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PLACI

LACIDE, mon très doux fils, pourquoi te pleurerais-je? Tu ne m'as été enlevé que pour être à tous. Je veux rendre grâces pour ce sacrifice du fruit de mon cœur offert au Dieu toutpuissant. » Ainsi parlait, à la nouvelle du triomphe de ce jour, Benoît, le père de votre âme, mêlant ses larmes et sa joie. Il devait vous survivre de peu, assez toutefois pour, de lui-même, compléter séparations et déchirements en dirigeant vers le lointain pays de France le compagnon de vos jeunes années, Maur, qui de si longtemps ne devait pas vous rejoindre au ciel. La charité ne cherche pas ses intérêts 2; et c'est en s'oubliant et se perdant pour Dieu, qu'elle les trouve. Placide a disparu, Maur s'éloigne, et Benoît va mourir : c'est au moment où l'humaine prudence eût estimé l'œuvre du patriarche à jamais compromise, qu'affermissant ses racines elle étend sur le monde entier ses rameaux. Si le grain de froment ne tombe à terre et ne meurt, il reste seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit3. Comme autrefois le sang des martyrs était une semence de chrétiens, il multiplie les moines à cette heure.

Soyez béni, ô Placide, bien au delà de l'Italie qui vous donna naissance, de la Sicile qui vit vos combats; soyez béni pour les épis sans nombre, moisson immense, sortis du grain de choix tombé aujourd'hui en terre: dans votre immolation, les analogies de la foi nous permettent de voir le secret du succès de la mission monastique accomplie par Maur. Ainsi, malgré la diversité grande et

1. Acta S. Placidi et Soc. cap. vii. 2. I Cor. xi, 5. 3. JOHAN. XII, 24-25. — 4. TERTULLIAN. Apologet. L.

LE TEMPS APRÈS LA PENTECÔTE, — T. V.

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l'inégale longueur de vos sentiers, restez-vous unis pour le Maître et Père dont vous étiez la joie dans la sainte Vallée ; l'heure venue, des hauteurs du Cassin, il n'hésita pas devant le sacrifice plénier que lui demandait le Seigneur; c'est pour cela que du ciel, aujourd'hui, il voit justifiées pleinement les espérances qu'il fondait sur tous deux.

Daignez, ô Placide, ne cesser point de vous intéresser à l'extension du règne du Christ sur terre, aux progrès de la vie parfaite en l'Eglise, à la diffusion par le monde de cette famille monastique dont vous êtes la gloire. Les noviciats vous sont confiés en divers lieux au souvenir de la formation privilégiée dont vous eûtes l'insigne avantage, veillez sur les aspirants de la meilleure part. A eux surtout s'applique le mot de l'Evangile : Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux 1, ce royaume des cieux qui consiste dans la possession anticipée de Dieu ici-bas par la vie d'union à laquelle conduit la voie des conseils. Puissent-ils rappeler aux Anges votre humble et douce simplicité, reconnaître la maternelle sollicitude à leur endroit de la sainte Religion par la filiale docilité` qui répondit chez vous à la spéciale tendresse du législateur des moines Puissent-ils, malgré la défaveur du monde, croître en nombre comme en mérite, à l'honneur de Dieu !

Les épreuves de l'heure actuelle doivent préparer la phalange monastique, l'état religieux entier, aux épreuves de l'avenir. C'est autour de lui que se grouperont les martyrs des derniers temps, comme firent près de vous les chrétiens de Mes

1. MATTH. XVhi, 3.

sine, et vos deux frères, et cette héroïque Flavia si vraiment digne d'être appelée deux fois votre sœur. Puisse donc la troupe d'élite serrer ses rangs, rester indissolublement unie, pour redire d'une seule voix aux persécuteurs de l'avenir comme à ceux du présent : « Faites ce que vous avez résolu ; car nous n'avons qu'une âme, qu'une foi, qu'une manière de vivre 1. »

1. Acta S. Placidi et Soc. cap. v.

+

LE VI OCTOBRE.

SAINT BRUNO, CONFESSEUR.

P

ARMI les diverses familles religieuses, il n'en est point que l'Eglise tienne en plus haute estime que celle des Chartreux; les prescriptions du Corps du droit établissent que de toutes autres on peut passer à celle-ci sans déchoir 1. Et cependant il n'en est pas dont la part semble moindre aux services multiples où se consume ici-bas le zèle des enfants de Dieu. Ne serait-ce point une nouvelle preuve, et non la moins démonstrative, que le zèle extérieur, si louable qu'il soit, n'est pas tout, n'est pas le principal devant le Seigneur ? L'Eglise, c'est là sa fidélité, apprécie toutes choses au point de vue des préférences de l'Epoux; or, en effet, le Seigneur estime ses élus beaucoup moins en proportion de l'activité de leur vie, que de la perfection cachée de leurs âmes, cette perfection qui se mesure à l'intensité de la vie divine, et dont il est dit : Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. C'est de cette vie divine qu'il est dit aussi : Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu 3. L'Eglise donc, considérant la solitude, le silence du Chartreux, son abstinence jusqu'à la mort, sa liberté de vaquer à Dieu, dégagé pleinement des sens et du monde, y voit la garantie d'une perfection qui peut se rencontrer

1. Cap. Viam ambitiosa, I, tit. vII Extrav. com. Lib. III. 2. MATTH. v, 48. — 3. Col. II, 3.

ailleurs, mais lui paraît ici plus assurée 1. Dès lors, si étendu que se révèle chaque jour le champ du labeur, si impérieuses que se fassent les exigences de la lutte, elle n'hésite pas à couvrir de la protection de ses lois, elle favorise des plus augustes encouragements quiconque est appelé par la grâce au désert.

N'est-ce pas dans les jours où tout effort apparaît vain pour arrêter le monde sur la pente des abîmes, qu'il est urgent de se replier sur Dieu ? L'ennemi le sait au contraire de l'Eglise, la première loi qu'il impose aux sociétés perdues est d'interdire l'accès de la voie des conseils et d'étouffer toute vie d'adoration, d'expiation, de prière; car il n'ignore pas qu'une nation prosternée dans la personne des meilleurs de ses fils, si voisine qu'elle paraisse du terme fatal, peut se reprendre à espérer encore.

Ce n'est point autrement qu'on vit, au onzième siècle, notre Occident neutraliser les germes de mort qu'il tenait du dixième. S'il fut un temps où il sembla que le cloître, loin d'élargir ses avenues, dût bien plutôt verser jusqu'au dernier de ses habitants dans la milice active de l'Eglise, c'est à coup sûr l'époque où la chair, victorieuse de l'esprit, affichait ses triomphes au milieu du sanctuaire lui-même, où César et Satan, l'un pour l'autre, tenaient asservis les pasteurs des peuples. Pourtant alors, non seulement Cluny nourrit dans ses murs les forces vives de la chrétienté, mais Camaldoli, puis Vallombreuse, la Chartreuse aujourd'hui, Citeaux enfin se fondent, et s'affirment comme ayant pour titre uniquement l'urgence qui s'impose d'offrir à divers degrés, dans le mona

1. SUAREZ, De Religione, Tract. IX, Lib. 11, cap. iv, 6.

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