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j'oserois solliciter le rétablissement d'un Ordre qui a si bien mérité des Lettres. Je voudrois voir revivre la Congrégation de Saint-Maur et de Saint-Vannes dans l'Abbatial de Saint-Denis, à l'ombre de l'église de Dagobert, auprès de ces tombeaux dont les cendres ont été jetées au vent au moment où l'on dispersoit la poussière du Trésor des Chartes il ne falloit aux enfants d'une liberté sans Loi, et conséquemment sans mère, que des bibliothèques et des sépulcres vides.

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Des entreprises littéraires qui devoient durer des siècles demandoient une société d'hommes consacrés à la solitude, dégagés des embarras matériels de l'existence, nourrissant au milieu d'eux les jeunes élèves héritiers de leur robe et de leur savoir. Ces doctes générations, enchaînées au pied des autels, abdiquoient à ces autels les passions du monde, renfermoient avec candeur toute leur vie dans leurs études, semblables à ces ouvriers ensevelis au fond des mines d'or, qui envoient à la terre des richesses dont ils ne jouiront pas. Gloire à ces Mabillon, à ces Montfaucon, à ces Martène, à ces Ruinart, à ces Bouquet, à ces Dachery, à ces Vaissette, à ces Lobineau, à ces Calmet, à ces Ceillier, à ces Labat, à ces Clémencet, et à leurs révérends confrères, dont les œuvres sont encore l'intarissable fontaine où nous puisons tous tant que nous sommes, nous qui affectons de les dédaigner! Il n'y a pas de frère lai, déterrant dans un Obituaire le diplôme poudreux que lui indiquoit dom Bouquet ou dom Mabillon, qui ne fût mille fois plus instruit que la plupart de ceux qui s'avisent aujourd'hui, comme moi, d'écrire sur l'histoire, de mesurer du haut de leur ignorance ces larges cervelles qui embrassoient tout, ces espèces de contemporains des Pères de l'Église, ces hommes du passé gothique et des vieilles Abbayes, qui sembloient avoir écrit. eux-mêmes les Chartes qu'ils déchiffroient. Où en est la Collection des historiens de France? Que sont devenus tant d'autres travaux gigantesques! Qui achèvera ces monuments autour desquels on n'aperçoit plus que les restes

vermoulus des échafauds où les ouvriers ont disparu? Les Bénédictins n'étoient pas le seul corps savant qui s'occupât de nos antiquités; dans les autres sociétés religieuses ils avoient des émules et des rivaux. On doit aux Jésuites la Collection des Hagiographes, laquelle a pris son nom de l'érudit qui l'a commencée. Le père Hardouin, mon compatriote, ignoroit-il quelque chose? esprit un peu singulier toutefois. Le père Labbe doit être noté pour avoir fourni le plan et la liste des auteurs de la Collection de la Byzantine, et pour avoir publié les huit premiers volumes de l'édition des Conciles. Le père Petau est devenu l'oracle de la chronologie. Le père Sirmond a mis au jour la Notice des dignités des Gaules et les ouvrages de Sidoine Apollinaire, etc. etc.

Les prêtres de l'Oratoire comptent dans leur ordre Charles Le Cointe, auteur des Annales ecclesiastici Francorum, continuées par Gérard Dubois et par Julien Loriot, ses confrères. Nous devons à Jacques le Long la Bibliothèque historique de la France, corrigée et augmentée par par Fevret de Fontette, etc. etc.

La Magistrature parlementaire, le Chancelier à sa tête, étoit elle-même un corps lettré qui commandoit des travaux et ne dédaignoit pas d'y porter la main. On le verra quand j'indiquerai les manuscrits à consulter, et les entreprises arrêtées par l'action révolutionnaire.

L'Académie des Inscriptions travailloit de son côté aux fouilles de nos anciens monuments: je n'ai pas compté dans ses Mémoires moins de deux cent cinquante - sept articles sur tous les points litigieux de notre Archéologie. On trouve les membres de cette illustre Académie chargés de la direction de plusieurs grands travaux qui s'exécutoient avec le concours des lumières de diverses sociétés, sous le patronage du Gouvernement. Plus heureuse que la Congrégation de Saint-Maur, l'Académie des Inscriptions existe encore; elle voit encore à sa tête ses chefs vénérables, les Dacier, les Sacy, les Quatremère de Quincy, savants de race, comme les Bignon, les Valois, les Sainte

Marthe, et dont les confrères continuent d'être parmi nous les fidèles interprètes de l'antiquité.

Auprès de ces trois grands corps des Bénédictins, des Magistrats et des Académiciens, se trouvoient des hommes isolés, comme les Du Cange, les Bergier, les Lebœuf, les Bullet, les Decamps et tant d'autres : leurs dissertations consciencieuses ont jeté la plus vive lumière sur les points obscurs de nos origines. Il est inutile d'indiquer ce qu'il faut choisir dans ces auteurs. Quel puits de science que Du Cange! on en est presque épouvanté.

Je recommande surtout à nos Historiens futurs une lecture sérieuse des Conciles, des Annales particulières des provinces, et des Coutumes de ces provinces, tant latines que gauloises: c'est là qu'avec les Vies des Saints pour les huit premiers siècles de notre Monarchie, se trouve la véritable histoire de France.

