur ne se soit pas toujours exprimé avec toute la précision qu'on pourrait désirer sur la question dont il s'agit. Dans ceux de ses écrits où il établit contre les pélagiens la nécessité et les droits de la grâce, il parait quelquefois, de prime abord, nier ce qu'il admet clairement ailleurs ; ce qui n'a rien d'étonnant, vu que, comme il le dit lui-même, il est si difficile de concilier le libre arbitre avec la grâce, que lorsqu'on défend la grâce il semble que l'on nie le libre arbitre, et que lorsqu'on défend le libre arbitre, il semble qu'on nie la grâce (1). Non, le grand évêque d'Hippone ne pensait point autrement que l'Église sur l'efficacité de la grâce et la liberté de l'homme; et quiconque lira ses admirables écrits, en prenant pour guide l'enseignement catholique, le recon

naîtra.

ARTICLE II.

Y a-t-il une grâce vraiment suffisante qui ne soit pas suivie de son effet?

522. Il est de foi qu'il y a dans l'état présent, qu'on appelle état de nature tombée, une grâce vraiment suffisante, c'est-à-dire, une grâce avec laquelle on peut faire le bien dans la circonstance même où il faut accomplir un précepte, surmonter une tentation, éviter tel ou tel péché, quoiqu'on ne le fasse pas. Cette question a tant de rapport avec la question précédente sur la grâce et le libre arbitre, que nous pourrions nous en tenir à ce qui a été dit. Cependant il ne sera pas hors de propos de rapporter ici quelques preuves du dogme catholique, en faveur de ceux qui auraient de la peine à le bien saisir.

523. L'Église a condamné comme hérétique cette proposition de Jansénius: « Quelques commandements de Dieu sont impossibles, « eu égard à leurs forces présentes, aux hommes justes qui veulent « les accomplir, en faisant tous leurs efforts pour cela il leur « manque la grâce par laquelle ils leur soient rendus possibles (2).» Tous les commandements de Dieu sont donc possibles aux justes; ils ont par conséquent, pour les accomplir, toutes les grâces nécessaires, suffisantes et relatives aux circonstances où ils se trouvent,

Dei est; accipere autem et habere, accipientis et habentis est. De l'Esprit et de la lettre, c. XXXIV. (1) Voyez, ci-dessus, le n° 483. — (2) Voyez, ci-dessus,

le n° 516.

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