Et néanmoins, ces matériaux imprimés, dont le nombre écrase l'imagination, ne sont qu'une partie des documents à consulter. Les Archives, le Cabinet ou le Trésor des Chartes, les rôles et les registres du Parlement, les manuscrits de la Bibliothèque publique et des autres Bibliothéques, doivent appeler l'attention. Ce n'est pas tout que de chercher les faits dans des éditions commodes, il faut voir, de ses propres yeux, ce qu'on peut nommer la physionomie des temps, les diplômes que la main de Charlemagne et celle de saint Louis ont touchés; la forme extérieure des Chartes, le papyrus, le parchemin, l'encre, l'écriture, les sceaux, les vignettes; il faut enfin manier les siècles et respirer leur poussière. Alors, comme un voyageur à des régions inconnues, on revient avec son journal écrit sur les lieux, et un portefeuille rempli de dessins d'après nature.

Dans une note substantielle, M. Champollion-Figeac a donné des renseignements que je me fais un devoir de reproduire.

«On se proposa, il y a déja long-temps, de réunir en <une seule Collection générale tous les documents authen

<«tiques relatifs à l'histoire de France. Colbert et d'Agues«seau jetèrent les premiers fondements de cette Collection. «L'établissement, en 1759, du Dépôt de législation, assem«blage méthodique de toutes les Lois du Royaume, qui «fut porté à plus de trois cent mille pièces, et qui doit «<exister encore, soit à la Chancellerie, soit aux Archives «royales, amenoit, comme une de ses dépendances na«<turelles, la réunion de tous les monuments historiques «qu'il étoit possible de découvrir, et Louis XV ordonna «cette réunion en 1762, sous le ministère de M. Bertin. Des «arrêts du Conseil, 8 octobre 1763 et 18 janvier 1764, ré«glèrent l'ordre du travail, celui des dépenses, appelèrent «le zèle et le concours de tous les savants vers ce grand «but d'utilité publique; établirent, en 1779, des confé«rences très propres à régulariser tant d'honorables ef«forts, les excitèrent de plus en plus par de nouvelles dis«positions ajoutées aux précédentes, en 1781, sous le « ministère de M. de Maurepas, et augmentèrent, en 1783, «par l'influence de M. d'Ormesson, les fonds destinés aux «dépenses du cabinet. M. de Calonne proposa, en 1785, «de nouveaux moyens d'émulation qui furent générale«ment utiles, et le Clergé s'y associa en 1786, en ajoutant «aux fonds accordés par le Roi, un supplément pris sur «les dépenses qu'il affectoit à l'histoire de l'Église. Les «États des provinces imitèrent ce généreux exemple; les «ordres de M. de Calonne procurèrent, en 1787, le concours de tous les intendants; et l'organisation du travail, sage«ment centralisée dans les mains de l'historiographe de «France, Moreau, sous l'autorité du Ministère, rendit tous «ses efforts propices et fructueux. Les hommes instruits «de tous les pays recherchoient l'honneur d'y concourir; «<le Roi honoroit leur empressement, et récompensoit leurs «plus notables services par des graces de tout genre. La «Congrégation de Saint-Maur et celle de Saint-Vannes «avoient échelonné leurs plus habiles ouvriers sur tous «les points de la France où quelque recherche étoit à faire. « Les documents arrivoient en abondance, tout sembloit

<< assurer la prochaine publication du Rymer françois, mieux «conçu, plus utile que celui d'Angleterre; un arrêt du «Conseil, du 10 octobre 1788, assuroit de plus en plus ce «précieux résultat à l'histoire de France, et l'impression << du premier volume, contenant les instruments de la pre«mière race, avançoit rapidement, quand la Révolution « survint. Un décret du 14 août 1790 ordonna le transport « de tous les documents historiques à la Bibliothèque << royale; bientôt on querella, et on supprima ensuite les «fonds spéciaux qui leur étoient affectés, et il fallut ou<«<blier, durant trente-six ans, ces vénérables archives de «la Monarchie françoise..

<«< Les travaux des Baluze, Du Cange, Dupuy, d'Achéry, «Martène et Mabillon, avoient assez.prouvé qu'il existoit, «hors du Trésor des Chartes de la Couronne, une foule de « documents d'un grand intérêt, quelquefois d'une grande « importance, pour l'histoire et le droit public du Royaume. « On comprit dès lors l'insuffisance relative des deux grands «ouvrages entrepris par ordre du Roi, le Recueil des «Ordonnances et celui des Historiens de France. Ce der«nier, d'après son plan sagement conçu, étoit purement «historique, n'admettoit pas les actes d'administration «générale émanés de l'Autorité royale, et le premier n'em«brassoit que les Ordonnances des Rois de la troisième «race. Il y avoit donc, malgré les Capitulaires de Baluze, «des lacunes immenses pour les temps écoulés depuis <«l'origine de la Monarchie jusqu'à l'avènement des Capé«tiens. Elles ne pouvoient être comblées que par cette «foule de chartes et d'actes de toute espèce déposés, ou «plus généralement oubliés, dans les nombreux chartriers « des villes, des églises, des monastères, des compagnies «judiciaires et des grandes maisons. Il s'agissoit de re<«< construire par leur témoignage les Annales véridiques et «complètes de la France, et, par leur réunion en un dépôt <«< commun, de créer un centre perpétuel pour toutes les <«<recherches ordonnées par le Gouvernement ou entre«prises par des particuliers.

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